Pourquoi un restaurateur d'un centre commercial du Var a reçu une pénalité de 186 624 euros pour avoir fermé le 14-Juillet
Au total, douze commerçants d'un centre commercial ont été sanctionnés, mais les montants pourraient être réduits.
Pensant que la journée ne leur rapporterait pas grand chose, douze commerçants du centre commercial Grand Var, à La Valette-du-Var, près de Toulon, ont décidé de ne pas ouvrir, le 14 juillet 2016. Une décision qui n'a pas plu au gérant du centre.
Les commerçants ont eu la surprise de recevoir des pénalités d'infraction aux montants déconcertants : jusqu'à 186 000 euros pour le gérant de la brasserie Le Phénix, 600 000 euros au total, selon ce dernier. Refusant de payer ces montants pour la fin du mois au Groupement d'intérêt économique (GIE) qui gère le centre, les commerçants ont lancé, dimanche 7 août, une pétition qui avait recueilli 1 700 signatures trois jours plus tard. Le GIE explique que les pénalités seront ramenées à un "montant plus adapté". Comment en est-on arrivé là ? Les explications de francetv info.
"En 30 ans, on a toujours fermé les jours fériés"
"L'ouverture le 14 juillet 2016 a fait l'objet d'un vote à l'unanimité par les commerçants présents en assemblée", estime la direction du centre dans un communiqué. Joints par francetv info, plusieurs commerçants confirment que six jours fériés et sept dimanches doivent être travaillés en 2016, dont le 14-Juillet, mais aussi le 15 août. Une décision illégitime aux yeux de Patrick Brun, le gérant de la brasserie : l'unanimité des commerçants en assemblée n'est pas celle de tous les commerçants du centre commercial. Et lui n'était pas présent, pas plus que les autres commerçants sanctionnés.
Le gérant de la brasserie ne se rend plus aux assemblées du GIE depuis 2013, frustré par la politique de ce dernier. "Les dés sont pipés", estime-t-il. Il explique que le nombre de voix dont dispose chaque commerce au sein de l'assemblée est proportionnel à sa taille, ce qui donnerait un poids démesuré aux deux grandes surfaces du centre, le Printemps et Carrefour. Celles-ci détiennent 52% des voix, selon Patrick Brun ; plutôt 30% assure Serge Attia, commerçant et membre du bureau du GIE. Le gérant du Phénix affirme qu'il n'a pas reçu le procès-verbal de l'assemblée qui l'aurait informé de la décision. Ce sont des affichettes à l'entrée du centre qui lui ont annoncé la nouvelle.
Les commerçants sanctionnés ne comprennent pas non plus pourquoi leur fermeture est sanctionnée cette année alors qu'elle ne l'avait pas été les années précédentes. "En 30 ans, on a toujours fermé les jours fériés", assure Philippe Madau, gérant des Cuirs Saint Germain, qui a reçu une pénalité de 38 000 euros. Patrick Brun, lui, n'ouvrait jamais le 14-Juillet non plus, à l'exception de l'an dernier : "j'ai fait 425 euros de recette, avec 4 employés". Pour lui, le centre Grand Var, situé dans une zone commerciale loin de la mer, n'attire personne ce jour férié : "l'hiver, ils viennent chez nous, l'été, ils vont à la plage prendre une glace". Ni lui, ni Philippe Madau n'ont reçu la moindre mise en garde au sujet de leurs précédentes fermetures les jours fériés, affirment-ils.
Des pénalités conçues pour dissuader les ouvertures tardives
Si les commerçants s'opposent, pour certains, au principe même d'une sanction, tous s'alarment des montants réclamés. "On se demande quoi faire. Est-ce qu'on va déposer le bilan ? Vider notre stock en vendant tout à -50% ?", s'interroge Philippe Madeau, qui doit payer 38 000 euros. Pour chaque commerce, la pénalité s'élève à 10 euros hors taxe par mètre carré de surface de leur commerce pour chaque tranche de cinq minutes de fermeture, comme l'indique la copie du document reçu par le gérant de la brasserie, Patrick Brun, qui l'a postée sur une page Facebook.
Tout le monde s'accorde sur un point : ce règlement était, au départ, conçu pour sanctionner les commerces qui dérogeaient aux horaires du centre commercial en ouvrant trop tard ou en fermant trop tôt. "Jamais nous n'avons pensé que des commerces n'ouvriraient pas une journée entière", assure Serge Attia, président du GIE. Mais ce règlement – voté il y a deux ans – qui concerne les heures d'ouverture, peut-il être utilisé pour sanctionner une journée de fermeture ? Pour Patrick Brun, c'est le point de règlement qui concerne les journées de fermeture pour les journées ordinaires qui doit s'appliquer. Fin 2013, il prévoyait une pénalité de 304,90 euros par jour, et "il n'a pas changé à [sa] connaissance".
"Le conseil d'administration du GIE des commerçants se rassemblera rapidement afin de définir un montant plus adapté", a expliqué la direction du centre Grand Var dans un communiqué mercredi. Selon Serge Attia, l'instauration d'une pénalité forfaitaire pour les journées de fermeture a été évoquée. Le syndicat CFTC, quant à lui, a écrit au ministre de l'Economie Emmanuel Macron, pour réclamer un projet de loi "interdisant aux gestionnaires des centres commerciaux d'imposer aux commerçants indépendants l'ouverture en soirée, le dimanche ou les jours fériés". Le conflit ne sera sans doute pas tranché d'ici au lundi 15 août, un autre jour férié où les commerces du centre Grand Var sont sommés d'ouvrir. Patrick Brun et Philippe Madeau ont bien l'intention de laisser leur rideau fermé.
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