Lourdes sanctions pour le "cartel des panneaux routiers"
Etre des bons vivants comporte quelques risques... judiciaires. Les dirigeants de huit sociétés spécialisées dans la signalisation routière verticale, autrement dit, les panneaux routiers, peuvent en témoigner. La note finale d'un repas qu'ils ont pris ensemble, en mars 2006, dans un grand restaurant parisien s'avère en effet plutôt salée : 52,7 millions d'euros d'amende, au nom de l'Autorité française de la concurrence.
La perquisition menée dans l'établissement entre la poire et le fromage s'est révélée copieuse : l'Autorité, qui soupçonnait une entente entre les fabricants, a mis la main sur les ordinateurs et la documentation des happy members de ce club très fermé. Et ce qu'elle a découvert dépassait ses espérances.
Les enquêteurs ont tout simplement mis la main sur la “bible” de cette “Entente cordiale” du panneau routier. Tout y était : les noms, les règles à respecter, les sanctions prévues, et tout ce qu'il fallait savoir sur la répartition des juteux marchés entre amis.
SURFACTURATIONS
La feuille de match ne manque pas de piquant, puisqu'on y retrouve à peu près tous les acteurs, qui se répartissaient depuis près de dix ans la “quasi-totalité des marchés lancés par des collectivités publiques en France”, relate l'Autorité française de la concurrence. Les faits s'étalent de 1997 à 2006. Les principales entreprises du secteur sont impliquées, et payent les plus fortes amendes : Signature, filiale de Plastic Omnium, écope de 18,4 millions d'euros, et Aximum, qui appartient au groupe Bouygues, devra s'acquitter de 17,6 millions.
Etat, collectivités locales, société d'autoroutes, et donc contribuables, tout le monde a été plumé par les compères. L'entente entre les fabricants permettait de fausser la concurrence et de surfacturer les prestations.
_ Comme dans toute mafia qui se respecte, pas question de faire n'importe quoi. La “bible” établissait des règles très sophistiquées. La répartition des marchés avait lieu lors de réunions régulières. Les prix étaient eux aussi fixés, jusqu'au montant des ristournes possibles pour les clients. Les membres avaient aussi fixé une “liste noire” pour qu'aucune relation ne soit entretenue avec certains revendeurs. Les documents internes fixaient aussi des compensations en cas de litige, essentiellement quand la collectivité qui avait lancé un appel d'offre attribuait le marché à une autre entreprise que celle qui avait été désignée par le cartel.
Dans son communiqué, l'Autorité insiste sur le fait que les collectivités victimes de ces abus ont le droit de demander réparation de leur préjudice. Curieusement, personne ne s'est manifesté pour l'instant.
Grégoire Lecalot
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