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Réforme des retraites : de quels leviers dispose le gouvernement pour mettre fin à la grève ?

Le Premier ministre, Edouard Philippe, a assuré qu'il était prêt à discuter de certains points de la réforme des retraites, tout en se montrant déterminé sur le passage à un système universel.

Article rédigé par franceinfo
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Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT (à gauche), et le Premier ministre Edouard Philippe (à droite), le 25 novembre 2019, lors d'une réunion à Matignon (Paris). (ERIC FEFERBERG / AFP)

"Je suis ferme, mais pas fermé", a résumé Edouard Philippe, mercredi 11 décembre sur TF1. Après avoir présenté le contenu de la réforme des retraites qui provoque le mécontentement de tous les syndicats, le Premier ministre tend désormais la main. "J'ai indiqué à l'ensemble des organisations sociales et syndicales qu'il y avait toute une série de points sur lesquels nous pouvions améliorer la réforme."

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Globalement, le gouvernement n'entend rien céder sur les grands principes de sa réforme, à savoir la mise sur pied d'un système universel par points et par répartition qui concernera les générations nées après 1975. Mais il va devoir désormais affronter la tempête sociale. "C'est dans la rue, les gares et les écoles que se joue désormais l'avenir de cette réforme", estime l'éditorial du Parisien. La CGT-Cheminots a déjà prévenu sur franceinfo qu'il n'y aurait "pas de trêve pour Noël". Le gouvernement pourrait donc tenter de négocier certains points de sa réforme avec les syndicats pour permettre aux Français de retrouver leurs familles pour les fêtes. 

Renoncer à l'âge pivot

Dans la réforme telle que présentée par Edouard Philippe, l'âge minimum légal de départ à la retraite reste fixé à 62 ans, mais un âge pivot est instauré. Il est pour l'instant fixé à 64 ans, à partir de 2027. Ceux qui partiront avant d'avoir atteint cet âge d'équilibre seront donc pénalisés financièrement avec une décote. Au-delà, ils bénéficieront au contraire d'une surcote. Dans son rapport, Jean-Paul Delevoye prévoit aussi que cet âge pivot soit "un levier de pilotage du système de retraite". Autrement dit, il pourra changer au fil du temps, en fonction de "l'évolution de l'espérance de vie au fil des générations".

Inacceptable pour les syndicats. "La ligne rouge est franchie", a prévenu Laurent Berger, secrétaire général de la CFDT. Pour le syndicat réformiste, par ailleurs favorable à une réforme du système des retraites, il s'agit d'un choix "inutile" et "injuste". Les syndicats dénoncent le recours à une mesure paramétrique qui permet au gouvernement de discrètement reculer l'âge de départ à la retraite. "C'est hypocrite car, oui, on garde un âge légal de départ à 62 ans, mais tout en disant qu'il ne vaut mieux pas partir à cet âge car il y aura un abattement sur les points. Habillez ça comme vous voudrez, mais cela revient à reculer l'âge de départ de deux ans", expliquait la semaine dernière Philippe Pihet, secrétaire confédéral chargé des retraites à Force ouvrière, interrogé par Capital.

Les syndicats réformistes sont disposés à faire des propositions au gouvernement. "Nous préférons la carotte au bâton. Mettre en place une surcote pour les années travaillées au-delà de 62 ans est beaucoup plus incitatif pour travailler plus longtemps", abondait dans Capital Dominique Corona, secrétaire national de l'Unsa chargé de la protection sociale. Mais pas sûr qu'il soit entendu, car avec cet âge pivot, qui devrait permettre d'allonger les durées de cotisation, Edouard Philippe souhaite surtout tendre vers un équilibre budgétaire du système.

Lâcher du lest sur l'équilibre du système

Avec la mise en place d'un système universel, le gouvernement a pour objectif de remettre à l'équilibre les comptes de l'assurance-vieillesse. Légère concession, le gouvernement a choisi la date de 2027 (et non pas 2025, comme préconisé dans le rapport Delevoye) pour atteindre cet objectif. Ce "retour à l'équilibre financier" sera confié aux partenaires sociaux, a assuré Edouard Philippe, en appelant à "ne pas fuir nos responsabilités en renvoyant au-delà du quinquennat les mesures nécessaires". Et si les syndicats ne parviennent pas à se mettre d'accord, le gouvernement prévoit de reprendre la main. 

Mais les syndicats apprécient peu cette nouvelle mission confiée par l'exécutif. Les organisations se rappellent le précédent sur le dossier de l'assurance-chômage. Les syndicats ne se sont pas mis d'accord et le gouvernement avait finalement repris le dossier, ce qui avait abouti à un durcissement des règles d'indemnisations"Ils nous refont le même coup qu'à l'Unédic. En plus soft, mais le même", estime la CFDT dans Libération. Les syndicats regrettent que les discussions soient déjà balisées avec cette idée d'un âge pivot fixé à 64 ans. Le gouvernement ne cesse de dire qu'il reste ouvert à la négociation sur les manières d'arriver à un équilibre du système. Reste à savoir s'il sera prêt à se donner plus de temps pour atteindre cet objectif.

