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Transports en commun : quatre questions sur l’augmentation du prix du pass Navigo en Île-de-France

Symbole de la hausse des prix, le prix de l'abonnement mensuel dans les transports publics franciliens augmente de près de 12%.
Article rédigé par Thomas Destelle
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
À partir du 1er janvier 2023, l'abonnement mensuel aux transports en commun franciliens, le pass navigo, coutera 84,10 euros au lieu des 75,20 euros actuellement. Photo d'illustration. (PHILIPPE LOPEZ / AFP)

L'augmentation est moins importante que prévue mais elle va s'ajouter dans les budgets des Franciliens. Île-de-France Mobilités (IDFM) a annoncé, mardi 6 décembre, une hausse de l'abonnement mensuel, appelé pass Navigo, de 11,8% pour l'année 2023. À partir du 1er janvier, il faudra donc débourser 84,10 euros pour obtenir ce pass au lieu des 75,20 euros actuellement. Objet d'une passe d'armes médiatique entre le gouvernement et la présidente Les Républicains Valérie Pécresse de la région Ile-de-France et d'IDFM, un accord a été trouvé en dernière minute.

1Pourquoi cette augmentation ?

Depuis plusieurs mois, le torchon brulait entre le gouvernement et la présidente d'Île-de-France Mobilités. Valérie Pécresse réclamait "un geste de l'Etat" afin d'éviter un pass Navigo à 90 euros, qui correspondait à une hausse de 20% du prix de l'abonnement. Avec l'inflation et la hausse exceptionnelle des prix de l'énergie, le gestionnaire des transports franciliens était à la recherche de 450 millions d'euros pour boucler son budget de fonctionnement 2023. Ce budget ne peut être en déficit et devait être adopté mercredi. 

Le ministre des Transport Clément Beaune a annoncé mardi une "aide exceptionnelle" de 200 millions d'euros "pour éviter que le pass Navigo explose""Un geste très puissant et exceptionnel", estime le ministre dans une interview au journal Le Parisien (article réservé aux abonnés). Dans un communiqué, IDFM estime que "la réponse de l'État est bienvenue, mais elle reste ponctuelle et partielle". Le gestionnaire du réseau espérait notamment pouvoir augmenter le versement mobilité. Il s'agit d'une taxe spécifique sur la masse salariale des entreprises de plus de 11 salariés. Selon les scénarios, elle aurait limité l'augmentation de l'abonnement mensuel à 80,80 euros (+7,5%). Mais l'augmentation de cette taxe est impossible sans le feu vert de l'État et cette solution "n'a pas été retenue", explique Clément Beaune car "cela abîmerait l'emploi, la croissance et la compétitivité"

2L'augmentation concerne-t-elle que l'abonnement mensuel et l'Île-de-France ?

L'abonnement mensuel ne sera pas le seul titre de transports à augmenter pour les Franciliens. Sur son site, Île-de-France Mobilités liste une partie des augmentations. Le Navigo semaine passe de 22,80 à 30 euros (+31,6%) , le tarif de l'abonnement annuel imagine R est inchangé, 342 euros, jusqu'à la prochaine rentrée scolaire, puis passera à 365 euros (+6,7%) . Pour un ticket de métro, qui doit bientôt disparaître, le prix passe à 2,10 euros au lieu des 1,90 euros actuellement, le carnet de dix tickets à 16,90 euros passera à 19,10 euros (+13%). Le ticket d'accès à bord des bus passe lui à 2,50 euros, il est de 2 euros aujourd'hui (+25%).  Le ticket dématérialisé, avec Navigo Liberté+ notamment, passe  à 1,69 euros au lieu des 1,49 euros aujourd'hui (+13%).  À noter que le forfait junior, et que le ticket origine-destination en carnet ou à l'unité n'augmente pas. Une question se pose, faudra-t-il changer ses tickets de métro à parti du 1er janvier ? D'après le site de la RATP, les billets et les tickets en carnet ou à l'unité n'ont pas de date de péremption et sont d'ailleurs délivrés sans indication de période de validité. Ils pourront donc être utilisés ultérieurement.

