Qu'est-ce que le journalisme de données à la Wikileaks ?
Le journalisme de données, ou l'art de livrer des données brutes. En vrac -comme chez Wikileaks- et l'internaute doit se débrouiller avec, ou en schémas, infographies, tableaux, graphiques, souvent très designs, parfois illisibles.
Principal intérêt de ce cyber-journalisme de données, l'exhaustivité. Impensable de publier sur papier 250.000 documents à la chaîne, fussent-ils relativement succincts comme des "télégrammes diplomatiques". Seul internet permet techniquement de diffuser d'un bloc une quantité aussi insondable d'informations, comme celles livrées par Wikileaks sur son site dédié cablegate.wikileaks.org et classées par date, par genre, par mot clé ou par catégorie (secret défense, confidentiel, déclassifié, etc).
Autre intérêt majeur : la transparence, assurée par le nombre. Sans tri, sans filtre, l'information est supposée brute et objective. Wikileaks s'autoproclame ainsi "service public du renseignement", dévoilant ce que le citoyen ne saurait lire sans lui.
Mais, que peut faire de cette exhaustivité et de cette transparence le lecteur de presse lambda ? Livrer 250.000 documents ne suffit pas à éclairer le néophyte. Au contraire. L'information apparaît dans toute sa complexité, sa densité, et s'en trouve illisible. Est-ce alors encore du journalisme ?
Le Monde chargé par Wikileaks (comme El Pais, le New-York Times , The Guardian, Der Spiegel) de "traiter" ces télégrammes, répond en partie à la question : "Transparence et discernement ne sont pas incompatibles", écrit-il, en soulignant que c'est bien ce qui le "distingue de la stratégie de fond de Wikileaks". D'ailleurs, c'est sans doute parce que son travail de mise à disposition des données ne pouvait se suffire à lui-même que Wikileaks a transmis ces données à ces grands journaux. Pour faire œuvre de tri, de mise en perspective. À Wikileaks, la transparence, au Monde et ses partenaires, le discernement. Et la mise en forme...
Car, le journalisme de données, c'est aussi cela. La mise en image de données brutes, voire uniquement chiffrées. Comment rendre directement appréhendable une masse d'informations, sinon par un schéma, une carte, un diagramme, autant de versions élaborées de nos premières "patates" à l'école maternelle. Des télégrammes de Wikileaks, par exemple, The Guardian a fait une carte interactive
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Quelques exemples de data journalism
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Le site Owni qui se dit crânement "éleveur de datas depuis 1664", soit plus sérieusement "leader en datajournalism en France depuis 2009", met ainsi l'information en scène de manière très graphique, avec par exemple sa carte dynamique des blocages pendant les grèves contre la réforme des retraites. C'est aussi lui qui avait créé l'application permettant de visualiser les Warlogs de Wikileaks, c'est-à-dire les 400.000 rapports de l'armée américaine sur l'Irak livrés en octobre dernier.
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Autre exemple qui fait référence : la carte new-yorkaise du crime. Le New-York Times a compilé les chiffres de la police municipale et localisé depuis 2003 tous les crimes commis dans la ville. L'internaute peut alors faire une -sinistre- recherche des homicides près de chez lui, par arme utilisée, par origine ethnique des victimes et des coupables, par sexe ou par rue.
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Enfin, c'est Le Guardian qui a poussé le principe jusqu'à transformer la question cruciale de la réduction des dépenses publiques, en un jeu pour ses internautes. Il est intitulé "c'est vous qui faîtes les coupes". Les lecteurs sont invités à "tailler" eux-même dans le budget de l'État britannique, poste par poste, en cliquant sur des rectangles de couleur.
Peut-on dès lors résumer l'information à ces seuls visuels ? Verra-t-on un jour l'actualité traitée uniquement en graphiques, diagrammes interactifs ou bases de donnée ? Qui l'emportera du journalisme "de faits" à l'anglo-saxonne, virant data-journalisme, ou du journalisme "littéraire" à la française ? Quand ce débat sera trancher, il est à craindre en tout cas que le lecteur lambda soit bien loin d'avoir terminé d'éplucher les 250.000 et quelques documents mis en ligne par Wikileaks.
Cécile Quéguiner
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