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Elections européennes : Emmanuel Macron a-t-il le droit de figurer sur une affiche de campagne ?

Le chef de l'Etat figure seul sur une affiche de campagne appelant à voter pour la liste de la majorité présidentielle. Ce visuel étant destiné à "l'affichage sauvage", comme le précise LREM, il est parfaitement légal.

Article rédigé par Benoît Zagdoun
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Une affiche mettant en scène Emmanuel Macron, réalisée par LREM pour la campagne des élections européennes. (FRANCEINFO)

Emmanuel Macron apparaît seul, le visage souriant. Son portrait en buste sur fond verdoyant est accompagné du message suivant : "En marche pour l'Europe ! Le 26 mai, je vote Renaissance." En bas de l'image figure le nom du parti présidentiel, La République en marche. A dix jours des élections européennes, cette affiche en faveur de la liste du parti majoritaire fait polémique. Car, à gauche comme à droite, on s'interroge : un parti politique a-t-il le droit d'utiliser ainsi l'image du chef de l'Etat ?

"Nous n'avons pas le droit, sous peine de censure, d'utiliser une image du drapeau français ou le moindre symbole de la République dans notre affiche. @enmarchefr a le droit d'utiliser, en guise de seul message, l'image du président de la République", dénonce le candidat Benoît Hamon.

"On nage en plein délire", s'emporte la tête de liste souverainiste Nicolas Dupont-Aignan. "Le président de la République, garant de l'unité nationale, figurera sur une affiche de campagne de #EnMarche."

Le Code électoral est assez permissif. "Il fixe la taille des affiches. Il interdit aussi la combinaison des trois couleurs bleu, blanc et rouge sur les affiches, à l'exception de la reproduction de l'emblème d'un parti ou groupement politique. Mais il ne précise aucune mention obligatoire ou prohibée", explique à franceinfo Thierry Vallat, avocat au barreau de Paris.

"Les textes ne précisent rien sur la composition des images, sauf en ce qui concerne l’utilisation du drapeau tricolore, seul emblème de la République officiellement exclu", confirme Ricardo Andrés Salas Rivera, doctorant à la faculté de droit de Grenoble.

Un visuel destiné à l'affichage sauvage

L'avocat soulève toutefois un autre point de droit : "L'article 90 prévoit qu'un candidat ne peut pas céder son panneau d'affichage." S'il enfreint cette règle, il encourt 9 000 euros d'amende. Dans le cas des élections européennes, "on peut considérer que le candidat est la liste Renaissance et non sa tête de liste Nathalie Loiseau." Mais cette disposition ne s'applique qu'à l'affichage officiel.

Or, comme l'explique à l'AFP le porte-parole de la campagne LREM des européennes Pieyre-Alexandre Anglade, cette affiche mettant en avant Emmanuel Macron n'est pas destinée à être collée sur les panneaux électoraux devant les bureaux de vote. Tirée à 60 000 exemplaires, elle a été distribuée aux militants pour être placardée dans toute la France dans la dernière ligne droite, dans le cadre d'"un affichage non officiel", précise à franceinfo une source à LREM. Et "rien dans le Code électoral n'encadre ce qui doit figurer sur les affiches libres", relève l'avocat Thierry Vallat.

L'article 51 interdit toutefois l'affichage sauvage, hors des emplacements d'affichage public. "Pendant les six mois précédant le premier jour du mois d'une élection et jusqu'à la date du tour de scrutin où celle-ci est acquise, tout affichage relatif à l'élection, même par affiches timbrées, est interdit en dehors de cet emplacement ou sur l'emplacement réservé aux autres candidats, ainsi qu'en dehors des panneaux d'affichage d'expression libre lorsqu'il en existe."

L'affichage ne respectant pas ces règles est sanctionné d'une amende de 9 000 euros. La pratique est cependant largement tolérée, reconnaît Thierry Vallat. Et en période électorale, les affiches des différents candidats fleurissent un peu partout, sur les palissades des chantiers ou les piles des ponts, notamment. 

Sarkozy sur une affiche de l'UMP en 2009

La photo d'Emmanuel Macron a été prise par la photographe Soazig de La Moissonnière, qui a suivi le candidat pendant sa campagne victorieuse et l'a accompagné à l'Elysée, selon une source à LREM. Le cliché a été pris avant la photo officielle et "diffusé largement". Les équipes de LREM en disposaient et l'ont retouché pour l'utiliser sur leur affiche. "On a fait un montage, on a retravaillé le fond et on a enlevé la cocarde pour respecter le Code électoral", explique à franceinfo cette source à LREM.

Le procédé n'est pas nouveau. En 2009, l'UMP avait utilisé une photo de Nicolas Sarkozy pour faire campagne avec le slogan "Quand l'Europe veut, l'Europe peut".

En outre, "rien dans les textes qui régissent les élections ne se prononce sur la question du rôle du président de la République", souligne Ricardo Andrés Salas Rivera. Cela pose la question de la place du chef de l'Etat sur la scène politique. Est-il un arbitre au-dessus des partis, comme le souhaitait le général de Gaulle ? Ou le leader du parti présidentiel ? "Si l'on considère que le chef de l'Etat est avant tout un acteur politique, voir son image apparaître sur les affiches n'a rien d'illégal", conclut le doctorant en droit.

La loi de 1977 encadrant les élections européennes "semble même prévoir de manière implicite la possibilité pour des membres d’un parti politique de s’impliquer dans la propagande", analyse Josselin Rio, doctorant en droit électoral à l'université de La Réunion. Car elle dicte que "la propagande électorale est réservée aux listes en présence, ainsi qu'aux partis et groupements politiques français présentant ces listes". Conclusion du chercheur : "Le président de la République appartenant au parti LREM, il pourrait théoriquement figurer sur l’affiche."

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