Les Suisses vont-ils supprimer la redevance audiovisuelle ? On vous explique le débat autour du "No Billag"
Dimanche, les Suisses sont invités à participer à un référendum pour ou contre la suppression de la redevance. Si ce projet aboutissait, il pourrait faire de la Suisse le premier pays d'Europe sans radio ni télé publiques.
Pour ou contre la suppression de la redevance audiovisuelle ? Les Suisses sont appelés à se prononcer sur le sujet. La majorité d'entre eux ont déjà voté par correspondance, les autres doivent se rendre aux urnes dimanche 4 mars, pour ce référendum lancé par le mouvement de jeunesse du Parti libéral-radical, un parti de droite, qui souhaiterait que la redevance soit supprimée. Le nom de l'initiative ? "No Billag", en référence à l'organisme qui récolte la taxe. Si ce projet aboutissait, il pourrait faire de la Suisse le premier pays d'Europe sans radio ni télé publiques.
La redevance en Suisse, ça représente quoi ?
La redevance audiovisuelle en Suisse est l'une des plus chères d'Europe. Elle s'élève à 451 francs suisses (soit 392 euros). Elle permet le financement du groupe audiovisuel suisse, la SSR, composé de 13 chaînes de télévisions régionales et de 21 chaînes de radio. Celles-ci émettent en quatre langues : l'allemand, le français, l'italien et le romanche. Son budget s'élève à 1,4 milliard d'euros, dont 75% dépendent de la redevance payée par les citoyens.
Qui demande sa suppression ?
Ce référendum d'initiative populaire a été proposé par des jeunes de moins de 30 ans issus de courants libéraux suisses. Nicolas Jutzet, 22 ans, étudiant en économie à l'université de Saint-Gall et responsable romand de la campagne, explique à La Croix la genèse de ce projet : "Trois jeunes du parti libéral radical, assis dans un bar en 2014, cherchent une thématique qui pourrait porter leurs idées."
Nous savions que notre proposition pouvait déclencher une bataille médiatique véhémente, sans pareille dans l'histoire politique suisse.
Christian Zulliger, à l'initiative de la campagnedans le journal "Le Temps"
En décembre 2015, ils ont réussi à transformer leur idée en référendum, après avoir recueilli 100 000 voix citoyennes pour appuyer leur démarche.
Si ses initiateurs sont proches du Parti libéral-radical, parti de droite, la proposition ne fait pas l'uninanimité au sein du parti qui s'est officiellement prononcé contre en septembre 2017, même si de nombreux élus disent aujourd'hui être pour la suppression de la redevance. Et les partisans de cette suppression ont reçu le soutien de l'UDC (Union démocratique du centre), parti populiste qui recueille habituellement près de 30% des suffrages.
Et pourquoi veulent-ils la supprimer ?
Les promoteurs de ce référendum estiment que la suppression de la redevance serait "bénéfique à la démocratie pour au moins deux raisons : elle rend (leur) indépendance (aux médias publics) et permet une diversification des acteurs dans le paysage audiovisuel", selon les termes utilisés par Alexandre Jöhl, membre des Jeunes libéraux-radicaux genevois, dans une tribune publiée par Le Temps. En clair, ils estiment que le financement public de la SSR induit une "concurrence déloyale sur le marché de l’audiovisuel" par rapport aux médias privés et qu'il conduit à une trop forte dépendance des médias publics vis-à-vis du monde politique. "La SSR est entravée dans son rôle de contre-pouvoir", écrit le jeune responsable politique.
Un autre argument tient au prix payé par chaque foyer suisse. Depuis les années 1990, la redevance a doublé, rappelle Le Temps, qui précise néanmoins qu'elle devrait baisser en 2019. Un coût parfois difficile à assumer par les classes moyennes. Enfin, les partisans de la suppression de la redevance estiment que se joue là un conflit de générations. Plus habitués à internet qu'à la télévision traditionnelle, ils se disent favorables à d'autres formes de paiement. Il faut "payer pour ce que l'on consomme", explique Nicolas Jutzet.
Quelles conséquences si elle disparaît ?
La victoire du "oui" au référendum de dimanche impliquerait de gros changements pour le groupe audiovisuel suisse qui emploie aujourd'hui environ 6 000 personnes. "La SSR devra rapidement cesser son activité", explique son porte-parole Daniel Steiner à l'AFP.
Sans redevance, il serait impossible dans un petit pays quadrilingue comme la Suisse d'avoir une offre audiovisuelle remplissant, ne serait-ce que partiellement, le même mandat de service public qu'aujourd'hui.
Daniel Steinerà l'AFP
Les autorités fédérales à Berne, qui soutiennent le maintien de la redevance, ont assuré "que beaucoup d'émissions, en particulier sur des thèmes politiques et sociétaux importants disparaîtraient" en cas de suppression de la taxe car "la publicité et le sponsoring ne suffisent pas en Suisse pour financer dans tout le pays des programmes diversifiés de bonne qualité".
La proposition risque-t-elle d'être adoptée ?
D'après les derniers sondages, la proposition pourrait bien être rejetée. La Tribune de Genève rapporte que deux sondages publiés le 21 février annoncent une victoire du "non" à 60% ou à 65%. Selon ces deux enquêtes d'opinion, entre 33 et 39% des sondés se prononceraient pour la suppression de la redevance.
Quoi qu'il en soit, les milieux intéressés n'ont pas pris la menace à la légère et le débat a fait rage en Suisse ces dernières semaines. Politiques, sportifs, cinéastes... Nombreux sont ceux qui ont pris la parole pour défendre la redevance et même le patron de la première banque suisse UBS a donné son avis.
La mobilisation a pris un caractère "exceptionnel" pour la Suisse, où l'abstention est très souvent le vainqueur des élections, estime le politologue Pascal Sciarini, de l'université de Genève, interrogé par l'AFP. Le débat pourrait désormais avoir lieu au Parlement, puisque l'Union démocratique du centre a proposé deux textes pour réduire le montant de la redevance et en exempter les entreprises, explique Le Temps.
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