Mieux prendre en compte la pénibilité

Le gouvernement a sans doute de vraies marges de négociation sur le dossier de la pénibilité. Pour l'instant, Edouard Philippe a juste précisé que la pénibilité donnera droit à des points de retraite supplémentaires, sans plus de détails. Le dispositif "carrières longues" sera maintenu pour permettre à ceux qui ont validé cinq trimestres avant 20 ans de partir deux ans plus tôt. Le compte professionnel de pénibilité sera élargi aux fonctionnaires et aux salariés des régimes spéciaux. Enfin, "les seuils relatifs au travail de nuit seront abaissés", a-t-il ajouté.

Des annonces qui manquent cruellement de précisions, estiment les syndicats. "C'est très flou, voire très inquiétant", confie l'Unsa à Libération"Quand le Premier ministre dit qu'il a entendu ce qu'on a dit, j'aimerais bien qu'il précise sa pensée parce qu'on a plaidé pour que la pénibilité soit mieux prise en compte, on a fait des propositions et on n'a eu aucun écho, aucune réponse, aucune contre-proposition. Donc, non, le contenu social n'y est pas", ajoute Frédéric Sève, secrétaire général de la CFDT, interrogé par franceinfo. Il n'est, notamment, pas question pour l'instant dans le projet du gouvernement de réintroduire les quatre facteurs de pénibilité supprimés au début du quinquennat.

Le gouvernment a bien prévu quelques exceptions, comme pour les policiers, qui pourront continuer à partir à la retraite à 52 ans, mais à condition d'avoir exercé pendant un certain nombre d'années des fonctions qui les exposent au danger. Ces derniers dénoncent donc encore la réforme et réclament un même traitement pour tous les policiers. Sur l'ensemble du dossier de la pénibilité, le gouvernement doit donc encore convaincre. "Il y a de la place pour la négociation, que ce soit sur la pénibilité, que ce soit sur les modalités pour parvenir à l'équilibre", a rappelé le ministre de l'Economie, Bruno Le Maire, jeudi matin sur France 2.

Appliquer la "clause du grand-père"

La fin des régimes spéciaux (SNCF, EDF, RATP...) et la fusion des 42 régimes existants en un unique régime universel semblent actées pour le gouvernement. "Je suis ferme sur le principe (...) d'un système qui concernera tout le monde (...), véritablement universel", a martelé Edouard Philippe sur TF1. Mais l'application de la réforme a déjà fait l'objet de longs débats. Initialement, le rapport Delevoye avait prévu de faire basculer dans le nouveau système les générations nées dès 1963, mais le gouvernement a choisi finalement la date de 1975 pour l'application de la réforme, ce que certains appellent la "clause du grand-père". 

Mais pour de nombreux syndicats, cela ne va pas assez loin. Et cela, même si Matignon a précisé que la réforme s'appliquerait à partir de la génération 1985 "pour les fonctionnaires et les agents des régimes spéciaux dont l'âge légal" de départ est de 52 ans, en particulier les conducteurs de la SNCF et de la RATP. Au total, "cela fait quand même encore 40% des agents, soit 52 000 personnes, qui perdent le calcul de leur pension de retraite sur les six derniers mois" de salaire, a critiqué Didier Mathis, secrétaire général de l'Unsa ferroviaire. Certains syndicats réclament toujours l'application d'une "clause du grand-père", qui permettrait d'appliquer le nouveau système uniquement aux nouveaux entrants sur le marché du travail. 

Rassurer sur la valeur du point

Avec la réforme, les points remplaceront les trimestres pour le calcul des pensions. Une fois à la retraite, ces points seront convertis en euros. Mais les opposants à cette réforme s'inquiètent de voir la valeur du point varier en fonction des besoins de financement, et de servir, en quelque sorte, de variable d'ajustement. Edouard Philippe a tenté de les rassurer : "La loi prévoira une règle d'or pour que la valeur des points acquis ne puisse pas baisser et avec une indexation non pas sur les prix mais sur les salaires, qui progressent plus vite que l'inflation en France."

Nous nous engageons à ce que la valeur du point ne soit pas fixée à la sauvette, au gré des difficultés budgétaires !

Edouard Philippe

devant le Conseil économique social et environnemental

"Faire croire, comme le fait le gouvernement, que la valeur du point ne pourra pas baisser parce qu'il sera inscrit dans la loi, c'est prendre les Français pour des imbéciles. Chaque loi de finances sera l'occasion pour les futures majorités de revenir sur cette valeur", a réagi sur Twitter le sénateur LR Bruno Retailleau. De plus, l'expression "point acquis" ne tranquilise pas complètement les syndicats. Est-ce que cela signifie que la valeur des points à acquérir pourra varier ? De même, rien ne dit que le gouvernement ne jouera pas sur la valeur d'acquisition du point ou sur un recul permanent de l'âge pivot. Là encore, le gouvernement a des efforts à fournir pour rassurer sur ce sujet.

La sélection de franceinfo sur la réforme des retraites

• Analyse. Trois questions autour de la retraite minimale à 1 000 euros

• Décryptage. Ce qu'il faut savoir sur l'âge pivot fixé à 64 ans par le gouvernement et dénoncé par les syndicats

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• Vidéo. "Pas de trêve pour Noël", prévient la CGT cheminots

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