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Ruth Elkrief placée sous protection policière, un dispositif rare mais pas exceptionnel pour les journalistes

Si le ministère de l'Intérieur refuse de communiquer le nombre précis de journalistes sous protection policière, avant la journaliste, d'autres avaient aussi bénéficié de ce dispositif.
Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Ruth Elkrief en 2021 sur le studio de LCI. (STEPHANE DE SAKUTIN / AFP)

Elle se dit "blessée" comme "femme journaliste". Ruth Elkrief est désormais sous protection policière après avoir été vivement critiquée par Jean-Luc Mélenchon sur X. À la suite d'échanges tendus dimanche 3 décembre sur LCI entre Ruth Elkrief et le coordinateur de LFI Manuel Bompard sur le Proche-Orient, le leader insoumis a accusé la présentatrice d'être une "manipulatrice" et une "fanatique" qui méprisait les musulmans.

Lundi, sur LCI, la journaliste a rappelé l'importance à ses yeux de "se définir par sa citoyenneté et non par sa religion ou ses origines et de ne pas y être renvoyée par les autres", avant de confier qu'elle avait été "élevée au Maroc, dans la connaissance et l'affection intime pour les traditions culturelles et cultuelles, juive, musulmane et chrétienne". 

C'est le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin qui a placé Ruth Elkrief sous protection policière, jugeant que Jean-Luc Mélenchon lui avait mis "une cible dans le dos", alors que se sont multipliés les actes antisémites en France depuis l'attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre. Si ce dispositif est rare, il n'est pour autant pas exceptionnel pour les journalistes. 

Charlie Hebdo, Ophélie Meunier, Martin Boudot...

Car si la France n'est pas classée par Reporters sans Frontières comme un pays particulièrement dangereux pour les journalistes, Ruth Elkrief n'est pas la première à bénéficier des attentions du service de protection des personnalités.

Les membres de la rédaction de Charlie Hebdo par exemple le sont depuis l'attentat en 2015. La présentatrice de M6, Ophélie Meunier, avait aussi dû être protégée en février 2022, après avoir reçu des menaces de mort suite à un reportage sur l'islamisme à Roubaix. Autre exemple, début 2023 : Martin Boudot, le journaliste et réalisateur de documentaire qui s'intéresse particulièrement aux dossiers environnementaux, a eu, lui aussi, droit à une protection policière. Il avait reçu des menaces de mort de celui que l'on surnomme le "prince du carbone", Cyril Astruc, recherché par Interpol pour avoir détourné plusieurs milliards d’euros.

À ce jour, en France, impossible de savoir combien de journalistes au total bénéficient de ce type de protection. Le ministère de l'Intérieur ne veut pas communiquer ces données. En juillet 2021, 50 personnalités issues de la société civile étaient sous protection policière, des journalistes mais pas seulement. Seule information communiquée : ce chiffre a "nettement" augmenté depuis.

Le ministère de l'Intérieur ne veut pas dévoiler les critères de placement sous protection

Comment ces protections sont-elles décidées ? Sur quels critères ? Là encore, le ministère de l'Intérieur n'a pas répondu à nos demandes. Mais on sait par exemple que, pour la journaliste Morgan Large qui enquête en Bretagne sur le secteur de l'agroalimentaire et dont le véhicule a été saboté à deux reprises, une demande de protection a été refusée. Très officiellement, les évaluations des services de lutte antiterroriste ont conclu "à une absence de menace susceptible de justifier la mise en place d'une protection rapprochée". De leur côté, à l'époque des faits, Reporters Sans Frontière affirmait qu'"on ne voit ce type d'intimidations que dans les Balkans".

Après plusieurs demandes, Morgan Large, qui a déposé une nouvelle plainte en mars 2023 dont elle est d'ailleurs sans nouvelle, a obtenu d'être inscrite sur le fichier SIP. En cas d'appel au 17, les gendarmes ont ainsi directement accès au dossier de la personne menacée. Après avoir déménagé, par sécurité, la reporter est désormais domiciliée au centre communal d'action sociale de sa commune.

Chez StreetPress, média indépendant spécialisé entre autres dans l'investigation sur les violences policières et le suivi de l'extrême droite et qui reçoit de nombreuses menaces de mort de groupes d'extrême droite, pas de protection policière annoncée non plus. Là encore, c'est Reporters Sans Frontière qui apporte son soutien. L'ONG demande à la justice de mener une enquête rigoureuse et de condamner les auteurs.

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