La monnaie chinoise a atteint son plus haut niveau en cinq ans vis-à-vis du dollar lundi
La Chine avait annoncé samedi sa décision de favoriser une plus grande souplesse dans la fluctuation du yuan. En clair, cela pouvait signifier que Pékin pourrait accepter de voir sa monnaie monter par rapport au dollar.
Pékin s'était cependant attaché à relativiser cette annonce.
Pourtant, les annonces du week-end ne se sont traduites par aucune mesure immédiate: la Banque centrale a notamment gardé lundi le même cours pivot entre yuan et dollar que vendredi. Une fois ce cours quotidien fixé, le yuan est autorisé à fluctuer vis-à-vis du dollar dans une bande de plus ou moins 0,5%.
Certains analystes ont mis l'accent sur le côté "effet d'annonce" des déclarations de la Banque centrale, une semaine avant le sommet du G20 les 27 et 27 juin à Toronto. La Chine est en effet soumis à d'intenses pressions en ce sens de la part de ces principaux partenaires commerciaux, Etats-Unis d'abord, Europe ensuite.
Satisfaction avant le G20
Barack Obama et le secrétaire au Trésor américain Timothy Geithner avaient aussitôt salué samedi la décision chinoise, soulignant qu'elle pouvait apporter une contribution "positive" à la croissance mondiale. "Nous saluons la décision de la Chine de renforcer la souplesse de son taux de change", avait déclaré Timothy Geithner. De son côté, Nicolas Sarkozy avait jugé les dernières déclarations officielles chinoises "encourageantes".
Le directeur général du Fonds monétaire international (FMI), Dominique Strauss-Kahn, avait également jugé samedi "très encourageante" cette décision chinoise. "Un renminbi (autre nom de la monnaie chinoise) plus fort est conforme aux conclusions du processus d'évaluation mutuelle du G-20 devant être présentées à Toronto la semaine prochaine et contribuera à accroître les revenus des ménages chinois et à créer les incitations nécessaires pour réorienter les investissements vers des industries servant le consommateur chinois", avait ajouté Dominique Strauss-Kahn.
Ce déluge de réactions positives n'avait guère ému Pékin qui avait précisé que rien ne justifiait d'"importantes variations ou changements" dans le taux de change et répété qu'elle continuerait à gérer le taux de change flottant "à l'intérieur de la bande (de fluctuation) déjà annoncé". Dimanche, la banque centrale chinoise avait même douché l'enthousiasme de ceux qui voyaient déjà une réévaluation de la monnaie chinoise. Pékin exclut explicitement une réévaluation immédiate du yuan et ajoute que la devise n'est pas très éloignée de son niveau pertinent.
Les partenaires commerciaux de la Chine estiment que la sous-évaluation du yuan permet à Pékin de vendre ses produits exportés à bas prix, ce qui provoque un déséquilibre important du commerce mondial et des marchés financiers. Cependant la baisse de l'Euro a été peu appréciée par la Chine qui y a vu un moyen de limiter ses exportations et une trop forte réévaluation du yuan aurait des conséquences sur les avoirs chinois en dollars -quelque 2.400 milliards de dollars- (la Chine est en effet l'un des principaux acheteurs de bons du trésor américains).
La Chine a systématiquement repoussé les pressions des Etats-Unis, qu'elle renvoie à leurs propres responsabilités, soulignant que le taux de change de sa monnaie n'est pas responsable de leurs déséquilibres structurels. Depuis l'été 2008, le yuan fluctue dans une marge très étroite vis-à-vis du billet vert.
Pour le professeur de la Chinese University à Hong Kong, Willy Lam, "l'appréciation va être très limitée, au mieux 5% dans les douze prochains mois, donc pas à la hauteur des attentes".
Pressions américaines
"L'annonce de la Banque centrale reflète un fort désir d'éviter le conflit avec Washington", a relevé Andy Rothman, de CLSA (Credit Lyonnais Securities Asia).
Elle n'a cependant pas apaisé les parlementaires américains menant le combat contre la sous-évaluation du yuan. Le sénateur Charles Schumer a indiqué dimanche qu'il entendait faire avancer "dès que possible" un projet de loi en gestation visant à imposer des sanctions sur les importations chinoises. Les pressions se sont accrues alors que la troisième économie mondiale (la Chine) a retrouvé une forte croissance cette année et a vu ses exportations repartir à la hausse. En mai, son excédent commercial a atteint presque 20 milliards de dollars.
L'économie chinoise, presque totalement dépendante des marchés étrangers, avait fortement souffert de la crise de 2008-2009. En raison de la nature exportatrice de son économie, elle souhaite une grande stabilité économique, stabilité qui justifie, selon Pékin, l'alignement de sa monnaie sur le dollar. Reste à savoir de combien la monnaie chinoise pourrait se réévaluer par rapport au billet vert. Les économistes estiment que cela peut aller de 2 à 5%.
Une progression "naturelle"
La monnaie chinoise, au cours de ces dernières années, avait progressé régulièrement par rapport au dollar, signe du dynamisme de son économie. Entre 2005 et 2008, le Yuan progressait d'environ 5% par an par rapport au billet vert (+21% durant cette période), mais restait stable par rapport à l'Euro. C'est avec la crise brutale de 2008-2009 que la monnaie chinoise a arrêté sa progression et s'est arrimé au dollar.
Le débat sur la valeur du Yuan met en lumière un autre débat, celui sur la nature et la structure de l'économie chinoise. Celle-ci s'est montrée particulièrement fragile lors de la baisse de la demande extérieure née de la crise. C'est pourquoi en Chine même, un débat feutré semble opposer les tenants d'une économie exportatrice à outrance et ceux partisans d'une hausse de la demande intérieure et d'investissements plus centrés sur le marché chinois.
Premier exportateur mondial
Avec une progression de son commerce extérieur de 44,4% (en rythme annuel) en début d'année, la Chine confirme son nouveau rang de premier exportateur au monde, oubliant la mauvaise année liée à la crise. En 2009, la Chine avait détrôné l'Allemagne au classement des plus grands exportateurs mondiaux en totalisant 1200 milliards de dollars d'exportation.
Une hausse de la monnaie chinoise pourrait faciliter les importations chinoises, notamment de matières premières. La Chine est le deuxième consommateur mondial de pétrole derrière les Etats-Unis. La Chine est aussi le premier consommateur de minerai de fer, de cuivre et d'aluminium. Quand la Chine a relevé son taux de change en 2005, de 2,1%, les matières premières ont monté pendant plus d'un an après cette réévaluation, même si ce n'était pas totalement dû à la décision de Pékin.
Même une petite hausse du yuan pourrait permettre à la Chine d'économiser des milliards en coûts tout en entraînant un relèvement du volume de ses achats de matières premières.
L'an dernier, la Chine a dépensé 89 milliards de dollars à ses importations de pétrole, 50 milliards de dollars pour le minerai de fer et 29 milliards pour le cuivre. Une augmentation de 3% du yuan pourrait permettre au pays d'économiser cinq milliards de dollars (4 milliards d'euros) sur ces seules matières premières, rapportait l'agence Reuters.
Cette petite hausse de sa monnaie pourrait se révéler pour Pékin une excellente façon de juguler l'inflation née en partie de son excédent commercial.
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