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Réforme des retraites : les syndicats ont-ils une réelle marge de manœuvre lors de la conférence de financement ?

Les partenaires sociaux sont invités à formuler des propositions permettant de garantir l'équilibre financier du système d'ici 2027. Mais le gouvernement a posé ses conditions.

Article rédigé par Fabien Magnenou
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 8min
Le Premier ministre Edouard Philippe lors d'une conférence de presse à Matignon, jeudi 13 février 2020. (DENIS MEYER / HANS LUCAS / AFP)

Sa mission ? Ramener à l'équilibre le système de retraites d'ici à 2027. La conférence de financement a débuté ses travaux au ministère des Solidarités, lundi 18 février, en présence de plusieurs partenaires sociaux. Au terme de cette première journée, la CGT a menacé, dès mardi, de quitter la table des négociations. La table ronde – ovale en l'occurrence – a été animée par Jean-Jacques Marette, ancien directeur de l'Agirc-Arrco bien connu des partenaires sociaux. Celui-ci a d'ailleurs tenté de leur envoyer un signe en les installant à ses côtés, alors que les représentants de l'administration (Drees, Trésor public...) étaient relégués un peu plus loin. "Le gouvernement a préféré déléguer le pilotage entier de cette conférence à un retraité", a toutefois dénoncé la CGT, en regrettant l'absence de ministre.

Le gouvernement aura le dernier mot

Cette conférence va durer plusieurs semaines. Un premier groupe travaille sur l'équilibre du système – c'était l'objet de la rencontre de lundi – et le second sur son pilotage. Trois séances seront consacrées à chaque thème avant une séance plénière en fin de cycle, début avril, qui permettra de formaliser les propositions émises par les syndicats. Officiellement, cette conférence est une "commission administrative à caractère consultatif", selon l'expression adoptée par le Conseil d'Etat et sa marge de manœuvre semble restreinte. Edouard Philippe a déjà exclu une hausse des cotisations patronales et il aura de toute façon le dernier mot.

Le gouvernement a contraint les champs de cette conférence en excluant d’emblée les seules mesures susceptibles d’apporter des recettes supplémentaires comme la hausse des salaires ou du taux de cotisations patronales.

La CGT

dans un communiqué

"Cette conférence est tout sauf une négociation, regrette Pierre Roger, secrétaire national confédéral à la CFE-CGC. Est-ce que l'on a la possibilité de faire du bon travail ? Cela supposerait de ne pas nous brider sur les propositions." Par exemple, les propositions réclamant un effort conjugué de l'Etat, des entreprises et des salariés n'ont aucune chance d'être entendues car elles ne correspondent pas à la lettre de cadrage de Jean-Jacques Marette. "Nous ne sommes pourtant pas obligés de faire supporter la diminution des déficits par le seul paramètre d'un allongement de la durée de travail", proteste Pierre Roger. Les participants ont donc le sentiment d'être un peu à l'étroit.

Désaccords sur le chiffrage du déficit

Mais concrètement, comment se déroulent ces matinées de travail et quelle est la place offerte aux discussions ? Les premiers éléments de réponse ont été apportés lundi, avec une séance consacrée à la validation du "scénario de référence de trajectoire financière". Jean-Jacques Marette a débuté la séance avec des projections chiffrées évoquant notamment un déficit cumulé de 113 milliards d'euros entre 2018 et 2030, selon le document consulté par franceinfo. Cette présentation a ensuite laissé place à un tour de table, permettant à chaque organisation de prendre la parole.

La CGT a par exemple invité l'économiste Michaël Zemmour, qui a défendu son "projet alternatif". La CFTC, elle, a insisté sur la nécessité de partager l'effort entre les salariés, les entreprises et l'Etat. Par ailleurs, "le déséquilibre des retraites est souvent liée à des exonérations de charges qui ne sont pas compensées, a relevé le conseiller syndical Jean-Paul Deroussen. L'Etat prend donc des décisions qu'il n'assume pas." Certaines organisations ont pointé du doigt l'absence prolongée de réunions du conseil de surveillance de l'actuel Fonds de solidarité vieillesse (FSV), dont la version actualisée devra financer certains mécanismes du prochain système.

La séance devait permettre de vérifier si les partenaires sociaux étaient d'accord sur les hypothèses de travail et sur les données du déficit. Il n'en a rien été. "Nous avons demandé plusieurs chiffrages pour évaluer la réalité du déséquilibre à court terme", expliquait déjà le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, dans un entretien au Journal du dimanche. Certains syndicats dénoncent également une présentation jugée catastrophiste des déficits cumulés ou certains objectifs affichés en séance (réduction du PIB consacré aux retraites). Ce débat n'aura pas lieu puisque les projections du Conseil d'orientation des retraites (COR) vont tout de même servir de base aux prochaines séances.

Un rendez-vous de trois heures

Un tour de table, donc, mais pas de réel débat. Chaque syndicat a présenté ses conclusions, déjà connues des autres participants. "Jean-Jacques Marette n'a coupé aucune intervention, raconte Jean-Paul Deroussen. Il a simplement demandé à la CGT de limiter son temps de parole à la demi-heure." Raoul Briet, président de chambre à la Cour des comptes, a invité les participants à étudier les différents régimes actuels au cas par cas, afin de trouver des pistes d'équilibre. La séance s'est terminée à la mi-journée, après seulement trois heures de rencontre.

Dominique Corona, secrétaire général adjoint à l'Unsa, veut tout de même croire à "l'intelligence collective" pour élaborer "un cocktail de mesures" où le fardeau serait réparti entre syndicats et patronat. Mais cet optimisme est loin d'être partagé. Certains syndicats, d'ailleurs, ont déjà prévu d'exploiter d'autres cadres que la conférence pour exprimer leurs positions. La CGT a annoncé une contre-conférence et la CFE-CGC souhaite organiser des débats sur "tous les points non abordés par le gouvernement", en présence d'experts.

"Cette conférence est tout sauf une négociation"

Alors même que les partenaires sociaux tentent d'aboutir à un compromis sur le financement du futur système, le texte de la réforme est déjà en cours d'examen à l'Assemblée nationale. La situation a le don d'agacer certains élus comme Eric Ciotti (LR). "Le financement des régimes de retraite n'est même pas abordé dans cette réforme lorsqu'elle vient devant le Parlement, a-t-il commenté sur franceinfo, ce qui est à la fois un scandale démocratique et une aberration économique." Deux députés LREM ont même adressé un courrier au Premier ministre, afin d'obtenir une évaluation des mesures soumises au vote.

Dans les trois mois qui suivent le vote de la réforme des retraites, le gouvernement prendra une ordonnance afin d'atteindre l'équilibre financier en 2027. C'est à ce moment-là que les partenaires sociaux sauront s'ils ont été entendus durant la conférence de financement. Pierre Roger a déjà sa petite idée : "Le gouvernement dira que les partenaires sociaux sont incapables de trouver une solution et qu'en dehors de lui, point de salut. Cette conférence est tout sauf une négociation".

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