: Vidéo Ces experts-comptables qui nous gouvernent
Dans les discours et les programmes, les chiffres et les statistiques seraient-ils en train de remplacer les idées et les convictions ?
Supprimer 500.000 emplois dans la fonction publique, inverser la courbe du chômage, ou encore faire 100 milliards d’euros d’économie sur le budget de l’Etat... Quand on écoute les programmes des hommes politiques, on a comme l’impression qu’on est en train d’élire… des experts-comptables.
En fait, dans les débats et les discours politiques, on dirait parfois que la France se réduit à des chiffres et des statistiques : “J’ai proposé de supprimer 200 000 à 300 000 postes de fonctionnaires, et je dis à François Fillon que son chiffre de 600 000 n’est pas crédible", affirmait Alain Juppé à son adversaire lors des débats pour la primaire de la droite de 2016.
Certes, les chiffres sont importants… Le fait par exemple de vouloir ramener le déficit public en dessous des 3%, cela veut dire beaucoup de choses dans la vie des gens. Mais est-ce une raison pour ne parler que de chiffres ? Parmi nos élus, aujourd’hui, qui nous fait rêver ? Qui nous propose un vrai projet de société, une vision du monde ?
Le dernier grand discours marquant une partie de ma génération, c’est celui de Dominique de Villepin à l’ONU en 2003, lorsque la France s’est opposée à la guerre en Irak : "Nous sommes les gardiens d’une conscience. La lourde responsabilité et l’honneur qui sont les nôtres doivent nous conduire à donner la priorité au désarmement, dans la paix", clamait-il.
François Mitterrand avait d’ailleurs prédit cette toute-puissance du chiffre. En toute modestie, il avait prononcé ces phrases : "Je suis le dernier des grands présidents. Après moi, il n’y aura plus que des financiers et des comptables"
Aujourd’hui, on a parfois l’impression que les chiffres s’imposent comme des normes et des lois, et transforment les hommes politiques en simples exécutants, asservis à une logique comptable. Ce phénomène, qu’on peut appeler datacratie, technocratie, bureaucratie, est critiqué à la fois par des économistes, des juristes et même par Barack Obama.
Contrairement à certaines idées reçues, on ne peut pas diriger un pays comme on dirigerait une entreprise. Quand les citoyens ont face à eux des experts-comptables… ils se tournent parfois vers des populistes. C’est ce que montre l’élection de Donald Trump. Le nouveau président américain est tout sauf un gestionnaire. Quand il donne des chiffres, ils sont souvent faux… ou alors ils changent d’un discours à l’autre.
Dorénavant, allons-nous avoir uniquement le choix entre d’un côté des populistes, et de l’autre des gestionnaires ? Ce serait peut-être bien que les hommes et les femmes politiques se décident enfin à réenchanter le monde à moindre coût, ou, a minima, qu'ils nous proposent un autre horizon que celui des livres de comptes.
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