"Nous sommes face à une société de défiance", estime le politologue Pascal Perrineau
Le "baromètre de la confiance politique" du CEVIPOF (Centre d'étude de la vie politique française) publié mercredi montre une défiance grandissante des Français envers le politique. Au point que le directeur du Cevipof parle de "société de défiance".
Pascal Perrineau, directeur du Centre d'étude de la vie politique française (Cevipof), un organisme de recherche qui dépend de l'Institut d'études politques de Paris, a présenté, mercredi, les résultats de la 3e vague d'une enquête baptisée "Baromètre de la confiance politqiue". Il en resort une défiance accrue de l'opinion à l'égard des décideurs, terme pris au sens large.
Quelques exemples de cette défiance montrée par l'enquête du Cevipof (menée chaque année depuis 2009) :
- 83% (+2 points par rapport à 2009) des Français interrogés estiment que les "responsables politiques se préoccupent peu ou pas du tout de ce que pensent les gens" ;
- 60% (+3 points par rapport à 2010) pensent que "la démocratie fonctionne pas très bien ou pas bien du tout" ;
- 13% (chiffre stable) disent avoir confiance dans les partis politiques ;
- 69% (+5 points par rapport à 2010) pensent que les "élus et dirigeants politiques sont plutôt corrompus".
Ces chiffres montrent que "la crise de la représentation reste majeure", note M. Perrineau.
Poussée du protectionnisme
Cette défiance ne touche pas que les politiques : la confiance dans les médias ne cesse de reculer (23% en 2011, contre 30% en 2009) tout comme dans les entreprises privées ou les grandes institutions internationales (G20, OMC…).
L'enquête du Cevipof montre cependant que malgré cette défiance généralisée, qui touche tous les aspects de la société (politiques, économiques et sphère privée), certains éléments donnent des pistes d'espoir. C'est ainsi que:
- 60% (+2 points par rapport à 2010) des personnes interrogées affirment s'intéresser "beaucoup ou assez à la politique";
- ils ne sont plus «que» 52% (- 8 points par rapport à 2009) à dire n'avoir "confiance ni dans la droite ni dans la gauche";
- Ils sont 27% (+ 12 points par rapport à 2009) à avoir "confiance dans la gauche". Il faut souligner que l'enquête a été menée pendant la primaire socialiste.
La méfiance envers le politique et l'économique se traduit par une demande d'intervention de l'Etat et une poussée du protectionnisme :
- 49% des personnes interrogées (+ 9 points par rapport à 2009) souhaitent que "le capitalisme soit réformé en profondeur (4% qu'il ne soit pas réformé);
- 44% (+ 14 points par rapport à 2009) pensent que "la France doit se proteger davantage".
- Elles sont 73% (+ 17points par rapport à 2009) à être "tout à fait ou plutôt d'accord que pour rétablir la justice sociale il faudrait prendre aux riches pour donner aux pauvres".
Ces différentes réponses montrent que "le climat protestataire reste élevé", note M. Perrineau.
" Il y a une véritable dynamique Marine Le Pen"
Pour le directeur du Cevipof, "Marine Le Pen a bien senti ce climat protestataire et cet appel à plus de protection. Cela s'est traduit dès son discours lors du congrès de Tours" (en janvier 2011 quand elle est devenue présidente du FN). Ce positionnement est confirmé par l'enquête. C'est elle qui obtient la meilleure "note", 35%, à l'affirmation : "IL/Elle comprend les problèmes des gens comme vous".
Mme Le Pen se place devant François Hollande et François Bayrou (33% chacun) ainsi que Nicolas Sarkozy (21%).18% des personnes interrogées disent qu'elles "n'avaient pas confiance en elle mais elle a gagné votre confiance", score en progression de 4 points. "Il y a une véritable dynamique Marine Le Pen, note M. Perrineau qui précise que cette dynamique est sensible chez "les ouvriers, les tenants d'un vote protestataire, les électeurs de Sarkozy".
En revanche, la gauche de la gauche ne semble pas profiter pour l'instant du pessimisme des Français et de leurs critiques du système. 66% des personnes interrogées affirment n'avoir "jamais eu confiance" en Jean-Luc Mélénchon (même chiffre que Marine Le Pen). M. Perrineau tente une explication sur le fait que "Mélenchon ne décolle pas en terme de votes ou d'image. Il y a un problème de confiance. C'est peut-être le fait que la gauche de la gauche est associée à la gauche et que celle-ci dans les années 1990 n'a pas répondu aux attentes".
Le chef de l'Etat en difficulté
Sur le président sortant, l'enquête montre une importante défiance. Les personnes affirmant avoir perdu leur confiance en M. Sarkozy sont passées de 19% à 24% en deux ans. Le président a perdu, précise M. Perrineau, "auprès des catholiques, des personnes âgées, des travailleurs indépendants et des électeurs du Modem et du FN".
"Même si on ne vote pas forcement pour les gens qu'on aime", le directeur du Cevipof note que M. Sarkozy est "sanctionné par le cœur de cible de l'électorat conservateur. La confiance en Nicolas Sarkozy est perdue des deux côtés de son électorat, à droite et au centre".
"Le scénario 2002 (à l'envers) n'est pas impossible", conclut M. Perrineau. Surtout que le contexte d'un référendum en Grèce pourrait rappeler "l'importance du non de 2005".
Enquête réalisée entre le 27 septembre et le 13 octobre 2011 auprès de 1559 personnes représentatives de la population française âgée de 18 ans et plus et inscrite sur les listes électorales. Echantillon intérrogé en ligne sur système Caxi par OpinionWay.
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