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Rachat de RTT : on vous explique le débat sur cette mesure qui fait bondir la gauche

Une partie de la gauche, dont les écologistes Yannick Jadot et Eric Piolle, voit dans cette mesure la fin des 35 heures et un moyen d'éviter le sujet de l'augmentation des salaires.

Article rédigé par franceinfo avec AFP
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Les députés de la gauche à l'Assemblée nationale (Paris), le 26 juillet 2022, à quelques heures du vote du projet de loi de finances rectificative.  (AMAURY CORNU / HANS LUCAS / AFP)

Un "cheval de Troie de la régression sociale". Seize personnalités de gauche, dont les écologistes Yannick Jadot et Eric Piolle, désignent ainsi la monétisation des RTT dans une tribune publiée dimanche dans le JDD. Cette mesure fait partie du projet de loi de finances rectificative, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, mercredi 27 juilletCette disposition, proposée par les députés LR, et votée par la majorité présidentielle, a fait l'objet de vifs débats au sein de la gauche, qui dénonce notamment une atteinte aux 35 heures. Elle s'apprête à être débattue au Sénat à partir de ce lundi 1er août. 

>> Ce que contient le projet de loi de finances rectificative adopté à l'Assemblée

En quoi consiste cette mesure ?

La mesure votée par les députés est simple : elle permet à tout salarié qui bénéficie de RTT (journées de repos accordées lorsque le temps de travail hebdomadaire dépasse les 35 heures) de ne pas les poser et de les convertir en salaire. Concrètement, cela ouvre la possibilité pour les entreprises de racheter aux employés les jours de repos auxquels ils auraient décidé de renoncer. 

Cette mesure vise à "encourager le rachat par l'entreprise des RTT pour les salariés qui veulent travailler plus", précise Bruno Retailleau, président du groupe LR au Sénat, dans une interview au Parisien. Elle sera limitée dans le temps : les entreprises pourront racheter les RTT de leurs employés entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2023. En outre, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a demandé que la monétisation des RTT, exonérée d'impôts et de cotisations, soit plafonnée à 7 500 euros.

Actuellement, les journées de RTT sont perdues lorsqu'elles ne sont pas prises par les salariés. Leur rachat est autorisé de manière ponctuelle, dans le cadre d'accords d'entreprises. Il s'agit notamment du Compte épargne temps (CET) mis en place dans certaines entreprises et permettant au salarié de mettre de côté ses jours de repos non utilisés pour plus tard ou de se les faire rémunérer. 

D'où vient l'idée d'une monétisation des RTT ? 

La mesure faisait partie d'une série d'amendements proposés par la droite pour "mieux récompenser le travail et le mérite et augmenter les salaires nets des Français"La majorité présidentielle, par l'intermédiaire de Marc Ferracci (LREM), a ensuite présenté son propre amendement pour limiter la mesure dans le temps. C'est ce dernier qui a été voté le 22 juillet à l'Assemblée. Cette limite dans le temps "doit permettre une réflexion et une concertation sur un dispositif encore plus ambitieux", a expliqué le député de la majorité.

L'idée d'une monétisation des RTT figurait déjà dans le programme présidentiel de l'ancienne candidate LR Valérie Pécresse. L'actuelle présidente de la région Ile-de-France proposait dans le cadre d'un "choc de pouvoir d'achat" de "permettre aux salariés de convertir davantage de RTT en salaire, sans limite et sans charge (y compris en franchise de charge patronale)", détaillait-elle dans son programme

Proposition phare de la droite, l'idée du rachat des RTT par les employeurs avait émergé avec Nicolas Sarkozy en 2007. Dans la continuité de sa devise "travailler plus pour gagner plus", le président de l'époque avait proposé, dans une interview à TF1, le 29 novembre 2007"que tous les salariés qui se mettent d'accord avec le chef d'entreprise puissent transformer les jours de RTT en argent". 

Pourquoi fait-elle débat ? 

Lors de l'examen de loi à l'Assemblée, le 22 juillet, l'amendement a été adopté par 154 voix contre 55, l'ensemble des députés de la Nupes présents s'opposant au texte.

Du côté gauche de l'Assemblée, la mesure est mal passée. "C'est la fin pure et simple des 35 heures", s'est inquiété le député socialiste Arthur Delaporte. "C'est casser tout ce qui permet aux travailleurs qui font des heures supplémentaires d'avoir une protection et notamment un droit au repos", ajoutait-il.  

Seize personnalités de gauche ont par la suite dénoncé cette mesure comme "un cheval de Troie de la régression sociale"  dans une tribune du JDD. Les signataires estiment que cette disposition "accroît le lien de subordination entre le salarié et l'employeur, affaiblit le dialogue social en entreprise et porte un coup sans précédent aux 35 heures". 

Comme la gauche à l'Assemblée, ils fustigent une mesure qui "sert surtout à éviter de traiter le vrai sujet du pouvoir d'achat : les augmentations de salaires". Ces personnalités, dont des représentants syndicaux de la CFE-CGC et de la CFDT Cadres, y voient "un puissant levier pour l'employeur, lui permettant de refuser l'attribution de jours de repos en arguant du paiement de ceux-ci, face à un salarié tiraillé entre son besoin de repos et l'amélioration de son pouvoir d'achat".

Les signataires relativisent aussi l'argument défendu par la droite selon lequel ce rachat des RTT serait bénéfique pour pouvoir d'achat. "Proposer de payer des RTT majorées à 10 % plutôt que des heures supplémentaires majorées à 25 %, c'est offrir de 'travailler beaucoup plus pour gagner peu'", arguent-ils. 

La mesure a-t-elle des chances d'être adoptée ?

L'amendement voté le 22 juillet s'apprête à être débattu au Sénat, lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative qui commence lundi et doit continuer mardi. Votée par une majorité de députés LR à l'Assemblée, la mesure sur la possibilité de rachat des RTT ne devrait pas connaître de revirement majeur, la droite étant majoritaire au Sénat.

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