Crise sanitaire : quelles stratégies en Allemagne, au Royaume-Uni et dans l'Union européenne pour relancer l'économie et éviter les déficits ?
Dans Le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir tout ce qui se fait ou se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, nous nous intéressons à la façon dont nos voisins européens s'y prennent pour relancer leurs économies.
En France, le déficit public flambe cette année 2020, plus de 11% du PIB, à cause de la crise du coronavirus. L'exécutif a indiqué vouloir ramener le déficit public à 6,7% l'année prochaine lors de la présentation, lundi 28 septembre, du budget pour 2021 et du plan de relance de 100 milliards d'euros. La rigueur budgétaire est-elle encore d'actualité en Europe alors que tous les États soutiennent leurs économies en déboursant des milliards d’euros ? Pour répondre à cette question, direction Berlin, Bruxelles et Londres.
L'Allemagne met de côté la rigueur budgétaire mais pour un temps
Pour le budget 2021, l’Allemagne s’assied sur la rigueur budgétaire comme la France. Et ce n’est pas si fréquent Outre-Rhin, c’est même la première fois depuis 2011. Berlin s’autorise une entorse à la constitution qui prévoit un frein à l’endettement, le déficit est quasi interdit avec pas plus de 0,35%. Grâce à cela, et donc des investissements très limités, le pays n'a cessé d’accumuler ces cinq dernières années des excédents budgétaires qui lui ont permis de financer un plan de soutien à l'économie parmi les plus généreux du monde. D'où l’intérêt de savoir réduire sa dette quand l’économie va bien.
Comme en 2020, le budget 2021 plonge dans le rouge. Les déficits se creusent partout comme sur le reste du continent européen. Berlin a contracté un montant record de 217 milliards d’euros de dettes et encore 96 milliards sur les comptes de 2021. Pour 2022, passées les élections, le ministre des Finances, Olaf Scholz promet seulement 6 milliards d’euros de dettes. Un "retour à la normale" qui serait dans les clous de cette règle constitutionnelle. Le ministre des Finances doit d’ailleurs aller expliquer ces très grosses dépenses devant le Parlement mardi.
Les députés du Bundestag doivent en effet approuver de briser la règle, ce qui est en Allemagne quelque chose de l’ordre du tabou. En tout cas, l'année 2020 aura clairement marqué un tournant qui a subjugué les économistes. Le pays, face aux conséquences désastreuses de cette crise sanitaire sur l’emploi et les entreprises, a fait voler en éclat la rigueur budgétaire. Un changement de logiciel mais pour combien de temps ? Devant les députés mardi, Olaf Scholz expliquera pour les convaincre que c’est une situation historique et exceptionnelle qui n’a pas pour but de s’installer dans la durée et de faire de l’Allemagne un pays trop dépensier.
L’UE participe aux plans de relance mais sous conditions
Ces plans de relance allemand ou français ne seront pas financés que par un endettement national. Pour la France, 40% des 100 milliards d’euros seront fournis par L'Europe. L'Union européenne va s’endetter collectivement mais cet emprunt a vocation à être remboursé à terme, non pas par les citoyens européens, mais par de nouvelles ressources propres. C'est en tout cas ce qu’espère la France avec par exemple un mécanisme de taxation carbone aux frontières de l'Union européenne ou encore une taxe sur les grandes entreprises du numérique "qui ne versent pas leur juste contribution à l’Europe" comme le rappelle dimanche dans le journal Les Echos le secrétaire d'État aux Affaires européennes Clément Beaune.
Ces taxes rapporteraient plus de 10 milliards d’euros par an, explique-t-il. Ce qui permettrait de rembourser le grand emprunt européen de 750 milliards d’euros sur 30 ans. Reste néanmoins à se mettre collectivement d’accord mais c’est en bonne voie, selon le secrétaire d'État.
L'Europe va donc mettre la main à la poche et financer une partie des plans de relance. Mais sous conditions : les plans préparés par les 27 devront inclure 37% de dépenses liées au changement climatique, et au moins 20% relatifs au numérique. Bercy affirme être dans les clous. Par exemple, sur les 11 milliards dédiés aux transports, le gouvernement français promet 4,7 milliards en faveur de la SNCF pour développer notamment le fret et les trains de nuit qui sont l’une des priorités du Pacte vert européen. Bercy prévoit aussi deux milliards pour l’hydrogène vert d’ici 2022 en accord avec la stratégie de l'UE. Tout cela sera bien entendu passé au peigne fin par la Commission européenne.
Le Royaume-Uni réduit la voilure sur les aides aux travailleurs
Le gouvernement britannique avait prévu un grand plan de relance, c’est finalement un plan de sauvegarde de l’emploi qui a été annoncé. À reculons et a minima pour l’exécutif, dans ce pays où le libéralisme prime. "Je ne peux pas sauver toutes les entreprises, je ne peux pas sauver tous les emplois", a expliqué le ministre des Finances Rishi Sunak qui a donné le ton en annonçant son plan. Le message du ministre est qu’il fait ce qu’il peut, compte tenu des circonstances et pour éviter une explosion du chômage, mais qu’il resserre les cordons de la bourse.
Au Royaume-Uni, jusqu'à présent, avec le programme de chômage partiel mis en place au début de la crise, un employé pouvait toucher jusqu’à 80 % de son salaire tout en restant chez lui. À partir du mois prochain, il devra travailler au moins un tiers de ses heures habituelles, l'État assurera 22% de son salaire et l’employeur 55%. "À mesure que l'économie rouvre, il est fondamentalement erroné de garder les gens dans des emplois qui n'existent que grâce au chômage partiel, a indiqué le ministre des Finances Rishi Sunak. Nous devons créer de nouvelles opportunités et permettre à l’économie de progresser, ce qui signifie aider les gens à occuper des emplois viables qui offrent une véritable sécurité."
Le plan de chômage partiel a déjà coûté 190 milliards de livres à l'État. Le gouvernement réduit la voilure. Mais on sait que cela veut dire des licenciements à venir en grand nombre dès le mois de novembre. Pourtant, même avec cette enveloppe limitée, le gouvernement est critiqué par certains conservateurs qui craignent une hausse des impôts pour compenser les dépenses.
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