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"Ligne rouge", "Le compte n'y est pas", "C'est se moquer du monde"... Les réactions des syndicats aux annonces d'Edouard Philippe sur les retraites

Plusieurs organisations syndicales appellent d'ores et déjà à "renforcer la grève".

Article rédigé par franceinfo
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Edouard Philippe présente la réforme des retraites devant le Conseil économique, social et environnemental, le 11 décembre 2019. (THOMAS SAMSON / POOL / AFP)

"Le temps du système universel est venu. Celui des régimes spéciaux s'achève." Le Premier ministre Édouard Philippe a présenté mercredi 11 décembre son projet de réforme des retraites. Le projet de loi sera présenté au conseil des ministres le 22 janvier puis discuté au Parlement à partir de la fin février. Mécontents dans leur ensemble, les syndicats entendent poursuivre le mouvement entamé le 5 décembre. Seul le Medef juge le projet équilibré et porteur de progrès social.

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Laurent Berger (CFDT) : "La ligne rouge est franchie"

"Il y avait une ligne rouge dans cette réforme, a déclaré le numéro un de la CFDT Laurent Berger, c'était le fait de ne pas mélanger la nécessité d'une réforme systémique (...) et la réforme paramétrique qui demanderait aux travailleurs de travailler plus longtemps, cette ligne rouge est franchie."

"On nous montre un chemin dont on aurait soi-disant les manettes pour le choisir, mais on sait finalement qu'il y aura un âge d'équilibre à 64 ans fixé par cette réforme", ajoute Laurent Berger, qui annonce une réunion des instances de son syndicat dans l'après-midi, mercredi, pour "décider des actions dans les jours et les semaines à venir". 

Didier Aubert (CFDT-Cheminots) : "Le compte n'y est pas"

Didier Aubert, le secrétaire général de la CFDT-Cheminots a pointé lui aussi l'âge pivot de 64 ans, une "ligne rouge" qu'il ne fallait pas franchir, selon lui. Il estime que "le compte n'y est pas". S'il reconnaît des avancées, notamment sur la pénibilité, il les considère "insuffisantes". "Par rapport à cet âge pivot de 64 ans, c'est un dispositif qui ne nous satisfait pas. Je ne me vois pas entrer dans les dépôts et dire que la CFDT accepte les propositions du Premier mininstre et lève le préavis (…) Je crois que l'âge pivot n'est bon pour personne. Le décalage de l'âge pivot à 64 ans, c'était une ligne rouge." Conclusion : "Pas question qu'on se satisfasse des négociations".

Philippe Martinez (CGT) : "C'est se moquer de ceux qui sont en lutte"

"Le gouvernement s'est moqué du monde", réagit mercredi le numéro un de la CGT Philippe Martinez. "C'est surtout se moquer de ceux qui sont en lutte aujourd'hui et de l'opinion publique qui est largement défavorable à ce projet". Il "ne croit pas que les cheminots seront satisfaits" par le discours d'Edouard Philippe sur la réforme des retraites. "Le gouvernement veut individualiser le système de retraite (...). Tout le monde va travailler plus longtemps, c'est inacceptable." 

"Tout le monde sera concerné, tout le monde sera pénalisé", a complété dans la foulée Sophie Binet, co-secrétaire générale de la CGT des cadres et techniciens. Pour elle, "ces annonces ne déminent rien et démontrent la nécessité d’amplifier la mobilisation mardi prochain". Sophie Binet dénonce une réforme où "les droits de toutes et tous seront tirés vers le bas". Elle affirme que "les salariés du privé vont beaucoup perdre. Aujourd’hui, leur retraite est calculée sur la base des 25 meilleures années. Avec cette réforme, elle sera calculée sur la base de l'ensemble de la carrière."

Laurent Brun (CGT-Cheminots) : "Cela doit encourager à renforcer la grève"

"Pour la fédération CGT des cheminots, les annonces du Premier ministre doivent encourager les salariés à renforcer la grève", estime Laurent Brun, secrétaire général de la CGT-Cheminots. Edouard Philippe "confirme le régime injuste par points, la suppression des régimes spéciaux, et aggrave encore le projet en annonçant un âge pivot à 64 ans", énumère le responsable du premier syndicat de la SNCF, en appelant "tous les salariés [à] poser la question de la grève dans leur entreprise" et les cheminots à "reconduire le mouvement".

