Législatives 2024 : agressions, insultes racistes, menaces de mort... Un entre-deux-tours émaillé de violences et de tensions
Une fin de campagne particulièrement tendue, à l'approche d'un scrutin décisif et incertain. Une série d'agressions physiques et verbales ont été recensées à quelques jours du second tour des élections législatives, dimanche 7 juillet.
Agressions de militants et de candidats, menaces visant des avocats et des journalistes, insultes racistes, xénophobes et LGBTphobes... Depuis les élections européennes et la dissolution de l'Assemblée nationale, les témoignages se multiplient sur fond de poussée électorale de l'extrême droite. D'après le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, "51 candidats, suppléants ou militants" ont été "agressés physiquement" lors de la campagne pour les législatives. Sur BFMTV, ce dernier a évoqué, vendredi 5 juillet, "une France à vif". A deux jours du second tour, franceinfo dresse une liste non exhaustive des violences, insultes et menaces qui ont marqué les derniers jours de la campagne.
Une série d'agressions de candidats et de militants
La porte-parole du gouvernement, Prisca Thevenot, candidate à sa réélection dans la 8e circonscription des Hauts-de-Seine, a été victime avec son équipe d'une "agression lors d'une opération de collage d'affiches électorales", mercredi 3 juillet, à Meudon. La ministre n'a pas été blessée, mais un militant a eu la mâchoire déplacée et sa suppléante a reçu des coups-de-poing et de pieds sur le corps. Un majeur et trois mineurs ont été placés en garde à vue.
Jeudi, Olivier Véran a dénoncé l'agression d'un élu local, alors que ce dernier collait des affiches pour la campagne de l'ancien ministre de la Santé en Isère. L'élu "a reçu un coup-de-poing à l'œil droit par un homme qui lui a dit faire partie de La France insoumise", a rapporté le procureur de la République de Grenoble, Eric Vaillant, cité par France 3 Auvergne-Rhône-Alpes. Un homme, âgé de 26 ans, s'est présenté à la police et a été placé en garde à vue après cette agression. Toujours dans le camp présidentiel, le candidat Horizons Thomas Mesnier a fait état le même jour, sur X, d'une "violente agression" d'un de ses militants en fin de semaine dernière.
Ces violences visent aussi le reste des forces politiques. Toujours jeudi, Sébastien Ramage, candidat du Nouveau Front populaire dans la première circonscription du Val-d'Oise, a dénoncé l'agression de sa directrice de cabinet "par un sympathisant RN", qui, "après avoir crié 'Vive Bardella', lui a asséné un coup au visage".
Maxime Viancin, candidat de l'alliance de gauche dans la 10e circonscription en Loire-Atlantique, a aussi fustigé sur X une "attaque homophobe et transphobe" contre trois de ses militants, "violemment poussés et frappés" lors d'un porte-à-porte. L'auteur de ces violences, selon le candidat, est "un militant d'extrême droite" qui leur aurait lancé que le RN allait "s'occuper des gauchos, des gouines et des trans". Mardi soir à Paris, quatre colleurs d'affiches ont été "violemment agressés avec un pistolet à poivre et des gaz lacrymogènes", puis "frappés et insultés de 'salopards d'antisémites'", a rapporté dans un communiqué la candidate Danielle Simonnet, frondeuse LFI dans la 15e circonscription de la capitale.
A l'extrême droite, l'eurodéputée Marie Dauchy, candidate dans la 3e circonscription de Savoie, a suspendu sa campagne après avoir été insultée et bousculée sur un marché par un commerçant, mercredi. Un homme a été placé en garde à vue pour "menaces de mort réitérées, injures et violences contraventionnelles", selon le parquet de Chambéry.
Des avocats et journalistes menacés de mort
Jeudi soir, 68 avocats ont porté plainte auprès du parquet de Paris pour "menaces de mort envers un avocat", "cyberharcèlement" et "provocation à la commission d'une infraction pénale", a appris franceinfo auprès des avocats des plaignants. Cela fait suite à la diffusion, la veille, d'une liste d'avocats "à éliminer" sur le site d'extrême droite Réseau libre. L'auteur de l'article appelle à "envoyer dans un fossé ou dans un stade ces avocats [qui] déclarent déjà ne pas respecter le verdict des urnes en cas de victoire du RN".
Dans cet entre-deux-tours, le site d'extrême droite a aussi menacé de mort la journaliste Nassira El Moaddem, présentatrice à Arrêt sur images. "Le 1er juillet 2024, le site d'extrême droite 'Réseau Libre', celui qui appelle à éliminer plusieurs avocats, publie ce texte me menaçant de mort avec ces mots : 'La valise ou le cercueil pour Nassira El Moaddem'", décrit-elle sur X.
Une multiplication de propos racistes
Fin juin, le président de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, Jean-Marie Burguburu, a par ailleurs alerté sur un "déchaînement de la parole raciste", dans un entretien avec France Bleu Paris. Un chauffeur de bus a notamment été traité de "bougnoule" et menacé de mort dans le Val-de-Marne, rapporte France Bleu Paris. Dans le Loiret, une aide-soignante noire a été victime d'insultes racistes de la part de ses voisins, a révélé l'émission "Envoyé Spécial" sur France 2. Et dans les Yvelines, des tracts racistes contre des personnes noires ont été distribués en juin.
A Toulouse, Nadia, militante de la Ligue des droits de l'homme, a reçu un crachat d'un voisin alors qu'elle tenait un tract du Nouveau Front populaire. "Il m'a carrément craché à la gueule (...) en me disant : 'Des gens comme vous, on n'en veut pas !' (...) C'est la première fois de ma vie que ça m'arrive", raconte-t-elle à France Bleu. A Perpignan (Pyrénées-Orientales), une commerçante a reçu une lettre raciste lundi, lui disant qu'elle n'était plus la bienvenue dans la ville et qu'elle devait "préparer son départ pour l'Afrique", relate France 3 Occitanie. "Nous allons dès le mois de septembre effectuer un nettoyage impitoyable et virulent du quartier", menacent les auteurs.
"Des problèmes de ce style-là, je n'en avais jamais eu", témoigne auprès de franceinfo Imène, qui a retrouvé lundi une affiche raciste collée sur sa porte d'entrée. "Il y a écrit : 'Allez Jojo, dehors les Arabes', avec une affiche de Marine [Le Pen] et Jordan [Bardella]." "Hier, j'étais au centre commercial, j'ai vu une femme avec un voile et le monsieur a crié : 'Ah bah voilà, c'est de ces bougnoules-là dont on en a marre, vivement qu'ils s'en aillent'", poursuit Meryem, dans le Val-de-Marne.
En parallèle, nombre de candidats RN pour ces législatives ont été épinglés pour des propos xénophobes, racistes, climatosceptiques ou antisémites. Un député sortant de l'Yonne, Daniel Grenon, a déclaré qu'un "Maghrébin binational" n'avait pas "sa place dans les hauts-lieux". Laurent Gnaedig, candidat dans le Haut-Rhin, a affirmé que les propos de Jean-Marie Le Pen sur les chambres à gaz comme "point de détail de l'histoire" n'étaient "pas une remarque antisémite", avant de présenter ses excuses. Dans le Calvados, Ludivine Daoudi s'est retirée après la diffusion d'une ancienne photo d'elle avec une casquette de l'armée nazie. Le président du RN, Jordan Bardella, assure que seuls "quatre ou cinq" candidats sont "problématiques", mais les exemples sont nombreux, rapporte notamment Mediapart.
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