Projet de loi immigration : un peu, beaucoup, totalement… Ces textes de loi censurés par le Conseil constitutionnel
Une décision attendue et qui aura des conséquences énormes pour des milliers ou des centaines de milliers de personnes. Les Sages du Conseil constitutionnel rendront, jeudi 25 janvier, leur avis sur le projet de loi immigration. L'institution peut valider le projet du gouvernement, mais aussi censurer le texte, totalement ou partiellement. Un cas qui n'est pas inédit depuis 1958 : sur les plus de 700 décisions de constitutionnalité (DC) concernant des lois ordinaires et organiques, environ la moitié ont fait l'objet d'une censure du Conseil. Dix-sept ont été censurées totalement, selon un décompte fait par l'AFP. franceinfo revient sur ces censures marquantes ou oubliées de la Ve République.
Censures totales : budget de 1980, mineurs isolés, logement social…
En 1979, c'est une décision inédite et un cadeau de Noël dont se serait bien passé le gouvernement de Raymond Barre. Le 24 décembre, le Conseil constitutionnel censure la loi de finances dans sa totalité. Le budget de l'année 1980 est donc invalidé. Les Sages avaient été saisis par le président de l'Assemblée nationale, Jacques Chaban-Delmas, et par le groupe socialiste, comme le rapporte à l'époque un article du journal Le Monde. Ils estimaient que la procédure d'examen et d'adoption n'avait pas été respectée, mais aussi que certains articles ne respectaient pas la Constitution.
C'est sur le premier point que le Conseil constitutionnel leur a donné raison. En effet, l'examen d'un projet de loi de finances, défini par l'article 40 de la Constitution, doit respecter un ordre bien précis. La première partie concerne les recettes, la seconde les dépenses. Or, selon les Sages, cette règle n'avait pas été respectée par la majorité. Ils ont donc déclaré l'ensemble des articles non-conforme à la constitution. C'est la première depuis le début de la Ve République, qu'une loi est rejetée dans son intégralité.
En novembre 2010, c'est une loi de ratification d’un accord franco-roumain de 2007 qui est dans le viseur du Conseil constitutionnel. Elle organise le retour dans leur pays d’origine de mineurs roumains isolés. Avec cet accord, le juge des enfants ou le parquet peuvent ordonner le retour en urgence d’un mineur dans son pays, mais "aucune voie de recours ne permet de la contester", estime le Conseil constitutionnel qui retoque la loi, car elle est contraire "à l’article 16 de la déclaration des droits de l’Homme de 1789".
La loi sur le logement social portée par la ministre Cécile Duflot va connaître le même sort. Réuni le 24 octobre 2012, le Conseil constitutionnel déclare le texte, dans son ensemble, non-conforme à la Constitution pour, comme en 1979, une question de procédure. Le vote de la loi avait été entaché d'un vice de forme. Il a été examiné le 11 septembre par le Sénat alors que la commission des Affaires économiques n'avait pas eu le temps de l'étudier. C'est donc sur la base d'une version non modifiée que les sénateurs se sont prononcés. Ce qui est contraire à la Constitution, comme l'avaient rappelé les Sages.
Censures partielles : Hadopi, "sécurité globale", loi Macron, réforme des retraites de 2023…
Si les censures totales sont rares, en revanche, on ne compte plus les censures partielles. Certaines font plus parler d'elles que d'autres. C'est le cas de la décision en 2009 concernant les pouvoirs de sanction de la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi), créée par la loi de lutte contre le piratage sur internet. Le texte prévoyait la possibilité pour la Haute autorité de suspendre l’abonnement à internet. Cette disposition est censurée, car les Sages estiment que c’est à la justice de prononcer ce type de sanction.
Récemment, d'autres censures partielles ont fait parler d'elles comme celle de la prolongation de l'état d'urgence sanitaire mis en place en raison de la pandémie de Covid-19. Le 11 mai 2020, le Conseil constitutionnel valide la loi, mais censure deux dispositions : l'isolement des malades du Covid-19 et le traçage de leurs cas contact. Il y a aussi la loi sur la "sécurité globale" qui est en partie censurée en 2021. Les Sages retoquent notamment l'article 52 (ex-article 24) visant à sanctionner la diffusion d'images de policiers. Cette disposition avait suscité une farouche opposition des défenseurs des libertés publiques. Sans oublier en 2023, la très controversée réforme des retraites, à l'origine d'une crise politique et sociale. Les Sages avaient retoqué six mesures contenues dans le texte, dont le CDI senior et l'index senior, considérés comme des "cavaliers sociaux". Le report de l'âge de départ à 64 ans n'avait pas été jugé inconstitutionnel.
En tant que ministre de l'Économie, Emmanuel Macron a déjà vu une loi être censurée partiellement. En 2015, une partie de la loi "pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques", dite loi Macron, est examinée par les Sages. L'institution avait été saisie par 120 parlementaires Les Républicains sur 19 articles de la loi. Si le Conseil constitutionnel valide notamment la réforme des professions du droit, il retoque un article assouplissant la communication sur l'alcool, un autre sur l'enfouissement des déchets radioactifs à Bure et surtout une partie du plafonnement des indemnités prud'homales. À l'époque, Emmanuel Macron se félicite dans le journal Le Monde que la loi ait été "validée en totalité dans ses principes et à 98% dans les détails".
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