Cet article date de plus de dix ans.

"La chute de la France" : les cinq erreurs de "Newsweek"

Dans un article décrivant le déclin de l'Hexagone, une journaliste américaine multiplie les aberrations. Francetv info corrige la copie.

Article rédigé par Nora Bouazzouni
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des souvenirs de Paris sur un étal de la capitale. (JAN TOVE/JOHNER RF/GETTY IMAGES)

Crèches gratuites, litre de lait à 5,8 euros, population taxée à 70%… Dans un article intitulé "The Fall of France" (La chute de la France) et publié vendredi 3 janvier sur le site de l'hebdomadaire Newsweek, la journaliste américaine Janine di Giovanni enchaîne les erreurs factuelles sur l'Hexagone et pratique le french-bashing sans citer ses sources.

Une vérification s'impose : francetv info s'y colle.

1"Un demi-litre de lait coûte 2,9 euros à Paris"

Les Français dépenseraient donc 5,8 euros pour s'acheter un litre de lait. Vraiment ? Même en faisant ses courses à Monoprix, en moyenne 13% plus cher que les grands distributeurs, on trouve du lait demi-écrémé à 65 centimes le litre. Le plus cher ? Du lait bio à 3,05 euros.

Mais comme Janine di Giovanni s'est expatriée dans le coin le plus cher de la capitale, le 6e arrondissement, on peut imaginer qu'elle fasse ses courses à l'exorbitante Grande épicerie du Bon Marché, où seul un lait de croissance bio approche son estimation.

2"Les couches sont gratuites, les crèches aussi"

On ignore dans quel pays les jeunes parents peuvent changer leur enfant et le faire garder aux frais de la princesse, mais la France n'est pas cet eldorado. Certes, on les paie en fonction de ses revenus, mais aucune crèche n'est gratuite dans l'Hexagone – "même si les aides de la CAF peuvent, pour les plus modestes, prendre en charge une grande partie du coût", rappelle Le Monde.

En ce qui concerne les gardes d'enfants, les parents peuvent effectivement bénéficier d'une réduction ou d'un crédit d'impôt, que la nounou travaille à leur domicile ou en-dehors. Mais dans une certaine limite. Autre aberration de la journaliste américaine, les "deux consultations par semaine chez le kiné, prises en charge par l'Etat, pour retrouver un ventre plat après la grossesse" dont Janine di Giovanni affirme avoir profité. Pense-t-elle que son périnée, dont la rééducation peut, elle, être prise en charge par la Sécu, se situe au niveau des abdos ?

3"Le taux supérieur [d'imposition] est de 75% et un grand nombre de Français paient plus de 70%"

Raté. En France, le seuil maximal d'imposition est de 45% pour les revenus supérieurs à 150 000 euros, comme le montre ce barème officiel. Et depuis 2012, une taxe exceptionnelle de 3 ou 4% est demandée aux contribuables déclarant plus de 250 000 euros (500 000 euros pour un couple). Mais on est loin du chiffre avancé.

Et la fameuse taxe à 75% sur les revenus supérieurs à un million d'euros ne concerne désormais que les entreprises. Elle sera mise en pratique pendant deux ans, sur les rémunérations de 2013 et 2014 et concernera environ 470 entreprises et 1 000 dirigeants ou salariés.

4"Où sont les Richard Branson, les Bill Gates français ?"

Janine di Giovanni déplore l'absence d'entrepreneurs en France – excepté le "visionnaire" Christophe de Margerie, PDG de Total. Une entreprise du CAC40 qui délocalise son service trésorerie au Royaume-Uni, qui n'a pas payé d'impôts pendant de nombreuses années en France et qui a abandonné en 2011 une "niche fiscale" pour améliorer son image.

Le Bon Coin, Ubisoft, Vente-Privée, Viadeo, Deezer, auFeminin.com, Free, Meetic ou encore Dailymotion : la France a bel et bien un mot pour "entrepreneur", si si.

5"Il existe trente-six régimes spéciaux de retraite"

Faux. Il y en a une dizaine, une quinzaine si l'on distingue cadres et non-cadres, comme l'indique le site info-retraite.

Et la journaliste américaine d'illustrer ces régimes spéciaux : "Une employée de service hospitalier ou un conducteur de train peuvent prendre leur retraite plus tôt que ceux du secteur privé en raison de la 'pénibilité de leurs conditions de travail', bien qu'ils ne peuvent être licenciés." Les fonctionnaires hospitaliers peuvent en effet partir avant 62 ans mais seulement s'ils réunissent certaines conditions. Les seconds prennent leur retraite à 50 ans, mais les âges d'ouverture du droit à pension doivent augmenter à compter de 2017 pour atteindre 52 ans. En revanche, l'un comme l'autre peuvent être licenciés pour faute.

Commentaires

Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.