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Européennes : le Parlement sera-t-il plus rouge que vert ?

D'après les estimations quotidiennes, la Gauche unitaire européenne (GUE) gagnerait de nombreux sièges aux élections du 25 mai. Au détriment des Verts. Explications.

Article rédigé par Julie Rasplus
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Alexis Tsipras, patron du parti grec Syriza et candidat de la gauche radicale à la tête de la Commission européenne, le 20 mai 2014 à Patras (Grèce). (MENELAOS MICHA / CITIZENSIDE / AFP)

Dernière ligne droite avant les élections européennes du 25 mai. A quelques jours du scrutin, partis et candidats peaufinent leur ligne, afin de mobiliser les électeurs. Mais le visage du futur Parlement commence à se dessiner, au gré des sondages réalisés, au cours de la campagne, dans les vingt-huit pays de l'Union européenne. Si à droite, la montée des partis eurosceptiques et d'extrême droite est à prévoir, qu'en est-il de la gauche européenne ?

Selon les dernières projections du projet PollWatch 2014 (en anglais), publiées mercredi 21 mai, la Gauche unitaire européenne (GUE) gagnerait de nombreux sièges au Parlement européen. Elle se hisserait ainsi devant les Verts, au rang de quatrième force politique de l'Union.

Le nombre d'eurodéputés de gauche radicale passerait de 35 à 53, tandis que les écologistes européens pourraient perdre une quinzaine de sièges. Ces chiffres semblent indiquer un glissement de l'électorat écologiste vers la gauche radicale, au profit de cette dernière.

Deux électorats proches

Pour Daniel Boy, chercheur au Cevipof, le Centre de recherches politiques de Sciences Po, ce scénario est possible en raison de la "parenté entre les deux électorats". L'électorat de la gauche unitaire européenne, de tradition populaire et plutôt âgée, attire aussi des électeurs au niveau d'étude plus élevée, un profil que l'on retrouve chez l'électorat vert. "On peut imaginer que cette fraction est plus mobile" en fonction des priorités du moment, note ce spécialiste de l'écologie politique. 

Cette tendance est d'autant plus vraie en France, où l'électorat écologiste est le plus hésitant quant à son choix. "Ce n'est pas pour rien que Jean-Luc Mélenchon fait du pied aux écologistes", analyse le directeur de recherches du Cevipof. Les électeurs se trouvent souvent partagés entre enjeux sociaux et environnementaux.

La crise profite à la gauche radicale

Or, face au chômage et aux difficultés sociales, l'environnement ne fait pas vraiment le poids. Les remous économiques de l'Europe ont déplacé le curseur des électeurs, comme des politiques. Au cours des trois grands débats européens, les six candidats à la Commission européenne ont longuement parlé de l'austérité sans s'attarder sur l'environnement ou les questions climatiques.

"Même si cela ne ravit pas les écologistes, lorsqu'il y a aggravation de la crise économique, il existe souvent une contradiction avec les thèmes environnementaux, confirme Daniel Boy. En France, par exemple, l'environnement n'est jamais dans les premières priorités si on le met en balance avec le chômage."

Sur ce point, les projections de PollWatch sont éclairantes. Les pays où la gauche radicale européenne affiche de bons chiffres ont tous subi des mesures de rigueur imposées par la troïka formée par la Banque centrale européenne (BCE), le Fonds monétaire international (FMI) et la Commission européenne. Les positions critiques de la gauche radicale, qui défend une politique de lutte contre l'austérité, séduisent.

Le parti d'extrême gauche Syriza fait ainsi course en tête en Grèce, avec 29,7% des intentions de vote, tout comme le Sinn Fein en Irlande (22%), qui, depuis son tournant à gauche, se montre très eurocritique. Selon Le Monde (article payant), des bons résultats sont aussi attendus à Chypre, au Portugal ou encore en Espagne, trois pays ayant bénéficié de plans de sauvetage et de mesures de rigueur drastiques.

Alexis Tsipras, un porte-drapeau nécessaire 

La gauche européenne a surtout trouvé son chef de file en la personne d'Alexis Tsipras, le charismatique patron de Syriza. Le dernier débat entre les six candidats à la Commission européenne l'a révélé aux Européens qui ne le connaissaient pas encore. En guise de présentation, le quadragénaire grec, qui a sillonné l'Europe pour mobiliser les électeurs, a donné un aperçu de ses engagements : "Je viens de Grèce, un pays que les dirigeants européens ont choisi comme cobaye de l'austérité la plus dure."

Ce chantre d'une Europe sociale et anti-rigueur, qui affiche de bons résultats dans son pays, parvient à personnifier une gauche européenne en mal de porte-voix. "Il peut fédérer, catalyser notre campagne", confiait, en 2013, Pierre Laurent, président du Parti de la gauche européenne (PGE) et secrétaire national du PCF, dans Libération.

En face, les Verts, orphelins de l'emblématique Daniel Cohn-Bendit, pourraient bien se retrouver seuls. "Il a toujours été une locomotive pour les écologistes et le fait qu'il ne soit plus là pourrait contribuer à un moins bon score", juge Daniel Boy. Chez EELV, on est fébrile. Invité de LCI mercredi, Jean-Vincent Placé a reconnu que "Dany" manquait aux Verts en France. Pour le sénateur, "y aller sans Cohn-Bendit", c'est comme "faire un match de foot sans Zidane". Et "c'est un handicap, bien sûr."

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