Violences à Paris : "On ne peut pas envisager que la population se constitue en milice"
Olivier Cahn, professeur en droit pénal à l'université de Tours, s'interroge sur le laxisme des forces de l'ordre lors des violences de samedi à Paris pendant la manifestation des "gilets jaunes", alors qu'une loi très répressive sur le droit de manifester doit être présentée au Conseil constitutionnel.
À la suite des violences samedi à Paris, lors de la manifestation des "Gilets jaunes", une réunion d’urgence s’est tenue dimanche 17 mars à Matignon. L’exécutif a reconnu des « dysfonctionnements » en promettant des propositions au président le lendemain.
Professeur en droit pénal à l'université de Tours, Olivier Cahn s’interroge sur franceinfo sur un maintien de l’ordre "beaucoup plus distant et beaucoup moins agressif" que les semaines précédentes alors qu’un texte de loi très répressif et très critiqué est présenté devant le Conseil constitutionnel. Il s’étonne également de l’accusation de complicité par le président et le Premier ministre des "Gilets jaunes" passifs. "On ne peut pas non plus envisager que la population se constitue en milice pour lutter contre les activistes d’extrême gauche", dit-il.
franceinfo : Les violences d’hier justifient-elles la loi répressive, extrêmement critiquée notamment à l’international, présentée au Conseil constitutionnel ?
Olivier Cahn : C’est une excellente question mais qui peut peut-être être envisagée d’un autre côté. C'est curieux car les violences avaient été annoncées. La région parisienne était couverte d’affiches des activistes d’extrême-gauche annonçant qu’ils allaient manifester ce jour-là et les illustrations sur ces affiches montraient des individus en train d’envoyer des projectiles, on pouvait donc s’attendre à quelque chose d’assez brutal.
Les services de renseignement avaient signalé la présence d’activistes violents, le ministre de l’Intérieur avait, la veille de la manifestation, prétendument donné des consignes de fermeté. Et alors qu’on assiste quand même depuis un certain nombre de semaines à des formes de maintien de l’ordre extrêmement dures, cette fois-ci, alors que le texte est devant le Conseil Constitutionnel, le moins que l'on puisse dire est que le maintien de l’ordre a été beaucoup plus distant et beaucoup moins agressif envers les manifestants.
L’exécutif n’a pas fait le nécessaire hier ?
Je pense qu’il faut se féliciter de l’abaissement du niveau de violence de la police après le rapport du défenseur des droits ou des agences de l’ONU demandant à la France de respecter les droits fondamentaux en termes de maintien de l’ordre.
C’est pas mal d’avoir une journée où on a probablement eu moins d’utilisation du lanceur de balles de défense et d’autres instruments. Mais le résultat est quand même troublant de constater que, alors que ce texte extrêmement polémique, qui pose beaucoup de questions en droit, est devant le Conseil constitutionnel, on a de nouveau une journée de manifestations extrêmement dure et brutale et j’espère que le Conseil constitutionnel saura faire preuve de discernement.
Il peut exister un délit de complicité pour tous ceux qui étaient là comme l’a dit le président ?
Non, la complicité impose une participation active. Le fait de ne pas empêcher n’est pas en soi une complicité et puis surtout, on peut quand même se demander ce que pourraient faire des "gilets jaunes" qui par définition sont des personnes issues de la société civile contre des activistes qui sont entraînés et qui ont l’intention de pratiquer la casse.
Les gens n’ont pas à se mettre en danger pour empêcher des activistes d’intervenir. Je ne sais pas ce que souhaitent le Premier ministre et le président de la République mais il y a le travail de la police. On ne peut pas non plus envisager que la population se constitue en milice pour lutter contre les activistes d’extrême gauche. Je ne vois pas ce qu’on peut attendre des gens en termes d’interposition physique face à des activistes extrêmement violents.
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