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"Je suis une rescapée" : la descente aux enfers de Stéphanie Gibaud, qui a dénoncé le système de fraude fiscale d'UBS

Depuis qu'elle a alerté sur les pratiques d'évasion fiscale de la banque UBS, le quotidien de Stéphanie Gibaud est devenu invivable. Jeudi, elle doit faire face à un nouveau procès pour diffamation. 

Article rédigé par franceinfo - Licia Meysenq
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La lanceuse d'alerte Stéphanie Gibaud à Valence (Drôme), le 10 novembre 2016. ((CHRISTOPHE ESTASSY / CITIZENSIDE / AFP))

"Je suis fatiguée, choquée, mais déterminée. Ça suffit ces histoires." Dix ans après avoir révélé les pratiques d'évasion fiscale, de blanchiment et de fraude fiscale en bande organisée de la banque suisse UBS, Stéphanie Gibaud est catégorique : elle se battra jusqu'au bout, même si sa vie personnelle comme professionnelle est devenue un enfer. 

"Le quotidien des lanceurs d'alerte, ce sont les procès", confiait l'ancienne salariée de la banque à franceinfo en décembre 2016. Jeudi 2 février, elle comparaît à nouveau, à la suite d'une plainte en diffamation déposée par UBS. 

D'une vie rangée de cadre aux minima sociaux

En 2007, Stéphanie Gibaud est une cadre dynamique, qui mène une vie "normale", comme elle le raconte dans un billet de blog hébergé par Mediapart. "Je travaillais dans la communication, ça me plaisait car j'aime les gens. J'avais un environnement stable", se souvient-elle, interrogée par franceinfo. Dix ans plus tard, la quinquagénaire vit des minima sociaux et a dû vendre son appartement pour survivre.

Que s'est-il passé entre-temps ? En juin 2008, la supérieure hiérarchique de Stéphanie Gibaud lui ordonne de détruire des fichiers compromettants après une perquisition dans les locaux parisiens de la banque, sur laquelle pèsent déjà des soupçons. Elle refuse. Mise au placard, harcelée, elle finira par quitter UBS quatre ans plus tard. Non sans avoir révélé les pratiques d'évasion fiscale du géant suisse. A l'époque, explique-t-elle, les mots "lanceurs d'alerte" et "évasion fiscale" sont inconnus du grand public. Elle a alors le sentiment de ne faire "qu'un devoir citoyen". Mais est loin d'imaginer les épreuves qui l'attendent. "J'étais peut-être un peu naïve."

A la veille de son procès, et malgré le traumatisme psychologique, Stéphanie Gibaud s'accroche. Elle a raconté son histoire dans un livre, La femme qui en savait vraiment trop, paru en février 2014. Un ouvrage qui lui vaut la plainte en diffamation déposée par UBS. "Ils m'avaient déjà fait un procès avec le même chef d'accusation en 2010, je l'ai gagné." La quinquagénaire s'investit aussi dans la campagne du souverainiste Nicolas Dupont-Aignan, après avoir été tête de liste de Debout la France à Paris aux élections régionales de 2015. Ensemble, ils ont écrit une tribune dans L'Express pour dénoncer le manque de considération des lanceurs d'alerte. 

Placardisée et "moralement épuisée"

Mais Stéphanie Gibaud n'a pas retrouvé de travail. "J'ai envoyé des centaines de CV, tous sont sans réponse." Des refus qui ne se cantonnent pas au domaine bancaire. Il suffit de taper son nom sur Google pour que les références à son statut de lanceuse d'alerte apparaissent. "Les gens ont peur, ils se disent que je pourrais chercher à nuire à leur entreprise."

Elle a pourtant bataillé pendant quatre ans pour conserver son poste chez UBS après la fuite des documents, arrachant même une victoire aux prud'hommes en 2010. "J'ai été licenciée en 2012, moralement épuisée. Mon psychiatre m'a dit qu'il ne savait pas comment je pouvais être encore en vie vu tout ce que j'avais traversé." Car, durant ces quatre années, on lui fait vivre l'enfer : la direction lui reproche tout ce qu'elle fait, supprime le poste de son assistante, empêche ses collègues de rester proches d'elle... "J'ai été placardisée à un nouveau poste où je devais vérifier que les plantes étaient bien arrosées", soupire-t-elle. Elle gagnera un procès pour harcèlement moral en 2015.

"Ce combat a donné un sens à ma vie"

Si Stéphanie Gibaud est toujours en guerre contre son ancien employeur, elle est aussi en colère contre les institutions avec lesquelles elle a collaboré. "J'ai pensé qu'on me protégerait, cela n'a absolument pas été le cas, fulmine-t-elle. J'ai informé l'Etat et coopéré, sans statut ni protection, c'est inadmissible." Quand Michel Sapin, le ministre des Finances, la félicite sur le plateau de "Cash Investigation" pour avoir contribué à ramener dans les caisses de l'Etat douze milliards d'euros, elle ne peut s'empêcher d'être amère.

"Je suis une rescapée. C'est moi et moi seule qui ai porté plainte contre UBS en 2009, j'ai été la seule à ne pas être entendue par le juge d'instruction." Même si des progrès ont été faits, notamment avec l'affaire Snowden, en 2013, Stéphanie Gibaud continue de militer : "J'utilise les compétences que j'avais dans mon ancien métier pour sensibiliser les gens à la condition des lanceurs d'alerte."

Et elle reste optimiste : "Il y a dix ans, j'étais seule. Désormais, je suis très entourée. J'ai le soutien d'associations, de personnalités et d'étudiants." "J'ai été mise sur cette route malgré moi, conclut-elle, mais ce combat a donné un sens à ma vie."

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