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Réforme des retraites : pourquoi ce ne sera pas la dernière

Le gouvernement de Jean-Marc Ayrault s'apprête à engager la cinquième réforme des retraites en vingt ans. Pourquoi l'exercice est-il aussi récurrent dans la vie politique française ?

Article rédigé par Clément Parrot
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Deux personnes âgées marchent le long de la plage à Deauville (Calvados), le 30 août 2000. (MYCHELE DANIAU / AFP)

Le gouvernement attaque sa rentrée avec le dossier délicat de la réforme des retraites. Jean-Marc Ayrault reçoit les partenaires sociaux lundi 26 et mardi 27 août, pour tenter de trouver un compromis par la négociation. Le Premier ministre doit composer dans ses arbitrages avec les exigences syndicales, la pression du Medef et la vigilance de l'opinion publique.

Pressés par la Commission européenne, François Hollande et son gouvernement ont été contraints de s'engager dans cette réforme, la cinquième en vingt ans. Après Edouard Balladur en 1993, François Fillon en 2003 puis 2007, et Eric Woerth en 2010, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault s'y frotte à son tour. Francetv info vous dit pourquoi ce dossier n'en finit plus de revenir à l'agenda des gouvernements successifs.

Parce que la crise plombe le système

La réforme des retraites intervient toujours dans un contexte économique difficile. Celle de 1993 vient répondre aux crises monétaires à répétition du début des années 1990, après la réunification allemande et la déstabilisation du système monétaire européen. La réforme de 2003 entre en scène juste après le krach boursier de 2000-2001 consécutif à l'éclatement de la bulle internet. En 2008 et 2010, elles s'inscrivent dans le contexte de la crise économique qui suit la faillite de Lehman Brothers.

La réforme des retraites version 2013 n'échappe pas à la règle. Lorsque l'économie se porte bien, le système de répartition à la française fonctionne. Mais dès que la crise s'installe, celui-ci accumule les dettes. Le régime de retraite souffrirait en outre de problèmes structurels, essentiellement liés à l'allongement de l'espérance de la vie (15 ans de plus en 60 ans, pour les hommes comme pour les femmes), étant donné que les actifs financent les pensions et que les retraités vivent de plus en plus longtemps. 

Conséquence : les déficits s'envolent. Début juillet, la Cour des comptes a remis au gouvernement un nouveau rapport alarmant. Si rien ne change, le déficit des retraites pourrait s'élever à 60 milliards d'euros en 2030, soit 1,6% du PIB (contre environ 0,8% actuellement). Les Sages préconisaient alors de nouveaux efforts à hauteur de cinq milliards par an.

Parce que les gouvernements ne vont pas assez loin

Face à la hausse des déficits, les gouvernements ont engagé des réformes pour maintenir le système à flot. Mais le pouvoir se confronte régulièrement à l'opposition des syndicats et à la grogne populaire. En 1995, le gouvernement Juppé, qui souhaitait rétablir l'équilibre budgétaire du système, doit renoncer devant l'ampleur des grèves et des manifestations. Depuis, les gouvernements sont souvent bien moins ambitieux que les propositions du Conseil d'orientation des retraites. Certaines mesures souvent évoquées, comme la convergence des retraites du public et du privé, n'ont jamais été mises en place. 

Dans un contexte difficile et avec les échéances électorales à venir, le gouvernement de Jean-Marc Ayrault ne semble pas prêt à prendre plus de risques politiques que ses prédécesseurs. L'économiste Anne Lavigne, contactée par francetv info, estime que la réforme cherche seulement "à combler des déficits à court et moyen terme par des hausses de prélèvements", sans vision durable. Le gouvernement "semble décidé à ne toucher qu'à la durée de cotisation, et après 2020", note Anne Lavigne. Une opinion partagée par Philippe Crevel, secrétaire général du Cercle des épargnants, interrogé par Atlantico, qui parle de "réformette" et de "rafistolages". Il estime que le gouvernement "renonce les unes après les autres aux propositions choc du rapport Moreau" sur l'avenir du système des retraites, remis le 14 juin à Matignon.

Parmi les pistes du gouvernement pour combler les déficits, la hausse de la Contribution sociale généralisée (CSG) semble tenir la corde. Une solution qui fait bondir le banquier d'affaires Philippe Villin, joint par Le Figaro (article abonnés) "Les politiques utilisent la CSG comme un anesthésiant leur permettant de différer les réformes qui s'imposent. C'est l'outil de la lâcheté collective." Le banquier ne voit qu'une solution : repousser largement l'âge de départ à la retraite. "On ne pourra pas payer, à l'avenir, une retraite plus de dix à douze ans", assène-t-il.

Parce qu'aucune réforme structurelle n'a été engagée

Mais pour résoudre l'équation, certains réclament surtout une réforme structurelle d'ampleur. Pour Vincent Touzé, économiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), le système actuel entraîne un "souci d'équité intergénérationnelle". "Les générations au pouvoir ont tout intérêt à s'octroyer des prestations généreuses — droits acquis — qui seront financées plus tard par les impôts — prélèvements obligatoires — versés par les générations qui ne contrôlent pas encore les leviers économique et politique", explique-t-il, et souhaite donc une réforme globale afin de rétablir une certaine justice.

Pour ce faire, Vincent Touzé partage le vœu d'Anne Lavigne, qui souhaite voir la France "s'inspirer des Italiens ou des Suédois, avec le système du compte notionnel". Les actifs cumulent des points sur un compte grâce à leurs cotisations et, à leur départ en retraite, le montant de la pension est calculé en fonction notamment de l'espérance de vie de la génération du nouveau retraité. Ce système proche de la retraite par capitalisation, mis à part qu'il n'est pas adossé aux marchés, est également défendu par la CFDT. "Le compte à points offre plus de lisibilité, un pilotage plus facile", explique Vincent Touzé.

Anne Lavigne concède que certains jugent la retraite à points injuste, "car les gens sont seuls face à leurs décisions". C'est le cas d'Henri Sterdyniak, chercheur à l'OFCE, joint par francetv info, qui qualifie "d'apprentis sorciers" les partisans d'une remise à plat du système. L'économiste se réjouit de la réforme a minima du gouvernement Ayrault, car il souhaite conserver le "système généreux" de la France. Le déficit ne vient pas du système de retraite, estime-t-il, mais de la faible croissance et du manque d'activité. Anne Lavigne, elle, est convaincue qu'en continuant à s'accrocher à ce système, la gauche est en train de rater l'occasion d'un changement en profondeur et la France prend le risque de s'exposer au besoin d'une nouvelle réforme dans les années à venir.

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