Trêve hivernale : ils ont des revenus et sont menacés d'expulsion
Hamady
Souaré n'a plus peur de la justice, des huissiers et de
l'expulsion. Pourtant, pendant des années, ce boulanger a vécu entre les
courriers de sa propriétaire, de l'avocat et du tribunal en redoutant ce
qui
allait lui tomber dessus. Ce matin, il aurait pu, comme des milliers
d'autres, être à la rue. Lui, sa femme et ses trois enfants de 12, 14 et
24 ans.
A cinq dans 12 mètres carrés
Mais le 19 février dernier, le sort en a décidé autrement.
Il a enfin obtenu le logement social qu'il attendait depuis 8 ans. Avant cela, les cinq membres de cette famille vivaient dans
le 11ème arrondissement de Paris dans 12
mètres carrés pour un loyer de 450 euros qui a toujours
été payé au début de chaque mois. Tout était humide du sol au plafond. Les
insectes grouillaient.
Un jour, la propiétaire le prévient
qu'il doit partir. Elle souhaite, dit-elle, loger quelqu'un de sa
famille. Le boulanger s'est alors battu pour rester dans ce que certains
qualifieraient de taudis.
"Je ne gagne qu'un smic. Personne ne voulait me
louer d'appartement plus grand".
Alors que la famille Souaré n'avait plus aucun espoir, Hamady s'est tourné vers
la fondation Abbé Pierre qui l'a aidé à constituer un dossier solide.
C'est ainsi que le 19 février dernier après 13 ans dans ce
minuscule appartement, Hamady, sa femme et leurs trois enfants arrivent dans ce
F4 immaculé. Ils sont les tous premiers locataires
de cette résidence flambant neuve du 15ème arrondissement.
Quand il part à la boulangerie en pleine nuit, Hamady n'a
plus la boule au ventre. Il sait que quand il reviendra chez lui l'après-midi sa
famille et ses meubles ne seront pas sur le trottoir. Après avoir vécu 13 ans
dans 12 mètres carrés
et pendant des mois sous la menace de se retrouver à la rue, il a enfin l'esprit en
paix.
Des travailleurs pauvres et des retraités vivent aussi sous la menace d'expulsion
Cet exemple n'est pas isolé. De plus en plus de travailleurs
pauvres vivent sous la menace d'une expulsion, particulièrement depuis
trois ou quatre ans comme l'explique Christophe
Robert de la fondation Abbé Pierre.
Mais c'est récemment aussi que sont apparus un
nouveau type d'expulsés, les retraités. Entre 9 et 10 % des appels que reçoit la plate-forme de
prévention des expulsions de la fondation Abbé Pierre proviennent de ces
personnes âgées qui ont eu une vie professionnelle en pointillée.
Arrivés à plus de 60
ans, ces vieux n'ont que de très maigres retraites en tous cas pas de
quoi s'assurer le minimum, à savoir un toit au-dessus de leur tête.
La
justice peut débouler d'un instant à l'autre et la mettre dehors
Mardi matin, dans une petite cité un peu délabrée du sud de
la région parisienne, une vieille dame ouvre et referme sa porte
rapidement.
Jeanne fait vite entrer Monique qui vient prendre des nouvelles. Ces
deux
femmes sont dans l'attente et dans la peur, peur que la plus âgée des
deux,
Jeanne 67 ans, soit expulsée dans les jours qui viennent. La trêve
hivernale qui protège les locataires prend en effet fin ce mardi.
La vieille dame à la mise en plis soignée sait que la
justice peut débouler d'un instant à l'autre et la mettre dehors. Une menace qui pèse aussi sur plusieurs autres de ses
collègues qui, comme elle, ont travaillé pour un ministère et sont aujourd'hui
en retraite. Pourtant leurs loyers sont payés en temps et en heure. Mais
la loi ordonne qu'au terme de leur vie active, elles quittent ces appartements.
Ces
femmes sont victimes d'une convention qui date des
années 30. Ce document, elles l'ont bel et bien signé en entrant dans ce
logement. Elles savaient donc à quoi s'attendre : à la retraite il
faudrait partir. Mais pour aller où ? A cette question aucune n'est
capable de répondre.
Une pénurie de logements sociaux
Avec une retraite d'aide soignante ou de blanchisseuse,
aucun propriétaire du privé ne voudra d'elles. Alors, il y a plusieurs années
déjà, elles ont pris les devants et ont fait des demandes de logements sociaux. Mais dans un pays qui manque cruellement de logements pour les actifs
et les familles, elles se sont vite heurtées à la pénurie de
logements sociaux.
"Que voulez-vous, une vieille femme comme moi, je suis
pas prioritaire", explique Jeanne en se tordant les mains.
Pour l'instant, Jocelyne, Jeanne et les autres n'ont donc
aucune autre solution. A un an de la retraite, Monique n'a pourtant aucune
envie de baisser les bras.
Avec l'énergie du désespoir, elle est à la tête
d'une amicale qui tente de défendre ces femmes. Elle a contacté le conseil général qui a peut-être obtenu la suspension de ces expulsions. Leurs dossiers
et la convention seront sans doute réétudier. Mais pour cela, il faudra du
temps.
Mais ces personnes âgées n'ont plus le temps d'attendre.
Jeanne a 70 ans, elle en fait dix de plus. Cassée par son travail, cette
blanchisseuse mesure un mètre trente et porte un corset. Malgré sa santé fragile, elle continue à entretenir ce petit
appartement où elle vit depuis 40 ans. Si on l'expulse, pour elle, tout s'arrête.
Elle le dit sans pathos, elle préfère mourir que d'être à la rue.
Pour le moment l'expulsion est peut-être repoussée. Jeanne
et son chat sont encore à l'abri. Jusqu'au prochain courrier d'huissier...
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