Réforme des retraites : la pétition qui réclame le démantèlement des Brav-M peut-elle aboutir ?
Alors que la mobilisation contre la réforme des retraites se poursuit, les Brigades de répression de l'action violente motorisées (Brav-M) se retrouvent au cœur des critiques. Ces unités de la police parisienne, créées lors des manifestations des "gilets jaunes" en 2019, font parler d'elles en raison de la multiplication des affrontements entre participants et forces de l'ordre.
Une pétition demandant leur démantèlement a été lancée le 23 mars sur une plateforme dédiée de l'Assemblée nationale et a dépassé lundi 27 mars le cap des 100 000 signatures, au point de concentrer les espoirs de celles et ceux qui souhaitent voir ces Brav-M disparaître. Franceinfo fait le point sur la possibilité de voir cette pétition aboutir à une décision politique actant le démantèlement de ces brigades controversées.
Une étude en commission "dans les prochaines semaines" ?
En dépassant lundi le cap des 100 000 signatures, la pétition lancée par le syndicaliste Yann Millérioux a pu être exposée sur le site de l'Assemblée nationale, et non plus seulement sur la plateforme de la chambre basse destinée aux pétitions. C'est la première fois qu'une pétition mise en ligne sur cette plateforme recueille autant de signatures. Avant elle, la pétition la plus signée, qui demandait l'allongement de la durée du congé maternité, n'avait recueilli qu'un peu plus de 40 000 signatures.
La pétition lancée contre les Brav-M est en revanche encore très loin d'aboutir, malgré les près de 150 000 signatures recensées mardi après-midi. Dans un premier temps, il faut que la commission à laquelle le texte est affilié, à savoir la commission des lois dans le cas présent, se saisisse de cette question. "Cela semble difficile de mettre un coup d'arrêt à la première pétition qui dépasse les 100 000 signatures", assure le député LFI Antoine Léaument, qui siège au sein de la commission des lois. "La commission des lois auditionnera la semaine prochaine le ministre de l'Intérieur sur la question du maintien de l'ordre", explique Sacha Houlié, président de cette commission.
"La commission étudiera dans un second temps la recevabilité de la pétition (...) dans les prochaines semaines."
Sacha Houlié, président de la commission des loisà franceinfo
Cet examen "n'a aucun rapport avec la demande de LFI. Il s'agit de ma propre initiative", explique le député Renaissance, en référence à la demande formulée par trois députés "insoumis" sur le démantèlement des Brav-M.
Un palier de 500 000 signatures à atteindre
Si le texte est effectivement étudié par les députés, le bureau de la commission des lois désignera ensuite un "député rapporteur". "Si un rapporteur est désigné, je souhaite que ce soit l'un de ceux qui ont alerté Gérald Darmanin [sur le sujet]. Au regard du rôle que nous avons pris, on est tout à fait légitimes à l'être", défend auprès de franceinfo Thomas Portes, l'un des députés LFI concernés par la demande formulée en parallèle de la pétition. "Le bureau de la commission pourrait aussi faire un système de co-rapporteurs, avec un député de la Nupes et un député Renaissance", suggère Antoine Léaument.
Sur proposition du rapporteur, la commission examine et débat de la pétition en auditionnant l'auteur du texte et/ou du ministre concerné, en l'occurrence Gérald Darmanin. Sur proposition du rapporteur, la pétition peut aussi ne pas être retenue, et finir alors classée.
Mais un examen en commission n'a pas la même résonance qu'un débat en séance publique dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale. Pour arriver à cette étape, il faut que la pétition franchisse un nouveau palier, celui des 500 000 signatures, réparties dans au moins 30 départements ou collectivités d'outre-mer. Au-delà du demi-million de soutiens, et avec l'appui du président d'un groupe parlementaire – ce qui serait aisément acquis au sein de la Nupes –, les portes de l'hémicycle s'ouvriraient pour cette pétition. "La Conférence des présidents de l'Assemblée nationale peut décider d'organiser un débat en séance publique à propos d'une pétition examinée en commission", est-il écrit sur le site de l'Assemblée nationale.
La possibilité d'une commission d'enquête de la Nupes
Au sein du palais Bourbon, les soutiens à ce démantèlement sont minoritaires. "Des vrais républicains peuvent se dire que ce n'est pas sain qu'il y ait ces unités, dont on a parfois l'impression que ce sont des brigades d'action violente", veut croire Antoine Léaument. "Ce vote n'est pas gagné, concède Thomas Portes. Mais j'ai bon espoir qu'au sein de la majorité, certains ne cautionnent pas les méthodes des Brav-M."
"Si on a un vote majoritaire à l'Assemblée, je ne vois pas comment le préfet de police pourrait maintenir ces brigades."
Thomas Portes, député La France insoumiseà franceinfo
Les députés peuvent aussi user de leur pouvoir pour braquer les projecteurs sur les Brav-M, désormais visées par plusieurs enquêtes judiciaires pour des violences sur des manifestants. Ils pourraient décider d'utiliser par exemple leur "droit de tirage", un droit dont dispose chaque groupe parlementaire, une fois par an, pour créer une commission d'enquête sur le sujet de son choix. Au sein de la Nupes, les députés PS n'ont pas encore utilisé ce droit cette année. "Il n'y a pas eu de discussion sur ce sujet en réunion de groupe", assure mardi le groupe socialiste à franceinfo.
Reste qu'en l'état, les autorités ne souhaitent pas mettre fin aux Brav-M. Laurent Nunez, le préfet de police de Paris, a affirmé samedi 25 mars que ce démantèlement n'était "évidemment pas à l'ordre du jour". "Le comportement de quelques individus ne doit pas jeter l'opprobre sur toute une unité qui, ces dernières années, et singulièrement en ce moment, prouve toute son utilité", a expliqué l'ancien secrétaire d'Etat sur franceinfo.
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