Nathalie Verdeil (CGT) : "Hors de question de négocier un âge pivot" 

"Ce n'est pas en nous disant que la transformation des régimes spéciaux sera progressive que le Premier ministre a fait la démonstration du progrès de cette réforme à points", estime Nathalie Verdeil, secrétaire confédérale de la CGT. Y a -t-il dans les annonces des choses qui peuvent inciter les cheminots à lever le mouvement ? "Ça m'étonnerait fort", répond Nathalie Verdeil. Elle dénonce "la mise en œuvre contrainte d'une réforme paramétrique". "La réforme, elle n'est pas passée, et on va être nombreux à se mobiliser pur que les choses n'en restent pas là." Elle aussi parle de "ligne rouge franchie depuis le début". "Il est hors de question de négocier un âge pivot ou une réforme paramétrique quelle qu'elle soit."

Laurent Escure (Unsa) : "Je suis assez déçu"

Le secrétaire général de l'Unsa, Laurent Escure, a exprimé mercredi sa "déception" après les annonces d'Edouard Philippe. Selon lui, une "ligne rouge" a été franchie avec l'âge pivot. "On va réfléchir à la façon dont on va continuer, annonce-t-il, à la fois à négocier pour arracher de nouvelles choses mais également à la façon dont dans les jours qui viennent on va se mobiliser." À la question d'une participation de l'Unsa à la prochaine journée d'action, programmée mardi prochain, il répond : "On n'exclut rien." "On va faire le tour avec l'ensemble de nos fédérations (...) mais aujourd'hui, il y a beaucoup d'inquiétude."

Didier Mathis (Unsa Ferroviaire) : "Les efforts du gouvernement ne sont pas suffisants"

Pour Didier Mathis, le secrétaire général de l'Unsa Ferroviaire les "efforts" du gouvernement ne sont "pas suffisants". "Nous avons appelé à refaire grève et nous nous préparons pour la mobilisation du 17 décembre, explique-t-il, sauf si le gouvernement fait des annonces dans le sens de nos revendications." "Pour l'instant les négociations sont au point mort et ça depuis le début du conflit, donc la balle est dans le camp du gouvernement."

François Hommeril (CFE-CGC) : "Je reste officiellement (...) dans le camp des opposants"

"Je continue à considérer que cette réforme est inutile et surtout dangereuse", estime François Hommeril, président confédéral de la CFE-CGC, le syndicat des cadres, qui annonce qu'il "reste officiellement, avec [s]on organisation, dans le camp des opposants". Le Premier ministre "n'a rien fait d'autre que de confirmer ce que nous savons déjà sur les paramètres importants, il ne revient pas sur l'âge pivot, il ne revient pas sur l'assiette de cotisation", constate le président de la CFE-CGC. "Si ce régime est si merveilleux que cela, alors pourquoi on le décale ? Ça n'a pas de sens, questionne-t-il. Et s'il est plus mauvais, comme nous le pensons, alors pourquoi le faire peser sur une nouvelle génération qui nous en voudra un petit peu de ne pas avoir suffisamment défendu un système qu'on considère comme un système solide aujourd'hui ?".

François Hommeril n'a pas voulu s'avancer sur un appel à durcir le mouvement.Ce sera une "décision souveraine de l'organisation à travers ses instances, dit-il. Mais les conditions qui nous on fait rentrer dans le mouvement le 5 décembre, sont toujours présentes aujourd'hui, il n'y a aucune raison pour qu'on en sorte".