L'Île-de-France n'est d'ailleurs pas la seule région à connaitre une augmentation des prix des transports en commun. À la mi-novembre, la région Pays de la Loire a annoncé une hausse des prix des billets de 6% en 2023 sur les TER et les bus. La région Auvergne-Rhône-Alpes a déjà annoncé une hausse des tarifs (+8% pour les voyageurs occasionnels et +3% pour les abonnés), tandis que les régions Nouvelle-Aquitaine et Provence-Alpes-Côte d'Azur doivent augmenter les prix des billets des TER d'environ 8%. Dans Le Parisien, le ministre des Transports indique que le gouvernement va parallèlement donner 100 millions d'euros aux autorités organisatrices de transports publics des autres régions.

3Qui va payer ces augmentations de tarifs ? 

De nombreux Franciliens ne payeront pas la totalité des 8,90 euros en plus chaque mois pour avoir un pass Navigo. L'employeur est obligé de prendre en charge au moins 50% des frais de transport pour le trajet domicile-travail. Tous les salariés sont concernés, même ceux travaillant à temps partiel et les stagiaires. Il n'y a d'ailleurs que les cartes d'abonnement annuelles, mensuelles, ou hebdomadaires qui sont prises en charge par l'employeur. Un accord collectif dans l'entreprise peut avoir mis en place des modes de preuve ou de remboursement différents mais généralement, le salarié doit présenter un justificatif et recevra le remboursement sur son salaire à la fin du mois suivant l'achat du titre de transport.

Selon Île-de-France Mobilité, plus de 90% des utilisateurs du pass Navigo bénéficient d'une prise en charge à 50% de leur abonnement par leur employeur. Ils ne paieront donc que 4,45 euros en plus sur leur abonnement mensuel à partir du 1er janvier 2023. Certaines entreprises remboursent cependant davantage que les 50% obligatoire et peuvent aller jusqu'à 75%. Dans le communiqué de l'IDFM, Valerie Pécresse "demande aux employeurs publics et privés d'Île-de-France qui le peuvent d'augmenter leur part de remboursement employeur de 50% à 75% du pass Navigo de leurs salariés".

4L'avenir des transports en commun en Île-de-France est-il garanti ? 

Cette annonce de hausse des tarifs tombe alors que le service de transport en commun s'est dégradé depuis l'épidémie de Covid-19. Le manque de conducteurs entraîne de nombreuses perturbations sur le trafic notamment des bus et des métros à Paris et dans toutes l'Île-de-France. Une situation alors que les chantiers en matière de transports sont encore nombreux en Île-de-France en raison du Grand Paris Express et des Jeux olympiques de Paris en 2024. Ces tensions sur le budget de l'IDFM vont-ils avoir des conséquences sur la qualité du service ? "En parallèle de la hausse des coûts de fonctionnement d'Île-de-France Mobilités, on préserve le budget d'investissement pour continuer à renouveler le matériel roulant et à étendre des lignes de métro, de RER ou de bus", a souligné mardi sur franceinfo, Grégoire de Lasteyrie, le délégué spécial aux mobilités durables de la région Île-de-France. L'élu Horizon ajoute que "c'était vraiment une de nos priorités de nous assurer que les transports en commun ne se dégradent pas dans les années à venir".

Sans aide venue de l'exécutif, Valérie Pécresse avait menacé de suspendre une série de paiements liés à de grands projets pilotés par l'État. De nouvelles sources de financement devront être trouvées pour l'exploitation des nouvelles lignes en chantier et des transports des Jeux olympiques. L'élue annonce son intention de réunir d'ici la fin janvier 2023 des "assises du financement des transports franciliens 2024-2030", chargées de "trouver des sources de financement pérennes, équitables et franciliennes pour toutes les nouvelles offres de transports qu'Ile-de-France Mobilités devra financer à partir de 2024". Souhaitant "une remise à plat de tout cela début 2023", Clément Beaune évoque de son côté une très semblable "conférence avec l'État, la région, les collectivités locales et les usagers pour organiser les transports et leur financement sur plusieurs années". Le bras de fer n'est donc pas encore terminé.

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