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Des policiers se sont-ils fait passer pour des black blocs lors de la manifestation des "gilets jaunes" samedi à Paris ?

C'est ce que laisse penser une vidéo largement partagée sur Twitter. Sur cette séquence filmée samedi sur la place d'Italie, on distingue trois personnes vêtues de noir courir se mettre à l'abri derrière un cordon de forces de l'ordre. Il est très vraisemblable qu'il s'agisse de policiers en civil infiltrés dans le cortège. 

Article rédigé par franceinfo
France Télévisions
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Capture d'écran d'une vidéo tournée sur la place d'Italie (Paris), le 16 novembre 2019, lors d'une manifestation des "gilets jaunes".  (TWITTER LE GENERAL)

Trois personnes, habillées en noir de la tête aux pieds, courent en direction d'un cordon de policiers qui finit par les laisser passer pour les mettre à l’abri. Cette vidéo de 28 secondes a été vue plus de 550 000 fois depuis sa diffusion, samedi 16 novembre, jour de mobilisation à Paris pour le premier anniversaire des "gilets jaunes". Postée sur le compte Twitter Le Général, elle est accompagnée du message suivant : "2  black blocs protégés par les CRS. Castaner, Pourquoi tes policiers sont déguisés en CASSEURS ? BFM attention si tu vois des casseurs ne dis rien ce sont juste des flics !"

Persuadés de voir "des policiers déguisés en casseurs", des internautes s'insurgent. "Policiers casseurs pour décrédibiliser les 'gilets jaunes'", écrit l'un d'eux. "Ce n'est pas nouveau, beaucoup de black blocs sont des policiers", répond un autre. Parmi les nombreux retweets, celui du leader de La France insoumise, Jean-Luc Mélenchon. 

"C'est la BAC, c'est la BAC !"

La vidéo filme en réalité un écran de télé branché sur la chaîne d'information CNews. Comme le montre le bandeau qui apparaît subrepticement, la scène se passe sur la place d’Italie, dans le 13e arrondissement. Sur l'extrait en question, on distingue d'ailleurs la voix d'un journaliste en train de décrire en direct à l'antenne ce qui se passe autour de lui.

Problème : la séquence, qui a été coupée, ne permet pas de comprendre ce qui se déroule avant et après. Mais une vidéaste du site MarocOnline a partagé sur Twitter un extrait un peu plus long (45 secondes) et tourné d'un autre angle. On voit un cordon de pocliers se former, puis s'ouvrir pour laisser passer trois personnes, entièrement habillées en noir. On entend une voix répéter plusieurs fois : "C'est la BAC, c'est la BAC !" Comprendre : ce sont des hommes de la brigade anticriminalité.

Quelques secondes après, sur la même vidéo, on distingue un homme à terre en train d'être interpellé à l'arrière du cordon de policiers. Vue la mauvaise qualité des images, impossible de dire s'il s'agit des trois mêmes personnes. "Pour moi, ça ne fait aucun doute : il s'agit bien de deux policiers qui viennent d'arrêter un manifestant et qui se mettent à l'abri auprès de leurs collègues, explique à franceinfo la vidéaste du site MarocOnline. Surtout, ça correspond à ce que j'ai vu avant et qui n'est pas sur la vidéo diffusée sur Twitter. Il y a eu pluie de projectiles, des pavés, des gaz lacrymogènes, puis une charge. C'est après tout ça que le cordon se reforme pour accueillir les deux policiers en civil." 

Les policiers en civil "s'adaptent au public"

Contactée par franceinfo, la préfecture de police de Paris n'avait pas encore apporté d'explications au moment de publier ces lignes. Toutefois, la présence de policiers en civil dans les manifestations de "gilets jaunes" est loin d'être exceptionnelle : elle est même systématique dans les rassemblements conséquents. C'est exactement ce qu'expliquait la police nationale dans un tweet en décembre 2018.

Pour passer inaperçus, les policiers en civil "s'adaptent au public", nous expliquait il y a un an Frédéric Lagache, du syndicat Alliance Police nationale. "Alors enfiler un 'gilet jaune', pourquoi pas. Il faut ressembler le plus possible aux gens à surveiller", détaillait de son côté Jean-Marc Bailleul, du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure (SCSI-CFDT).

La mission, "c'est de se déguiser en manifestant avec une attitude de casseur, afin de repérer les groupes hostiles qui se déplacent dans le but de tout saccager, nous racontait également à l'époque un policier de la BAC. Malheureusement, certains se font démasquer. Du coup, les gens pensent qu'ils sont là pour inciter à la casse et pour décrédibiliser le mouvement, alors que ce n'est pas du tout le cas."

Des rumeurs régulières

La confusion entretenue par la vidéo de la place d'Italie diffusée samedi n'est pas une première. Les rumeurs autour de la présence de policiers infiltrés en civil parmi les manifestants pour agir comme des casseurs reviennent régulièrement au fil des samedis de mobilisation des "gilets jaunes". 

Pour Jean-Marc Bailleul, il est malgré tout "paradoxal" de penser que les policiers en civil "seraient là pour faire le mal""C'est pour le bien des manifestants. Il faut distinguer les casseurs qui se mêlent à eux", exposait le syndicaliste l'an dernier. Pour y parvenir, la "solution", pour les forces de l'ordre, c'est d'être "noyées" parmi eux. "Ce n'est pas pour nuire aux 'gilets jaunes' : c'est pour faire le tri entre vrais et faux", poursuivait-il.

Avec des policiers en tenue, il n'y aurait pas beaucoup d'interpellations.

Jean-Marc Bailleul, du Syndicat des cadres de la sécurité intérieure

à franceinfo

Ces policiers en civil ont le droit d'avoir sur eux tout leur équipement : arme, matraque télescopique, menottes, gilet pare-balles et, bien sûr, leur brassard police, même s'ils ne le montrent pas. Comme c'est le cas sur la vidéo de la place d'Italie.

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