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Face à la hausse du coût de la vie étudiante, des jeunes racontent leurs astuces pour s'en sortir face à des "prix aberrants"

Epiceries solidaires, loisirs sacrifiés, entraide... Trois étudiants racontent leurs difficultés, alors que le coût de la rentrée universitaire est en forte hausse cette année.
Article rédigé par Paolo Philippe
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4 min
Une femme manifeste contre la précarité étudiante, le 16 mars 2021 à Paris. (FLORENT VANNIER / HANS LUCAS)

"Je sais que ce n'est pas très écolo, mais je garde encore les tickets de caisse", même s'ils ne sont plus systématiquement imprimés depuis le 1er août. Rayan rit de ce détail, un peu moins de l'évolution des prix de ses produits favoris. Lait, céréales, yaourt blanc : ce grand sportif, qui entre en master de sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps) à Amiens (Somme), ressent l'inflation au quotidien et s'est tourné vers les épiceries solidaires. Un moyen pour lui d'économiser de l'argent, alors que les deux principales organisations étudiantes, la Fage et l'Unef, se sont alarmées d'une hausse considérable du coût de la rentrée universitaire.

"Je prends plein de choses et j'en ai pour deux euros. Une brique de lait me coûte 30 centimes, alors qu'un pack en magasin… Les prix sont aberrants, donc j'essaie d'anticiper, mais je ne prends que ce dont j'ai besoin en urgence", reconnaît Rayan, qui passe son été à travailler, histoire de "réduire les charges pour [ses] parents et de payer [son] loyer."

"Sacrifices sur l'alimentation"

Pour manger, Louison se tourne souvent vers l'économie de l'anti-gaspillage. "Je surveille Too Good to go [une application qui permet de récupérer les invendus de commerçants] ou Linkee, une association qui offre des paniers de légumes. Sinon, j'essaie d'aller voir en fin de journée au magasin Biocoop près de chez moi pour récupérer leurs produits qui vont périmer. Mais bon, cela prend du temps, et il faut oser", confie cette étudiante en troisième année d'assistante de service social, par ailleurs à la tête de Gaelis, une association qui vient en aide aux étudiants à Lyon.

Louison remarque d'ailleurs que "beaucoup font des sacrifices sur l'alimentation" en raison de la hausse des prix. Selon la Fage, les coûts liés à la nourriture atteindront 206,35 euros par étudiant pour le mois de septembre 2023. Soit une augmentation "de 15,34% par rapport à la rentrée 2022."

Etudiante en deuxième année de master information-communication à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), Léa confirme. "C'est très difficile de se faire plaisir si on ne veut pas faire exploser le budget. Tout devient vite cher, surtout si on regarde les grandes marques", raconte la jeune femme.

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Ses parades ? Les produits de saison, les invendus ou les produits "de moindre qualité puisque moins chers". Boursière, cette étudiante bénéficie des APL, et a la chance d'avoir des parents qui paient son loyer (qui représente 44,5% des frais de vie courante des étudiants selon la Fage). "Sans leur aide, je ne sais pas du tout comment je pourrais m'en sortir", explique Léa, qui est confrontée à de nombreuses charges (assurance, électricité, courses, transports...).

"Malgré les petites astuces de la bouillotte et des couches de vêtements supplémentaires, il fait assez froid dans mon appartement, qui est mal isolé. J'ai eu une régularisation de mes factures d'énergie de 135 euros et une augmentation d'environ 20 euros de mes mensualités."

Léa, étudiante à Clermont-Ferrand

à franceinfo

Rayan a lui vu son loyer de 400 euros augmenter de "20-25 euros à cause de l'électricité et de l'eau". Celui qui se destine à devenir entraîneur sportif va donc devoir faire des choix et des sacrifices. "Je vais retarder des petits plaisirs. Je vais souvent à l'escalade, où je prends un abonnement de 10 entrées, mais peut-être que là, je ne vais pas en faire pendant un certain temps", glisse-t-il.

Dealabs et partage de comptes Netflix

Rayan, d'ailleurs, a quelques petites astuces qu'il utilise au quotidien. "Il n'y a pas de petites économies alors maintenant, j'ai plein de cartes de fidélité. J'ai découvert Dealabs [un site qui partage des promotions et des bonnes affaires] et je vais chez Lidl." L'étudiant confie pourtant ne presque plus aller au cinéma, pense arrêter son abonnement au service de streaming musical Spotify et partage un compte Netflix avec des amis.

"Tout se calcule, tout se réfléchit. Il faut chercher les meilleurs prix, les meilleures alternatives, trouver des compromis, renoncer aussi parfois", explique de son côté Léa, qui tourne de plus en plus souvent le dos aux "achats plaisir". "Je me pose beaucoup plus la question de si j'en ai besoin, si c'est essentiel", explique-t-elle.

Pour Louison, il y a quand même "le plaisir du mois". "Je m'autorise quelque chose de plus spécifique : des vêtements, du fromage, une couleur de cheveux." Histoire, malgré tout, de garder le moral.

"On n'ose pas dire qu'on a besoin de quelque chose, qu'on veut de l'aide. Dans mon association, certains nous écrivent pour nous dire qu'ils sont mal à l'aise d'avoir recours aux épiceries solidaires, ils ont peur du regard des autres."

Louison, étudiante à Lyon et présidente de l'association Gaelis

à franceinfo

Face à la hausse du coût de la vie étudiante, la Fage s'inquiète d'une situation sociale des étudiants "qui se détériore considérablement". Elle plaide donc pour des "actions urgentes", parmi lesquelles "le gel des loyers et charges locatives des résidences Crous". L'Unef, de son côté, parle d'"un stade de précarité étudiante majeure qui s'installe dans le temps". Le syndicat réclame  notamment "une allocation d'autonomie à hauteur du seuil de pauvreté".

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