Traque aux comptes en Suisse: Bercy déterminé
Le ministre du Budget va demander aux banques établies en France le nom des résidents français ayant un compte en SuisseLe ministre du Budget va demander aux banques établies en France le nom des résidents français ayant un compte en Suisse
Eric Woerth l'a dit lundi après avoir fait savoir que le fisc s'était procuré les noms de 3.000 Français détenant des comptes en Suisse pour un montant de 3 milliards d'euros.
Il devront régulariser leur situation avant la fin de l'année, sous peine de subir un contrôle fiscal. Le PS dénonce une "amnistie implicite" accordée à ces contribuables.
"Je vais demander à l'ensemble des banquiers établis en France, qui relèvent du droit français, de nous donner l'ensemble des transactions financières vis-à-vis de comptes à l'étranger réalisées par des résidents fiscaux français", a déclaré lundi le ministre du Budget Eric Woerth sur France 5.
"Si leur collaboration est insuffisante, le droit fiscal prévoit d'ores et déjà des sanctions dissuasives (pénalité représentant 50% des sommes transférées)", avait déjà averti samedi le ministre.
A Berlin, à l'issue d'une rencontre avec la chancelière allemande Angela Merkel pour préparer le prochain sommet du G20, à Pittsburgh les 24 et 25 septembre, Nicolas Sarkozy a justifié lundi une procédure "cohérente" avec l'action commune de Paris et Berlin contre les paradis fiscaux.
"On ne peut pas dans cette période de crise accepter la fraude. On ne peut jamais l'accepter, mais spécialement pas dans cette période de crise", a dit lundi le président français lors d'une conférence de presse commune avec Angela Merkel.
Jusqu'au 31 décembre pour régulariser
"C'est la première fois que nous avons ce type d'informations, précises, avec les noms, les numéros de comptes et les montants en dépôt", avait indiqué samedi au JDD le ministre français du Budget."C'est exceptionnel !", s'est-il enthousiasmé ajoutant que "ces comptes sont ouverts dans trois banques et représentent des avoirs à hauteur de 3 milliards d'euros".
Martine Aubry dénonce une "forme d'amnistie"
Les contribuables concernés doivent régulariser leur situation avant le 31 décembre, a souligné EricWoerth qui a précisé qu'après cette date, le "contrôle fiscal s'appliquera dans toute sa rigueur : enquête détaillée et saisie de la justice au besoin".Martine Aubry a dénoncé lundi une "forme d'amnistie" concernant les 3.000 contribuables français détenant des comptes dans trois banques en Suisse. "Le gouvernement nous dit 'nous avons des noms'. Et bien, qu'on mette en place la procédure, qu'on les poursuive, qu'on les taxe, qu'on leur fasse payer des pénalités et puis qu'on saisisse les tribunaux", a-t-elle ajouté.
"Pourquoi leur donner la possibilité jusqu'à la fin de l'année de régulariser, un peu en douce (leur situation), alors que quand vous ne payez pas votre facture d'électricité (...) que vous êtes un Français classique, vous êtes pénalisé", a dénoncé la patronne du PS. "C'est une forme d'amnistie", a-t-elle déploré, estimant que "les règles doivent s'appliquer pour tous".
L'évasion fiscale estimée à 50 milliards d'euros
L'annonce d'Eric Woerth est tombée seulement deux jours après la signature entre Paris et Berne d'un accord permettant l'échange d'informations dans les cas de fraude fiscale.
"La majorité des noms ont été obtenus par le biais du renseignement fiscal, de manière non anonyme et sans contrepartie financière et d'autres, par des déclarations d'établissements bancaires", a encore précisé le ministre.
"Deux établissements bancaires nous ont fourni spontanément un certain nombre de noms de leurs clients qui ont ouvert des comptes (en Suisse) sans que l'administration fiscale en soit informée", a-t-il expliqué dimanche sur RTL, sans révéler ses sources. Ces deux banques sont "installées en France", a indiqué l'entourage du ministre, sans mentionner leur nationalité.
Eric Woerth fera un point prochainement avec Didier Migaud (PS) et Gilles Carrez (UMP), respectivement président et rapporteur général de la commission des finances de l'Assemblée nationale, sur ces informations.
L'annonce surprise de Bercy est aussi un nouveau message adressé à certains pays qui, comme la Suisse, multiplient les accords pour sortir de la "liste grise" des paradis fiscaux dressée par l'OCDE au lendemain du sommet du G20.
Interrogé sur le montant de l'évasion fiscale en France, M. Woerth dit ne pas la mesurer. "Le chiffre de 50 milliards d'euros circule mais il comprend la fraude à la TVA et aux prélèvements sociaux", selon le ministre qui a demandé à la "Délégation nationale de lutte contre la fraude d'élaborer une méthodologie de chiffrage".
Le SNUI demande des mesures "durables"
Le Syndicat national unifié des impôts (Snui) a estimé dimanche que l'annonce de Bercy était un "coup intéressant" mais qui "appelle des mesures structurelles et durables".
Le Snui juge qu'"il y a urgence à prendre des dispositions de portée générale, en France et au plan international, pour combattre" l'évasion fiscale internationale.
Ces dernières années, "les moyens de frauder se sont développés alors que les moyens alloués au contrôle fiscal stagnaient (l'arsenal juridique n'a pas été renforcé) voire diminuaient", relève le Snui, qui note que l'administration fiscale a perdu 12% de ses effectifs en 7 ans.
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