Parier sur Martin Schulz aux européennes, un choix casse-gueule pour le PS ?
L'Allemand, candidat à la présidence de la Commission européenne, fait figure de chef de file du Parti socialiste en vue des élections. Il donne un meeting lundi soir à Nantes.
C'est avec lui que le Parti socialiste a lancé sa campagne, à la mi-avril, au Cirque d'hiver à Paris, devant 1 600 militants. C'est lui encore qui est la vedette du deuxième grand meeting du parti, près de Nantes (Loire-Atlantique), lundi 12 mai, jour du lancement officiel de la campagne pour les élections européennes du 25 mai.
Au fil des jours, Martin Schulz, actuel président du Parlement européen et candidat à la présidence de la Commission européenne pour les sociaux-démocrates (PSE), semble s'imposer comme le chef de file de la campagne socialiste pour ce scrutin. Sur le compte Twitter du PS, ses interventions médiatiques sont annoncées au même titre que celles des autres candidats. Son visage apparaît, seul, sur la page d'accueil du site de campagne du PS. Placer sous les feux de la rampe cet homme politique allemand constitue-t-il une bonne tactique ?
Eloigner les regards des enjeux nationaux
Pour Bruno Cautrès, chercheur au Cevipof, cette mise en avant fait partie intégrante de la stratégie du PS pour cette élection. "De la même manière qu'il a essayé de 'municipaliser' la campagne pour les municipales, le PS tente d'européaniser à fond les européennes", analyse-t-il.
Autrement dit, "le parti fait tout pour qu'il n'y ait pas trop d'interprétation nationale du scrutin". L'UMP fait tout l'inverse, ce qui explique le contraste entre l'omniprésence de Martin Schulz à gauche et l'absence à droite de Jean-Claude Juncker, candidat PPE à la présidence de la Commission.
Crédité de 18% d'intentions de vote selon les derniers sondages, le PS risque bien d'arriver bon troisième, derrière le FN et l'UMP le 25 mai. Le parti pâtit de la mauvaise opinion des Français vis-à-vis du gouvernement. "En prenant [Martin Schulz] comme symbole, la campagne du PS pourrait [donc] éviter le contrecoup de l'impopularité gouvernementale", estime Pierre-Emmanuel Guigo, enseignant à Sciences Po et chercheur en communication politique, sur le Huffington Post.
Un Européen pur jus, bilingue français
Dès lors, qui mieux qu'une figure-clé du Parlement européen peut attirer les regards vers l'Europe ? Le parcours de Martin Schulz, devenu président du Parlement en 2012, se prête parfaitement à cette stratégie. Depuis 1994, l'eurodéputé impose son style sanguin et combatif à Bruxelles et Strasbourg, n'épargnant pas ses adversaires, comme Silvio Berlusconi en 2003, ou ceux qui le mettent en cause, comme Daniel Cohn-Bendit en 2010.
Sa candidature à la présidence de la Commission a fini de motiver le PS à faire front derrière cet Européen pur jus, qui maîtrise le français. "Il a été élu démocratiquement par le PSE [Parti socialiste européen] comme notre candidat" pour le poste, rappelle Philip Cordery, secrétaire national du PS à l'Europe. "On souhaite donc qu'il prenne sa part dans la campagne en France, comme il le fait ailleurs."
Avec Martin Schulz, le Parti socialiste français entend prouver qu'il souhaite "réorienter l'Europe", comme l'a défendu François Hollande lors de la campagne présidentielle. La formation affiche donc son unité pour battre le PPE [Parti populaire européen, auquel appartient l'UMP] et honorer la promesse du président.
Le PS a d'autant plus de pression que, pour la première fois, les chefs d'Etat et de gouvernement européens devront tenir compte du résultat de l'élection pour désigner le nouveau président de la Commission.
Martin Schulz, symbole des contradictions du PS ?
Le parti fait toutefois un pari audacieux en valorisant Martin Schulz plutôt que ses candidats nationaux. Son visage, méconnu, parle peu aux électeurs, et son nom, plutôt évoqué dans les couloirs de Bruxelles qu'en France, n'aide pas à mobiliser les Français.
"Je ne crois pas qu'il y aura un souffle Martin Schulz", ironise Bruno Cautrès. Pour le chercheur, ce choix risque même de se retourner contre le PS : "Certains pourront penser, de façon caricaturale, que le PS ne s'occupe pas de la France puisqu'il va chercher un politicien allemand."
En outre, pas sûr que Martin Schulz soit le meilleur représentant de la ligne européenne défendue par le PS, souligne Le Monde. Le premier secrétaire du parti, Jean-Christophe Cambadélis, souhaite en effet rediscuter les critères du traité de Maastricht concernant les 3% de déficit.
Un débat que Martin Schulz a récemment balayé devant les journalistes, expliquant que "les 3 %, il faut faire avec" et que "les traités, (...) il faut les respecter". "Quand on regarde de près, Martin Schulz est plutôt en accord avec l'orthodoxie allemande", remarque Bruno Cautrès. Or, c'est bel et bien cette ligne que combat le PS pour ces européennes.
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