Législatives 2024 : un candidat RN-LR en Haute-Savoie pose avec sa robe de magistrat sur un tract, son adversaire alerte la justice

Charles Prats est arrivé en tête du premier tour des législatives dans la 6e circonscription de Haute-Savoie. Xavier Roseren, le député sortant macroniste, dénonce "une tentative d'influencer indûment les électeurs en utilisant son autorité professionnelle".
Article rédigé par Violaine Jaussent
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Le tract diffusé par Charles Prats, candidat RN-LR en Haute-Savoie, avant le premier tour des élections législatives 2024. (DR)

Un magistrat peut-il s'afficher avec sa robe sur de la propagande électorale ? La question se pose après la diffusion d'un tract sur lequel un ancien juge, Charles Prats, revêt le costume judiciaire de soie noire, auquel est épinglé son insigne de chevalier de l'Ordre national du mérite. Or, le magistrat, actuellement en disponibilité, est le candidat de l'alliance entre le Rassemblement national et Les Républicains dans la 6e circonscription de Haute-Savoie. A l'issue du premier tour des législatives anticipées, il est arrivé en tête avec 36,21% des voix.

Après le désistement du candidat du Nouveau Front populaire, le député sortant Xavier Roseren, arrivé deuxième avec 34,68% des suffrages, est le seul adversaire de Charles Prats au second tour. Comme le révèle Le Nouvel Obs mardi 2 juillet, ce représentant du camp présidentiel, élu en 2017 puis en 2022 dans cette circonscription qui comprend Chamonix, a dénoncé l'utilisation de cette photo dans une lettre adressée au Conseil supérieur de la magistrature (CSM) et au ministère de la Justice.

Contacté par franceinfo, le ministère confirme avoir reçu le courrier de Xavier Roseren, qui "est en cours d'expertise". En revanche, l'organe chargé de garantir l'indépendance des magistrats assure que "pour l'heure", aucun courrier "sur ce point" ne lui est parvenu.

"Une conduite susceptible de sanctions"

"L'utilisation d'un symbole officiel comme la robe de magistrat pour une campagne électorale peut être interprétée comme une tentative d'influencer indûment les électeurs en utilisant son autorité professionnelle", s'indigne Xavier Roseren dans cette lettre, citée par Le Nouvel Obs. Le candidat du parti Renaissance estime que "cette conduite" pourrait "être considérée comme une faute disciplinaire grave, susceptible de sanctions" de la part du Conseil supérieur de la magistrature.

"Pour moi, un magistrat doit donner l'exemple. Un candidat qui est magistrat et qui utilise une photo de sa robe, ce n'est pas normal. C'est le seul magistrat candidat à l'avoir fait."

Xavier Roseren, candidat de la coalition présidentielle dans la 6e circonscription de Haute-Savoie

à franceinfo

Les magistrats, soumis à une obligation de réserve, doivent aussi respecter des obligations déontologiques, sans quoi ils s'exposent à des sanctions. Il leur est "interdit d'utiliser cette qualité [de magistrat] ainsi que tout support permettant de la déduire pour toute démarche d'ordre privé". L'utilisation d'une photo d'un candidat avec sa robe de magistrat sur un tract enfreint-elle cette interdiction ? Le CSM n'a encore jamais été saisi de cette question.

"C'est exactement la même photo qu'en 2022"

"Il n'y a pas du tout de faute", rétorque Charles Prats, qui assure qu'il n'est "ni le premier, ni le dernier à poser en robe", par exemple en couverture de livres"La photo correspond à ma biographie, écrite en dessous. J'en avais marre qu'on raconte que je suis parachuté", avance le magistrat, né en Haute-Savoie, qui reconnaît avoir rédigé le tract "dans l'urgence".

"Je me présente aux élections, les gens ont envie de savoir qui je suis sur les tracts distribués dans la rue."

Charles Prats, candidat LR-RN dans la 6e circonscription de Haute-Savoie

à franceinfo

Preuve qu'il n'enfreint pas les règles, selon lui : lors des élections législatives de 2022, la même photo de Charles Prats dans son costume judiciaire "figurait" déjà sur ses "professions de foi officielles", fait-il remarquer. Il se présentait à l'époque sous la bannière de l'Union des démocrates et indépendants (UDI). "Juridiquement", cela n'avait pas "posé de problème". "C'était exactement la même photo et le CSM n'avait rien dit", insiste-t-il.

Si le Conseil supérieur de la magistrature venait à lui taper sur les doigts, ça ne serait néanmoins pas une première pour lui. En janvier 2023, le magistrat avait été sanctionné par l'instance pour plusieurs manquements, notamment au devoir d'impartialité, et pour atteinte à l'image de la justice. En cause, ses propos sur Twitter sur le "totalitarisme climatique" ou ses comparaisons à une "peste noire" à propos des casseurs et antifas dans les cortèges de "gilets jaunes".

Le Conseil supérieur de la magistrature avait alors considéré qu'il entretenait "une confusion entre ses opinions personnelles sur divers sujets d'ordre général extérieurs à l'activité judiciaire, ses positions syndicales, son engagement politique et son activité d'essayiste".

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