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"Gilets jaunes" : "On a interpellé des gens qui voulaient simplement aller manifester", dénonce l'avocat Arié Alimi

L'avocat au barreau de Paris dénonce sur franceinfo des arrestations infondées et des procédures irrégulières.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Arié Alimi, l'avocat de Rémi Fraisse, devant les médias, à Paris, en mai 2016.  (JEREMY LEMPIN / EPA)

L'avocat Arié Alimi, membre du bureau national de la Ligue des droits de l'Homme, a critiqué dimanche 9 décembre sur franceinfo des arrestations préventives de "gilets jaunes" en marge de la manifestation de samedi 8 décembre. Selon l'avocat au barreau de Paris, elles posent un "problème de régularité de la procédure". Il dénonce également le coût pour la collectivité occasionné par le très grand nombre de manifestants placés en garde à vue.

franceinfo : Plusieurs manifestants ont été arrêtés en amont, parfois sur les barrières de péage. Que pensez-vous de cette façon de faire ?

Arié Alimi : Je ne peux pas dire que faire du préventif soit quelque chose de nécessaire. On ne justifie jamais les fins par les moyens (...) Aujourd'hui, interpeller quelqu'un, c'est uniquement quand il a commis un acte délictuel ou criminel, et là, on a interpellé des gens qui voulaient simplement aller manifester. Lorsqu'on interpelle des gens qui n'ont rien fait, simplement parce que l'on considère qu'ils ont des intentions dangereuses, on change de régime, on change de paradigme.

Les autorités ont expliqué, photos à l'appui, que certaines des personnes interpellées préventivement avaient dans leur coffre de voiture des boules de pétanque, des marteaux, des manches de pioche et des masques. Est-ce qu'on pouvait pour autant les arrête ?

Le droit dit que pour aller voir ce qu'il y a dans une voiture, ça s'appelle une perquisition, et que si l'on trouve des choses dans une voiture, c'est que l'on a fait une perquisition qui n'est pas forcément légale. Donc dès le départ, aller perquisitionner des voitures qui se dirigent vers des villes où il y a une manifestation, pour moi, il y a déjà une problématique de régularité de la procédure. Un manche de pioche, ce n'est pas forcément une arme. Ça peut être une arme par destination si on l'utilise comme telle mais trouver un manche de pioche dans un véhicule, ça n'est pas une infraction.

1 723 personnes ont été interpellées dans toute la France samedi. À ce niveau-là, est-ce que ça n'est pas un peu de l'abattage ?

Le gouvernement a changé de stratégie de maintien de l'ordre par rapport à la manifestation de samedi 1er décembre. Cette stratégie de maintien de l'ordre, c'est une association d'un régime de maintien de l'ordre pur, où on interpelle, où on essaie d'éviter les dommages dans le cadre de la manifestation, et d'un régime de police judicaire où on interpelle les gens préventivement et qu'on les met en garde à vue. Le problème, c'est que ça n'a pas forcément apporté une solution à un problème qui est social.

On ne règle pas un problème politique et social avec de l'ordre public, et c'est ce que le gouvernement a essayé de faire.

Arié Alimi

franceinfo

Je ne suis pas sûr qu'on ait réglé le problème des violences dans ces manifestations, parce que le bilan est quand même important. Si on avait vu ces scènes il y a deux semaines, on aurait pu se dire que c'était déjà une forme d'anarchie sociale. Donc il y a une petite musique qui a été jouée par le gouvernement depuis le début de la semaine pour dire que ça allait changer, et qu'il y aurait moins de violence. Mais je ne suis pas sûr que ça ait changé grand-chose par rapport à la semaine dernière, mis à part dans cette narration du gouvernement, qui a été racontée toute la journée hier.

Quand on procède à autant d'interpellations, est-ce que ça peut avoir un effet dissuasif, ou est-ce que ça pose encore plus de problèmes à court terme ?

C'est une très bonne question : où est-ce qu'on met toutes les personnes qu'on a interpellées ? C'est quand même massif ! Je ne pense pas que ça soit arrivé depuis très longtemps en France. On l'a vu samedi 8 décembre devant l'ancien palais de justice, qui a connu une nouvelle jeunesse puisqu'on l'a utilisé pour installer deux camions, avec des manifestants dedans alors que d'habitude, les manifestants interpellés sont emmenés dans les commissariats. Ça veut dire qu'on cherchait de la place, il n'y avait plus de place pour mettre toutes ces personnes. Et puis il faut leur notifier leurs droits, on va devoir demander la présence d'un avocat, appeler un médecin, parce que les manifestants y ont droit. Et ça coûte cher ! Si on fait l'addition du coût de ce dispositif de police judiciaire, on peut chiffrer à plus de 200 000 euros.

Qu'est-ce qui attend ceux qui ont été interpellés ?

Ils risquent d'être relâchés, avec éventuellement un rappel à loi, qui est de l'ordre d'un classement sans suite mais qui reste sur un fichier, et ça vous dissuade de revenir par la suite (...) Ou bien d'être renvoyés en comparution immédiate ou dans un autre dispositif répressif, donc d'être jugés. Et on juge en ce moment les gens sur la notion de groupement. Le groupement, c'est simplement le fait d'être avec d'autres personnes qui participent à une manifestation sans pouvoir véritablement démontrer qu'il y a une volonté de commettre un délit. Donc il y a une faille dans le choix et la réponse du gouvernement.

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