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"Chaque jour je devais faire preuve de persuasion", raconte Guy Lagache, auteur d'un documentaire en immersion avec Emmanuel Macron

Article rédigé par Isabelle Malin
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Emmanuel Macron, sur le perron de l'Elysée, le 3 juin 2022.  (XOSE BOUZAS / AFP)

Le journaliste réalise "Un président, l'Europe et la guerre" diffusé jeudi 30 juin sur France 2.

Dans les pas du chef de l'Etat, confronté à une guerre aux portes de l'Europe. Le journaliste Guy Lagache a pu suivre Emmanuel Macron et ses conseillers diplomatiques et ainsi réaliser le documentaire Un président, l'Europe et la guerre, diffusé jeudi 30 juin sur France 2 à 21h10. Alors que son projet initial était de raconter de façon "pédagogique" le fonctionnement de l'Europe, à l'occasion de la présidence française du Conseil de l'Union européenne, l'invasion de l'Ukraine plonge le journaliste au cœur d'une crise diplomatique et d'un conflit d'une ampleur inédite depuis la Seconde Guerre mondiale. Seul avec sa caméra, il révèle l'extrême complexité de l'exercice du pouvoir.

Franceinfo : Comment est né votre désir de suivre Emmanuel Macron à la tête de la présidence du Conseil de l'Union européenne ? 

Guy Lagache : Ce qui me semblait intéressant en tant que citoyen, et pas seulement en tant que journaliste, c'était de comprendre comment fonctionne une Europe qui m'a toujours semblé complexe, technique, lointaine. Il y a un réel besoin de pédagogie sur la problématique européenne. J'avais envie de prendre un sujet aride et de le rendre intéressant et accessible à tout le monde. Je savais qu'à partir du 1er janvier et jusqu'au 30 juin, la France allait prendre la présidence du Conseil de l'Union européenne. J'ai contacté l'Elysée au mois de novembre dernier pour leur faire part de mon projet.

"Je voulais raconter comment cette présidence française s'y prendrait si elle se trouvait confrontée à une crise."

Guy Lagache, réalisateur d'"Un président, l'Europe et la guerre"

à franceinfo

Parce que si l'on regarde les vingt dernières années, nous sommes confrontés tous les six mois à des crises en Europe, à l'image de la crise entre la Pologne et la Biélorussie ou le Brexit.

L'Elysée a trouvé l'idée intéressante. J'ai donc commencé à tourner début janvier en filmant moi-même. Je ne suis pas cadreur, je n'ai jamais cadré de ma vie, mais c'était un moyen de m'immerger en étant le plus discret possible dans la vie des conseillers et conseillères du président de la République qui sont en charge des sujets diplomatiques. Et puis petit à petit, les bruits de bottes à la frontière de l'Ukraine ont résonné de plus en plus fort. Cette crise s'est imposée de plus en plus dans l'agenda, et de ce fait elle est devenue le sujet principal du film. J'ai toujours eu en tête de raconter cette guerre sur le temps long pour essayer de comprendre la complexité du politique face au réel.

Le fait que la guerre éclate n'a-t-il pas restreint votre marge de manœuvre 

Quand vous avez un accès de principe, cela ne veut pas dire que vous avez accès à tout. Ce n'est pas "open bar". Avec ou sans la crise, mais évidemment de façon plus évidente avec la crise, je souhaitais faire preuve de pédagogie et c'est ce que j'ai défendu auprès des équipes du président de la République. Il fallait qu'une relation de confiance puisse se créer, car c'est un sujet extrêmement sensible. Je n'étais pas dans une logique de news, dans une logique de magazine, et c'est très important de le faire comprendre. Je sais la gravité de la situation que je suis en train de filmer, on est dans un moment historique qui est l'un des événements les plus graves que nous avons connus depuis 1945. Evidemment, on ne m'a pas tout laissé filmer.

"Chaque jour, je devais faire preuve de patience, de persuasion, de compréhension, de ténacité également et puis d'attente, d'attente et d'attente."

Guy Lagache, réalisateur d'"Un président, l'Europe et la guerre"

à franceinfo

Cela a pris énormément de temps avant que l'Elysée ne comprenne mon axe.

Comment avez-vous pu filmer cette conversation entre Emmanuel Macron et Vladimir Poutine ?

Emmanuel Macron tire un fil diplomatique. Le 7 février, il passe près de six heures avec Vladimir Poutine à Moscou. Et il me semblait important d'expliquer ce qu'il se passait dans ces conversations, car on avait du mal à comprendre. La presse s'interrogeait beaucoup sur ce que signifiait d'avoir une discussion avec Vladimir Poutine et les risques qui pouvaient en découler. Et là on voit que c'est une discussion très robuste.

"Je voulais montrer que l'axe d'Emmanuel Macron était de tout faire pour empêcher la guerre, il était totalement dans son rôle de médiateur, et c'est sur cette base là que j'ai pu filmer cette conversation."

Guy Lagache, réalisateur d'"Un président, l'Europe et la guerre"

à franceinfo

Pour autant, je n'ai pas pu tout capter, il y a beaucoup de choses que je n'ai pas pu filmer. Mais à la fois, il était extrêmement important pour moi de ne pas divulguer des informations à caractère confidentiel, classifiées secret défense. C'était une affaire de responsabilité face à la gravité de la situation.

Qu'est-ce qui vous a le plus marqué pendant ces six mois ? 

Cela peut paraître être un lieu commun, mais ce que j'ai trouvé de très intéressant, c'est ce que cela signifie d'être confronté au réel lorsque l'on est politique ou diplomate. Ce qui m'a passionné, encore une fois, c'est l'exercice du pouvoir et sa complexité. Surtout à l'échelle européenne. Nous avons vingt-sept pays qui forment une union avec vingt-sept histoires et cultures différentes. Ces pays ont des rapports, avec la Russie, qui ne sont pas du tout les mêmes en fonction de là où ils sont situés géographiquement. Cela m'a passionné de voir comment une crise comme celle-ci permet de faire l'unité avec des pays aux intérêts divergents, et pour lesquels les conséquences de cette guerre ne sont pas du tout les mêmes. 

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