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Allocution d'Emmanuel Macron : "Il faudra dans ce discours des éléments simples, la pensée complexe on oublie"

Jacky Isabello, communicant et co-fondateur de l'agence CorioLink, estime sur franceinfo que le président doit "trouver le juste milieu : un peu de mea culpa mais aussi de la fermeté".

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Emmanuel Macron et le Premier ministre Édouard Philippe rencontrent des représentants politiques et syndicaux à l'Élysée lundi 10 décembre 2018, avant l'allocution du président dans la soirée. (YOAN VALAT / POOL)

Après trois semaines de contestation des "gilets jaunes" et un quatrième samedi de mobilisation, Emmanuel Macron va s'exprimer à 20H00 lundi 10 décembre, après avoir reçu dans la journée syndicats et associations. Cette allocution s'annonce comme l'une des plus importantes depuis le début de son mandat.

Le président de la République doit "trouver le juste milieu : un peu de mea culpa mais aussi de la fermeté", a estimé sur franceinfo Jacky Isabello, communicant et co-fondateur de l'agence CorioLink, ajoutant que "c'est pour ça que l'équation est extrêmement difficile ce soir". "Il faudra dans ce discours des éléments simples, des phrases courtes sans langage conceptuel. La pensée complexe on oublie", a jugé Jacky Isabello. Selon lui, Emmanuel Macron "doit montrer qu'il s'engage personnellement".

franceinfo : Emmanuel Macron joue-t-il gros ce soir face aux Français ?

Jacky Isabello : Tout à fait. Le problème du président, c'est de savoir s'il est au milieu du gué ou déjà au bord du gouffre. On voit que la situation s'est considérablement détériorée par rapport aux analyses qui ont été faites par le gouvernement et aux réponses apportées. Les gens ne sont toujours pas satisfaits, les corps intermédiaires admettent qu'ils n'ont pas été consultés. Les hommes politiques de l'opposition ou de la majorité se dispersent dans tous les sens. Le président doit donc créer et générer de la cohérence et de la cohésion et ramener tout le monde dans un mouvement réunifié et cohérent, si c'est encore possible parce que la question se pose.

La forme va être aussi importante que le fond ce soir ?

Je ne sais pas si ça va répondre à ça. Vous savez, le président est acculé. Si ce soir il fait un grand mea culpa, comme je l'entends, il va renforcer ses oppositions. Les gens diront "c'est trop tard, et puisque tu constates trop tard ce problème, nous allons demander encore plus". Le risque, c'est que si l'électorat qui a voté pour lui et qui continue selon certains sondages de soutenir et d'accompagner son projet politique, se sent déjugé et trahi, il va se retourner également. Ce soir, il faut trouver le juste milieu : un peu de mea culpa mais aussi de la fermeté. Si jamais il oublie cette équation, il risque à la fois de ne pas satisfaire les uns et de s'éloigner des autres, ceux qui sont encore ses soutiens. 

Le chef de l'État a fait plusieurs mea culpa sur son échec à recréer du lien entre la classe politique et les citoyens. Il ne doit pas persévérer dans ce discours ?

Pendant cinq ans, on a eu un président dont les Français nous ont dit : "Il est un peu trop normal, et cette normalité ne nous va pas". Si on passe de Jupiter à une dialectique judéo-chrétienne de la contrition permanente, je ne pense pas que les Français soient satisfaits. Il ne doit pas passer du tout au tout. S'il change complètement, il va désacraliser, faire écrouler cette autorité qui est indispensable à un président de la République. Vous l'avez vu, pendant 18 mois, les gens ont apprécié cette autorité de la part d'Emmanuel Macron. Il a déjà fait trois contritions. S'il en rajoute une autre, il risque de se démonétiser. C'est pour ça que l'équation est extrêmement difficile ce soir.

Emmanuel Macron a-t-il eu tort de rester aussi silencieux ?

Il a eu deux torts : la gestion de la sécurité sur le terrain. Entre la semaine dernière et cette semaine, il y a des différends stratégiques qui ont été soulignés. Et puis l'ensemble de ses prises de parole depuis quatre ou cinq mois sont en décalage total par rapport à ce que les gens vivent sur le terrain, ce qu'ils attendent de sa politique, ce qu'ils étaient en droit d'attendre des premiers indicateurs précis sur leur vie. Ces éléments de communication ont créé, comme on le dit dans notre jargon, de "l'asymétrie" entre ce que les gens attendaient et ce qu'il envoyait comme messages. Vous le voyez bien, les gens sont en colère.

Ce soir, ce sera "un discours à la nation". Ce sont les termes très solennels qui ont été employés. Est-ce un bon choix ?

C'est un bon choix. Ce qu'il faudrait qu'il y ait dans ce discours, ce sont certes, des éléments simples, des phrases courtes sans langage conceptuel. La pensée complexe on oublie. Les gens attendent du président et du gouvernement qu'ils soient prêts à payer certaines conséquences. Ils attendent sans doute que le président leur dise "puisque j'ai fauté et que je suis un président entrepreneur, je vais contribuer d'une manière ou d'une autre". Il doit montrer qu'il s'engage personnellement.

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