Paradis fiscaux : pourquoi Bercy veut rayer Jersey et les Bermudes de sa liste noire
Les deux pays y étaient pourtant entrés en août dernier. Mais selon le ministère de l'Economie et des Finances, ces îles ont fait des efforts de transparence.
Ils n'auront été sur la liste que quelques mois seulement. Le ministre de l'Economie, Pierre Moscovici, doit prochainement prendre un arrêté pour retirer Jersey et les Bermudes de la liste des noire des paradis fiscaux, rapporte Le Monde (article abonnés), jeudi 9 janvier. Les deux territoires y figuraient depuis le mois d'août 2013. Alors pourquoi un tel revirement ? Eléments de réponse.
Parce qu'elles ont fait des efforts
Avec ce retrait de la liste noire (où figurent encore le Botswana, le sultanat de Brunei, le Guatemala, les îles Marshall, les îles Vierges britanniques, Montserrat, l'île Nauru et l'île Niue), le gouvernement salue les récents efforts de Jersey et des Bermudes pour coopérer avec l'administration fiscale française sur des cas de fraude présumée de particuliers et d'entreprises. Selon Bercy, une quarantaine de dossiers d'évasion fiscale ont été relancés et la quasi-totalité des demandes ont obtenu des réponses.
"Même s'il n'a duré que très peu de temps, le fichage de ces territoires a eu de l'effet et démontré l'utilité de telles listes pour mettre la pression sur les Etats et faire progresser la coopération fiscale et la transparence", explique au Monde un collaborateur de Pierre Moscovici.
Parce que banquiers et assureurs ont fait pression
Mais ce ne sont pas ces seuls signes de bonne volonté qui poussent le gouvernement à retirer aussi vite ces deux territoires de la liste. Les banques et les assureurs français auraient poussé Bercy à la roue, tout comme les Bermudes et Jersey elles-mêmes. Car le fichage sur la liste noire, s'il dépasse les douze mois, prévoit une forte taxation pour les entreprises présentes sur ces territoires et les prive d'exonérations fiscales.
Pour les assureurs, les Bermudes sont incontournables. C'est en effet là que sont basées les principales sociétés de réassurance, qui couvrent les assureurs. Bon nombre de banques, comme BNP Paribas et la Société générale, sont quant à elles présentes à Jersey pour profiter des trusts, qui permettent de gérer des capitaux en gardant l'anonymat sur leurs propriétaires.
Parce qu'ils restent sous surveillance
Pas question pour autant de lâcher la bride, rassure le gouvernement. "La liste est établie en fonction de critères objectifs et lorsque ceux-ci sont remplis, il est de notre responsabilité d’en tenir compte, explique au Monde un membre du ministère de l'Economie et des Finances. Sortir un pays d'une liste ne veut pas dire que nous ne le surveillons plus."
Cela n'empêche pas le député PS Yann Galut, rapporteur du projet de loi contre la fraude fiscale, de s'interroger. "Ce retrait est quand même rapide. Même si ces pays font des efforts dans les cas d'entraide administrative, ils coopèrent peu ou prou sur le sujet fondamental des trusts, ces sociétés opaques qu'ils contribuent à créer par milliers sans qu'on sache qui les constitue. Il ne faudrait pas que cette décision ait valeur de légitimation de ces pratiques", explique-t-il au Monde. Il va donc demander des explications par courrier aux ministres de l'Economie et du Budget.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.