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L'accueil d'urgence en détresse à Clermont-Ferrand, à qui la faute ?

Chaque année, c'est la même rengaine : il manque des places d'hébergement d'urgence. A Clermont-Ferrand, 360 personnes ont dû quitter les hôtels qui les accueillaient, faute de financement des pouvoirs publics. L'arbre qui cache la forêt.

Article rédigé par Tatiana Lissitzky
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
A Clermont-Ferrand, 362 personnes ont dormi dans la rue faute de places d'hébergement d'urgence, dans le nuit du lundi 2 au mardi 3 septembre 2013. (MAXPPP)

La veille de leur rentrée, lundi 2 septembre, 150 enfants ont dû passer la nuit dans la rue, après qu'un incendie s'est déclaré dans l'église de Clermont-Ferrand où des familles s'étaient réfugiées, faute d'hébergement d'urgence.

L'Anef, l'association qui gère le 115 (le numéro à appeler pour un accueil d'urgence) dans le Puy-de-Dôme a en effet cessé de régler les chambres d'hôtel de ces personnes en détresse. Elles sont quelque 360 à s'être ainsi retrouvées à la rue : des demandeurs d'asile ou des déboutés du droit d'asile, mais aussi des mères seules avec enfant(s), des femmes victimes de violence ou des SDF. Comment en est-on arrivé là ?

1L'hébergement d'urgence en hôtel coûte trop cher

La préfecture a rappelé dans cette affaire que "la demande d'hébergement d'urgence ne cesse d'augmenter, expliquant le recours croissant au parc hôtelier et entraînant une charge financière insoutenable" pour le département. Les associations pointent elles aussi du doigt le coût faramineux des nuits d'hôtel et dénoncent une aberration, qui "ne profite qu'à l'industrie hôtelière".

Rien de très nouveau, regrette le président de la Fédération nationale des associations d'accueil et de réinsertion sociale (Fnars) en Auvergne, Jean-François Domas : "La situation traîne depuis des années – l'Anef avait averti la préfecture depuis 2011. Cette situation est la conséquence de l'absence de la prise en compte de la situation réelle de la part des services de l'Etat."  Il relève également que l'argent dépensé pourrait servir à la création de centres d'hébergement temporaire.

2Une "erreur" de la préfecture

Mais si tant de gens se sont retrouvés dans la rue lundi, à Clermont-Ferrand, c'est surtout à cause d'un dysfonctionnement. En principe, les associations financent l'hébergement d'urgence des personnes en situation de détresse et se font ensuite rembourser auprès de la préfecture. Or, l'Anef accuse l'Etat de ne pas l'avoir fait et d'avoir laissé la situation s'envenimer, au point de compromettre "la survie de l'association""Depuis janvier 2013, l'Etat ne nous a remboursé que 5% environ des 350 000 euros par mois que nous avons engagés pour loger ces personnes", expliquait lundi Gilles Loubier, son directeur général.

Pour Jean-François Domas, il est nécessaire que "l'ensemble des acteurs, l'Etat et les associations se réunissent autour d'une table pour faire en sorte que cela ne se reproduise plus, surtout à l'approche de la période hivernale". Contacté par francetv info, le cabinet de la ministre de l'Egalité des territoires et du Logement affirme ne pas avoir en sa possession tous les éléments et dit ne pas comprendre l'origine de "l'erreur" qui a conduit au non-remboursement de l'Anef. Mais assure que la situation sera réglée au plus vite.

Une réunion organisée par le préfet lundi en fin d'après-midi "avec tous les services de l’Etat dans la région et le département du Puy-de-Dôme, en concertation avec l'Anef et les autres partenaires locaux concernés par l'hébergement d’urgence", selon un communiqué officiel, a par ailleurs abouti à la remise en service du 115 dans le département et au déblocage de 400 000 euros supplémentaires "pour assurer l'hébergement hôtelier dans les semaines qui viennent". Mais pour Gilles Loubier, de l'Anef, cette mesure "est symbolique et on reste dans l'impasse la plus totale". 

3Un problème national

La situation à Clermont-Ferrand est l'arbre qui cache la forêt. En janvier 2012, dans la foulée de la Cour des comptes, un rapport parlementaire avait évalué le déficit de places d'hébergement d'urgence à 70 000, en dépit d'efforts de construction entre 2004 et 2010. Et malgré la création, depuis un an, de 6 800 places d'hébergement d'urgence et 3 000 places en centre d'accueil pour les demandeurs d'asile, le nombre de places disponibles (près de 80 000) reste très en deçà de la demande.

Le "Baromètre 115" publié en juillet par la Fnars révèle qu'au niveau national, 76% des demandes restent sans réponse, alors que la France compte 250 000 personnes sans-abri ou en hébergement temporaire. Et que "les demandes des personnes en famille ont progressé de 62% depuis juillet 2012", note la Fédération. 

Une problématique qui refait les gros titres alors que le projet de loi sur le logement sera débattu à partir du 10 septembre à l'Assemblée nationale. Pour les questions d'hébergement d'urgence, le texte prévoit, par une série de mesures concrètes, d'orienter la politique d'accueil vers le logement. Mais les associations restent sceptiques, un collectif réunissant notamment la Fondation Abbé Pierre, le Secours catholique et l'Armée du Salut avait dénoncé cet été un "gros décalage entre le projet de loi" et "la situation explosive" en matière d'hébergement d'urgence.

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