Télécoms : la guerre des prix est-elle une bonne chose pour le consommateur ?
Les quatre opérateurs rivalisent pour proposer des tarifs attractifs en matière d'internet fixe et mobile. Une concurrence que décrypte Antoine Autier, chargé de mission l'UFC-Que Choisir.
Encore une fois, Free a pris tout le monde de cours. En offrant la 4G à tous ses clients, y compris sur les forfaits low-cost, début décembre, la société a contraint les opérateurs historiques (Bouygues Telecom, Orange et SFR) à revoir leurs copies. Ces derniers comptaient pourtant sur cette technologie pour faire remonter leurs marges.
Stéphane Richard, PDG d'Orange, a donc réglé ses comptes avec Xavier Niel, vice-président d'Illiad (la maison-mère de Free), en le qualifiant de "roi de l'embrouille" dans un entretien au Figaro, publié le 17 décembre. Par ailleurs, Free ne pourra pas "disposer d'une couverture nationale en 4G par ses moyens propres", selon lui. Sur l'internet fixe aussi, Free est contesté. Martin Bouygues promet à ses clients "une économie de 12,50 euros par mois", dans Le Figaro, vendredi 20 décembre. "Que Xavier Niel fasse la même chose s'il en est capable !"
Cette concurrence a pour effet de faire baisser les tarifs des opérateurs. Mais à quel prix ? Eléments de réponse avec Antoine Autier, de l'UFC-Que Choisir, qui estime que la qualité du réseau n'est pas toujours au rendez-vous.
Francetv info : La guerre des opérateurs est toujours aussi vive. Cette concurrence est-elle saine ?
Antoine Autier : En 2005, les trois opérateurs historiques (Orange, SFR, Bouygues Telecom) ont été condamnés par l'Autorité de la concurrence pour entente illicite. L'UFC-Que Choisir a toujours plaidé pour l’entrée d’un quatrième opérateur, afin de dynamiser le secteur et faire baisser les prix. La concurrence est donc une bonne chose. Les prix baissent et cela octroie du pouvoir d’achat aux Français. Aux opérateurs qui expliquent que cela détruit des emplois, rappelons que d’autres secteurs de l’économie bénéficieront de l'argent des consommateurs.
Grande nouvelle cette année, l'arrivée de la 4G. Et bonne surprise, les opérateurs ne facturent rien de plus à leurs clients...
Il n'y a pas de surcoût, c'est vrai. Mais attention avant d'acheter très cher un terminal compatible ! Les acteurs font des campagnes nationales de publicité sur ce produit mais le consommateur ne doit pas se contenter de ces annonces. Il doit se rendre sur leurs sites pour vérifier que la zone où il réside est bien couverte par la 4G. Et même dans les zones couvertes, la qualité du signal peut varier du simple au double selon le type d'antenne-relais ! C'est pour cela que nous demandons que toutes les informations soient communiquées.
La guerre des prix a-t-elle un coût sur la qualité du service ?
En novembre, nous avons mené une étude sur la 3G dans quatre régions. Nous avons remarqué que la qualité s'était dégradée chez plusieurs opérateurs cette année, notamment chez Free. Il est souvent plus difficile d'avoir un réseau de qualité, de télécharger une application, d'écouter de la musique... Cela concerne les streamings audio et vidéo. L'argument des opérateurs, c'est de dire que la hausse de consommation des données entraîne une congestion des réseaux. Mais alors, il faut investir pour décongestionner ! D'autant que les opérateurs dégagent suffisamment de revenus. Nous avons demandé à l’Autorité de régulation des communications et des postes (Arcep) de mettre en place des normes de qualité minimale pour la 3G et la 4G. Ces critères peuvent prendre plusieurs formes, comme une densification des réseaux, avec une meilleure implantation des antennes-relais.
Arnaud Montebourg, ministre du Redressement productif, a mis en garde jeudi, sur RTL, contre "une guerre des prix ravageuse" dans la téléphonie mobile et la "mort" éventuelle d'un des quatre opérateurs français.
La remarque d’Arnaud Montebourg est intéressante mais le gouvernement ne fait aucune proposition. Veut-il par exemple administrer les prix de la téléphonie mobile ? Rappelons que les opérateurs ont acquis les fréquences 4G à l’Etat pour un coût extrêmement cher, de l’ordre de 3,5 milliards d’euros pour les trois opérateurs historiques (Orange, SFR, Bouygues Telecom).
Nous sommes dans une phase de transition. Et si Bouygues a connu ses premières pertes en 2012, la disparition éventuelle d’un opérateur ne se pose qu’à moyen terme. Si les entreprises fermaient à chaque perte, il n’y aurait plus beaucoup d’entreprises en France aujourd’hui. Encore une fois, il est important que quatre opérateurs restent en jeu car il est moins facile pour eux de s'entendre sur les prix. C'est dans l'intérêt du consommateur. Au-delà d'éventuelles fusions, d'autres solutions existent. Les opérateurs pourraient ainsi mutualiser leurs réseaux et leurs infrastructures.
Les opérateurs s'affrontent aussi sur d'autres terrains."Dans l'internet fixe, la fête est finie", lance même Martin Bouygues, qui promet "150 euros d'économie par an" à ses abonnés. Tout bénéfice pour le client ?
On peut s'attendre à des offres triple play à 25 euros, ce qui est bien moins cher que les tarifs pratiqués aujourd'hui par l'opérateur. Du point de vue du consommateur, cette économie substantielle est évidemment une bonne chose en période de crise. Encore faut-il que la qualité du réseau soit au rendez-vous... Et puis le risque, c'est que Bouygues augmente ensuite ses prix sur l'internet mobile, après avoir attiré de nouveaux clients. Les marges réalisées par le groupe sont plutôt faibles et l'action dégringole en Bourse. Une chose est sûre, c'est que les opérateurs de l'internet fixe ne pourront pas lâcher les formules illimitées.
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