Yves Lefebvre (Unité SGP-Police) : "Revoir votre copie, travail à refaire"

S’il était "l’enseignant d’Édouard Philippe", Yves Lefebvre, secrétaire général d’Unité SGP-Police écrirait : "Revoir votre copie, travail à refaire". Le syndicaliste n'est "absolument pas" satisfait de la présentation du Premier ministre. Il salue le "maintien d’un régime dérogatoire, avec la faisabilité d’une ouverture de droits à 52 [ans] et d’un départ à la retraite à 57 [ans]" et "le maintien des bonifications" qui permettent aux policiers de bénéficier d’une annuité (quatre trimestres) de cotisation tous les cinq ans. "Mais", a-t-il nuancé, "c’est là qu’il y a un mais", il a dénoncé l’instauration "d’une période minimum d’emploi dit dangereux". "Cela revient à dire que nous aurions des carrières différentes, a-t-il déploré. À partir du moment où nous sommes sur une mission de soutien, mais pour laquelle on peut être appelé à travailler à tout moment sur la voie publique, on ne serait pas assujetti à la bonification, ni aux mêmes droits d’ouverture de départ à la retraite". Yves Lefevbre réclame donc "le même régime pour tous les policiers, comme ça l’est pour les gendarmes", et rejette "l’usine à gaz" proposée par la réforme "ultra-compliquée." Le secrétaire général d’Unité SGP-Police regrette aussi le manque d’annonces pour les "policiers qui travaillent de nuit", et en plus, "ont une dangerosité palpable." Il demande donc que l’intersyndicale des policiers soit reçue "sans délai" par Édouard Philippe à qui il demande "des garanties écrites."

En attentant, il propose la poursuite des actions de protestation "en route depuis presque deux semaines pour les effectifs de nuit, huit jours pour les effectifs de jours, et depuis ce matin pour les CRS."

Geoffroy Roux de Bézieux (Medef) : "Un bon équilibre, un vrai progrès social"

"Du côté des entrepreneurs, je pense que c'est un bon équilibre", a déclaré le patron du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, après avoir écouté les annonces du Premier ministre sur la réforme des retraites. "C'est un équilibre entre une réforme redistributive, quand on donne 85% du smic à tous les retraités, pour les petites retraites, les indépendants, artisans et agriculteurs, c'est un vrai progrès social, et la nécessité que tout ça doit être financé par quelqu'un, et donc, que quand c'est possible on travaille plus longtemps", détaille le patron des patrons.

"On a, je pense, perdu six mois, il était important de sortir d'une forme d'ambiguïté qui durait depuis le mois de juillet, là les principaux éléments sont sur la table et en tout cas les principaux", ajoute Geoffroy Roux de Bézieux.

Francette Popineau (SNUipp-FSU) : "Nous sommes plus inquiets que ce que nous l’étions"

"Nous sommes plus inquiets que ce que nous l’étions", a réagi Francette Popineau, co-secrétaire générale et porte-parole du SNUipp-FSU, le principal syndicat des enseignants du premier degré. Pour elle, "on est noyés de mots, pour autant nous n’avons toujours pas de réponse à des questions très claires". Une "situation complexe", selon elle, sur laquelle le gouvernement "n’a pas fait d’effort depuis deux ans pour rendre les choses lisibles." "Le Premier ministre n’a parlé d’aucune somme, poursuit-elle. On ne sait pas la différence qui est faite entre la compensation et la revalorisation". "On voit bien que la mobilisation a fait sortir le gouvernement du bois", juge Francette Popineau. "Il a entendu la mobilisation; mais pas sûr qu’il en ait pris la mesure."

Frédérique Rolet (SNES-FSU) : "Les enseignants sont extrêmement en colère"

Frédérique Rolet, secrétaire générale du syndicat majoritaire parmi les enseignants du secondaire, rapporte qu'après la présentation de la réforme des retraites par Édouard Philippe, "les enseignants sont extrêmement  en colère". Un mécontentement que la syndicaliste explique par l'"l'impression à la fois que le Premier ministre maintenait un projet de réforme systémique par points, qui est contesté très largement dans la population. Et en plus, il a renvoyé la revalorisation aux calendes grecques en disant que c'est le ministre de l'Éducation nationale qui allait s'en occuper." Elle déplore le manque de précision de cette revalorisation salariale et l'âge pivot fixé à 64 ans : "On peut partir à la retraite à 62 ans en théorie, mais on sait que les enseignants, en commençant à 25 ans, n'ont pas toutes leurs annuités à 62 ans." La syndicaliste appelle les enseignants à "poursuivre et à amplifier" les assemblées générales pour reconduire les préavis de grève.

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