Les murs "de la honte" et "de l'espoir" du journal "L'Union" permettent de "mettre les gens face à leurs responsabilités"
L'historien des médias Patrick Eveno est revenu, jeudi pour franceinfo, sur le "mur de la honte", qui compilait des messages homophobes, et le "mur de l'espoir", regroupant des messages de soutien, parus dans le quotidien "L'Union-L'Ardennais".
En deux jours, le quotidien L'Union – L'Ardennais a publié deux "murs" dans ses pages. Celui "de la honte", paru mercredi 23 novembre, collecte des commentaires homophobes laissés par les internautes afin de les dénoncer. L'autre "de l'espoir", exposé le lendemain, réunit les commentaires laissés par des internautes choqués par l'homophobie. "Ça permet de mettre les gens face à leurs responsabilités", a estimé l'historien des médias, Patrick Eveno, jeudi sur franceinfo.
franceinfo : Ce genre d'initiative, qui consiste à publier des commentaires de lecteurs dans un "mur de la honte", est-il courant dans la presse ?
Patrick Eveno : Ce n'est pas courant, mais ça a déjà existé, par exemple Nord Littoral l'a fait à propos des migrants de Calais. Ce n'est pas une démarche courante, mais les journaux, et particulièrement les quotidiens régionaux, qui ont quasiment le monopole sur leur région, sont des moyens de former du lien social. Hors, les réseaux sociaux sont actuellement un moyen de casser le lien social. Les gens se croient entre amis, dans leur salon ou au café du commerce, à discuter entre eux, et en fait ils publient, soit sur les réseaux sociaux, soit sur des sites de journaux, des choses qui ne devraient pas sortir du cercle de l'intime. Les pensées de ce type-là, ce sont des pensées que les gens peuvent avoir, mais qui ne doivent pas aller au-delà des murs du salon ou de la cuisine.
Les publier, c'est les remettre dans un certain contexte ? C'est mettre les personnes face à leurs responsabilités ?
Oui c'est ça. Ça permet de mettre les gens face à leurs responsabilités, ça permet aussi de retisser du lien au sein de la communauté régionale couverte par le journal, parce que ça permet de dire : vous voyez, il y a des gens qui sont pour, il y a des gens qui sont contre, peut-être qu'on pourrait se parler un petit peu plutôt que de s'insulter en permanence.
Comment les lecteurs perçoivent-ils ce genre d'initiative dans les médias ?
Une partie des lecteurs trouve que c'est tout à fait bien que le journal prenne position sur des questions qui sont des questions d'humanisme, qui sont des questions de liberté. Et puis, évidemment, il y aura toujours une partie des lecteurs qui trouve que [les journalistes] prennent position et qu'ils défendent une communauté plutôt qu'une autre. C'est évidemment une affaire d'opinion. Et quand c'est une affaire d'opinion, on ne peut pas empêcher les gens de penser ce qu'ils veulent.
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