"Je suis eurodéputé et voici comment j'ai changé votre vie"
Quel est le pouvoir des parlementaires européens ? Francetv info a demandé à cinq d'entre eux d'expliquer en quoi ils ont influé sur le quotidien des Français.
A quoi bon voter aux européennes ? Invités à élire leurs eurodéputés les 24 et 25 mai, les Français pourraient bouder les urnes. Dans un sondage OpinionWay pour Le Figaro et LCI, publié le 28 avril, 60% des personnes interrogées ont fait part de leur intention de s'abstenir.
Pourtant, les parlementaires européens disposent de pouvoirs croissants à Strasbourg et à Bruxelles. Pour francetv info, cinq d'entre eux reviennent sur leurs combats de la dernière mandature, au cours de laquelle ils ont réussi à bloquer des projets de la Commission européenne ou à faire voter des textes qu'ils soutenaient.
"J'ai sauvé votre aéroport régional"
Député européen UMP du Sud-Ouest depuis 2011, en remplacement de Dominique Baudis, Franck Proust affirme avoir "sauvé 95% des aéroports régionaux, dont 100% en France", au terme d'un "combat d'un an et demi" contre un projet de la Commission européenne. Le texte initial prévoyait un encadrement drastique des subventions locales accordées aux aéroports régionaux, qui accueillent entre 200 000 et 1 million de passagers par an. Il s'agissait d'éviter une concurrence déloyale des compagnies à bas coûts (low cost), qui profitent indirectement de ces aides.
"Ce projet mettait en péril la survie des aéroports régionaux", affirme Franck Proust, qui a lancé une mobilisation d'eurodéputés pour défendre la "mission de service public" de ces infrastructures. "J'ai démontré qu'il y avait 265 000 emplois en jeu dans toute l'Europe et 16 milliards d'euros de retombées économiques", indique l'élu, déjà sensibilisé, chez lui, au dossier de l'aéroport de Nîmes. La Commission a fini par reculer, permettant aux aéroports de moins de 700 000 voyageurs par an de continuer à bénéficier d'aides conséquentes, indique Le Figaro.
"J'ai favorisé votre insertion professionnelle"
Autre illustration du pouvoir de veto des parlementaires européens : le combat d'Elisabeth Morin-Chartier, élue UMP de l'Ouest, face au Conseil européen. "Je me suis opposée aux chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE, qui voulaient lever la distinction entre le fonds social européen et le fonds d'aménagement des territoires", explique-t-elle.
Autrement dit, il s'agissait de rapprocher les fonds destinés aux politiques d'emploi et ceux finançant les routes et infrastructures. "Cela aurait nuit à l'emploi, car les élus préfèrent toujours inaugurer des ponts qu'ils ont financés plutôt qu'investir dans l'emploi, avec des résultats moins certains et moins concrets", assure Elisabeth Morin-Chartier, eurodéputée depuis 2007.
"Le fonds social européen a finalement été préservé et même augmenté à hauteur de 80 milliards d'euros, contre 73 milliards jusque-là", se félicite-t-elle. Avec quelles répercussions sur l'emploi en France ? "Cela a permis de sauver de nombreux chantiers d'insertion pour les jeunes sans qualification, largement financés par ce fonds", assure-t-elle, citant des exemples de chantiers dans le bâtiment dans le Morbihan, le maraîchage en Ille-et-Vilaine ou encore la boulangerie dans le Lot.
"J'ai sauvé votre aide alimentaire"
Le député européen Front de gauche Patrick Le Hyaric est l'un des artisans de la création du fonds européen d'aide aux plus démunis, qui permet, depuis le 1er janvier 2014, d'aider des associations comme les Restos du cœur et la Croix-Rouge. "Ce fonds est venu remplacer, de justesse, le programme européen d'aide aux plus démunis, qui avait été abandonné sous l'impulsion de l'Allemagne", rappelle cet élu d'Ile-de-France, par ailleurs directeur du journal L'Humanité.
Pour aboutir à ce texte, "il a fallu d'abord sauver le principe même de cette aide, puis se battre pour lui assurer une ligne budgétaire dédiée et un financement conséquent", explique Patrick Le Hyaric. Lui aussi a dû entrer dans un rapport de force avec la Commission européenne : "Elle proposait 2,5 milliards d'euros sur sept ans, nous avons réussi à sanctifier un financement entre 3,5 et 3,8 milliards." Derrière ces chiffres, des repas pour des millions de Français et d'Européens, ainsi que des vêtements et des aides au logement, précise La Croix.
"J'ai défendu votre viande locale"
Remplaçant de Kader Arif (ministre délégué puis secrétaire d'Etat aux Anciens combattants) au Parlement européen depuis 2012, le socialiste Eric Andrieu a intégré, à Strasbourg, la commission de l'Agriculture et du développement rural, deux thèmes sur lesquels il avait déjà travaillé dans le Languedoc-Roussilon.
Plongé dans le chantier de la politique agricole commune, "qui représente 38% du budget de l'UE", il explique avoir voulu agir, à Strasbourg, pour "une meilleure redistribution des aides, pour maintenir la diversité des agricultures". Son objectif : préserver les élevages, alors que "80% des aides publiques étaient concentrées par 20% des agriculteurs, souvent céréaliers, qui avaient les plus grosses exploitations".
Conjointement avec le ministre de l'Agriculture Stéphane Le Foll au Conseil européen, il a introduit au Parlement européen la "surprime aux cinquante premiers hectares", afin de verser davantage d'aides aux petites exploitations. "Ce projet est devenu réalité et permet notamment aux élevages en zones de piémont et de montagne de se maintenir, assure Eric Andrieu. Pour le consommateur, c'est une garantie d'accès à une viande d'origine et de proximité, par exemple pour la race d'Aubrac."
"J'ai allégé vos futures factures téléphoniques"
Elue de l'Est, l'eurodéputée socialiste Catherine Trautmann a travaillé sur un sujet cher aux frontaliers et aux voyageurs : les frais d'itinérance, facturés par les opérateurs de téléphonie mobile quand leurs clients vont à l'étranger. "La suppression de ces frais a enfin été votée par le Parlement européen, avec une clause d'utilisation raisonnable pour éviter des abus, se félicite l'ancienne ministre. C'est une avancée considérable. Quand on dit que l'Europe abolit les frontières, il faut que ce soit concret."
Le travail n'est pas encore terminé, car le texte voté au Parlement doit encore être approuvé par le Conseil européen et la Commission. "J'espère que tout cela sera bouclé à l'automne", indique Catherine Trautmann. Le Parlement prévoit une application du texte à partir de décembre 2015.
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