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Réforme des retraites : quel est le programme pour le projet de loi après son adoption au Sénat ?

Article rédigé par Thibaud Le Meneec
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
Le ministre du Travail, Olivier Dussopt, s'exprime au micro devant les députés, le 7 mars 2023 à l'Assemblée nationale. (THOMAS SAMSON / AFP)
Le texte du gouvernement va être étudié à partir de mercredi par une commission mixte paritaire, qui réunit sept députés et sept sénateurs, chargés de trouver un compromis pour une version commune aux deux chambres.

Elle est toujours contestée dans la rue, mais désormais votée par une partie du Parlement. La réforme des retraites poursuit son parcours sinueux avec l'adoption au Sénat d'une version amendée du texte, samedi 11 mars, par 195 voix pour et 112 contre. Une nouvelle étape rendue possible par une accélération des débats décidée par la majorité sénatoriale de droite, mais surtout par l'arme du "vote bloqué" dégainée vendredi par le gouvernement. Le texte, pour autant, n'en a pas terminé avec le Parlement. Que va-t-il se passer maintenant ? Le projet de loi prend désormais le chemin de la commission mixte paritaire (CMP). Une instance peu connue du grand public, qui sera pourtant au cœur des discussions à partir du mercredi 15 mars.

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Prévue par l'article 45 de la Constitution, la commission mixte paritaire intervient lorsque l'Assemblée nationale et le Sénat ne sont pas d'accord sur un projet ou une proposition de loi. C'est le cas pour la réforme actuelle, votée au Palais du Luxembourg mais pas au Palais-Bourbon, où les débats n'ont pu aller à leur terme. Le but de la CMP est d'aboutir à un texte commun aux deux chambres. 

La CMP est composée de sept députés et de sept sénateurs qui représentent l'équilibre des groupes politiques de chaque chambre. Du côté de l'Assemblée, les députés Renaissance disposent de trois sièges et le MoDem un, alors que les Républicains, le Rassemblement national et La France insoumise en ont un chacun. Du côté du Sénat, les sénateurs Les Républicains auront trois sièges, les socialistes deux, les centristes et le groupe macroniste (RDPI, membre de Renaissance) un chacun. La majorité présidentielle et la droite disposeront donc de 10 des 14 sièges au sein de cette commission.

Une commission, deux issues possibles

Ces députés et sénateurs vont se concentrer à partir de mercredi 15 mars sur les divergences observées à l'Assemblée nationale pour tenter d'accorder leurs violons, alors que les syndicats ont prévu de se mobiliser ce jour-là. Mais les membres de la CMP ont une seule journée pour y parvenir, à huis clos.

Si elle va être particulièrement scrutée dans le contexte actuel, cette procédure n'a pas de caractère exceptionnel : depuis les dernières élections législatives, en juin 2022, 14 projets de loi ont fait l'objet d'une CMP, rappelle LCP. Ce qui est inhabituel, c'est plutôt le fait que la CMP étudie un texte qui n'a fait l'objet que d'un vote dans l'une des deux chambres, souligne le politologue Olivier Rozenberg.

Il y a deux issues possibles pour la CMP. Dans le premier cas, malgré leurs divergences initiales sur plusieurs points, les quatorze parlementaires peuvent se mettre d'accord sur un texte commun. Ce compromis est probable, en raison des accords sur cette réforme des retraites entre la majorité présidentielle à l'Assemblée et la majorité de droite sénatoriale. Les conclusions de cette CMP seront ensuite soumises au vote des deux chambres, d'abord au Sénat puis à l'Assemblée, jeudi 16 mars. A ce stade, le texte de la CMP ne pourra être amendé qu'avec l'accord du gouvernement. "Cela réduit les possibilités d'obstruction", explique Olivier Rozenberg.

Si la CMP n'aboutit pas, scénario le moins probable, la procédure législative sera alors rallongée : dans le cadre de la navette parlementaire, le texte reviendra pour une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale, puis au Sénat, et enfin à l'Assemblée si les deux versions du texte n'ont toujours pas convergé. Si tel est le cas, les choses pourraient se compliquer pour le gouvernement, parce que les parlementaires pourront déposer de nouveaux amendements, s'ils ne portent pas sur des dispositions pour lesquelles l’Assemblée et le Sénat se sont déjà prononcées. En clair, les oppositions, notamment de gauche, pourront de nouveau tenter de ralentir l'examen final du texte. D'autant que le calendrier est serré. Le Parlement doit en effet se prononcer au total en 50 jours, soit d'ici le 26 mars à minuit, faute de quoi les dispositions de la réforme pourront être mises en œuvre par ordonnance par le gouvernement, prévoit la Constitution. 

Un nouveau 49.3 pourrait "mettre le feu aux poudres"

Mais l'exécutif reste confiant concernant la CMP. Dans ce cas, le texte devra être validé jeudi à partir de 9 heures au Sénat, puis à 15 heures à l'Assemblée. Le vote des sénateurs ne devrait pas poser de problème. En revanche, il n'est pas du tout certain que les députés valident le projet de loi final.

"Il y a une incertitude liée à un contingent d'élus LR, entre 15 et 20 députés, qui ne suivraient pas la position du groupe. Sans compter que certains élus de la majorité sont réticents à voter ce texte."

Olivier Rozenberg, politologue à Sciences Po

à franceinfo

De quoi faire ressurgir le spectre d'un nouveau 49.3, qui permettrait au gouvernement de se dispenser d'un vote potentiellement explosif. Elisabeth Borne a déjà déclenché cette disposition dix fois depuis sa nomination à Matignon. Mais l'emploi du 49.3 sur un texte aussi emblématique serait politiquement difficile à défendre pour l'exécutif. Si elle était adoptée via cet article, la réforme des retraites aurait "un vice démocratique", a prévenu Laurent Berger, patron de la CFDT, sur France Inter. Cela peut "mettre le feu aux poudres", a abondé son homologue de la CGT, Philippe Martinez, sur France 2.

L'entrée en vigueur du projet de loi est toujours prévue pour début septembre, selon le calendrier défini depuis plusieurs mois par le gouvernement. Avant cela, le Conseil constitutionnel peut-il venir contrecarrer une partie des plans de l'exécutif ? "Il y aura une saisine du Conseil constitutionnel, c'est sûr", anticipe Olivier Rozenberg. Pour le constitutionnaliste Dominique Chagnollaud, les Sages vont "censurer un certain nombre de cavaliers sociaux", c'est-à-dire des dispositions intégrées au texte alors qu'elles ne relèvent normalement pas d'un projet de loi de financement rectificative de la Sécurité sociale (PLFRSS).


"Les Sages auront un mois pour rendre leur avis. Le plus probable, c'est une censure partielle du texte", estime Olivier Rozenberg. Dans ce cas, le gouvernement pourrait décider de réintégrer les mesures censurées par le Conseil constitutionnel dans d'autres textes à venir ces prochains mois.

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