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Elections municipales : comment la réforme des retraites et la grève se sont infiltrées dans la campagne

Article rédigé par Margaux Duguet
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7 min
Des opposants à la réforme des retraites manifestent à Paris, le 9 janvier 2019. (MAXPPP)

Le projet de réforme et la crise sociale qu'il entraîne perturbent le calendrier, absorbent l'attention médiatique et s'invitent dans les arguments des candidats.

"Les gens ne me parlent que de la réforme des retraites et de la grève, du matin au soir. 'Comment faire pour aller travailler, chercher les enfants ?' Ils sont totalement en mode 'survie'." La phrase est signée Gaspard Gantzer, candidat à la mairie de Paris. L'ancien conseiller com' de François Hollande, qui a arpenté les marchés du 15e arrondissement, mardi 7 janvier, sent bien que les Français ont la tête ailleurs : "Ils n'ont pas encore imprimé la date de l'élection, il faut se préparer à une campagne très courte". 

Pourtant, les élections municipales approchent à grands pas. Les électeurs sont appelés à se rendre aux urnes les 15 et 22 mars, pour choisir de reconduire ou non leur maire. Dans cette campagne, que certains candidats ont entamé il y a déjà plusieurs mois, un invité a toutefois fait une apparition plus que remarquée : le projet de réforme des retraites. Les négociations entre les syndicats et le gouvernement, mais aussi la longue grève et ses conséquences, monopolisent tout le débat public.

"Les médias sont focalisés sur la grève"

"L'actualité nationale est très chargée, on est à deux mois du scrutin, c'est rare d'observer cela", constate Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la maire de Paris, Anne Hidalgo. Conséquence la plus visible : l'attention médiatique est toute entière concentrée sur la crise sociale. "Il y a des gros sujets qui se posent pour les municipales, c'est un débat complexe qui demande du temps. Or, les médias sont focalisés sur la grève", note Gaspard Gantzer. Son adversaire Serge Federbusch, soutenu par le Rassemblement national et le Parti chrétien-démocrate, déplore lui aussi ce manque d'intérêt des médias. 

Quand on est invité sur les plateaux, le thème unique du débat, c'est la grève. On n'a pas le temps de parler d'autre chose.

Serge Federbusch, candidat à Paris soutenu par le RN et le PCD

à franceinfo

D'autres tentent de relativiser ce retard à l'allumage. "Dans les journaux, il y a un temps important qui est consacré aux retraites, mais je trouve que les municipales sont présentes et que cela va monter dans les semaines qui viennent", assure Bruno Bernard, délégué EELV aux élections. Chez LREM aussi, on ne montre aucun signe d'inquiétude. "Généralement, en janvier, on est en pleine période des vœux, ce n'est pas un mois qui est propice aux campagnes", observe Marie Guévenoux, députée LREM et coprésidente de la commission nationale d'investiture (CNI). 

Il n'y a pas que la couverture médiatique qui souffre de l'actualité sociale. A Paris, où les conséquences de la grève sont les plus importantes, le calendrier de la campagne est aussi bousculé. L'équipe de Cédric Villani a envisagé d'annuler son meeting au Trianon, le 11 décembre, avant de finalement le maintenir. L'entourage de Serge Federbusch témoigne de la difficulté des militants à se déplacer. Le contexte social a aussi contraint Anne Hidalgo à revoir son agenda. 

Au départ, on avait envisagé une déclaration de candidature en fin d'année, mais vu le contexte, cela aurait été incompréhensible et inopportun.

Emmanuel Grégoire, premier adjoint à la maire de Paris

à franceinfo

Même si le conflit n'est pas terminé, les équipes de la maire sortante estiment qu'il n'est plus possible de repousser : Anne Hidalgo devrait annoncer sa candidature dans Le Parisien du week-end.

Une aubaine pour les opposants de LREM

La réforme des retraites et la crise sociale sont aussi devenues un enjeu du scrutin. Le projet du gouvernement est même une aubaine pour les opposants à Emmanuel Macron. "Cela peut emporter négativement un certain nombre de candidats LREM, veut croire Emmanuel Grégoire, je ressens plus de la colère sur la réforme que sur la grève". Du côté du RN, pourtant pas toujours à l'aise sur le sujet, on se frotte aussi les mains. "Si cela se poursuit, cela va favoriser des votes de sanction et non pas des votes locaux, ça va jouer comme une élection nationale", prédit Philippe Olivier, eurodéputé et conseiller spécial de Marine Le Pen. 

Pour nous, ce n'est pas mauvais du tout que Macron soit dans une contestation sociale dont il ne sort pas.

Philippe Olivier, conseiller spécial de Marine Le Pen

à franceinfo

D'autres partis en ont carrément fait un axe de la campagne. Raphaëlle Rémy-Leleu, candidate EELV à Paris centre (qui regroupe les quatre premiers arrondissements de la capitale), juge qu'il est "important de faire les deux" : s'engager contre la réforme des retraites et faire campagne sur d'autres sujets. "Je suis fière qu'on se donne sur tous les fronts. On prévoit nos propositions pour Paris, mais le 9 janvier, on était dans la manif avec David Belliard".  

Pour La France insoumise (LFI) aussi, l'opposition à la réforme des retraites fait partie de la campagne. "Nos candidats vont soutenir les grévistes, ils vont sur des piquets de grèves et participent à des collectes", raconte Paul Vannier, qui anime le comité de pilotage du mouvement de Jean-Luc Mélenchon pour les municipales. "Il y aura les candidats de la retraite à points et les autres, qui défendent un projet de société de solidarité", glisse Paul Vannier dans un sourire.

Pas de quoi ébranler La République en marche. "La réforme des retraites, c'est un sujet qui va continuer à faire l'actu, on doit faire notre campagne de notre côté, tout en l'intégrant au niveau national, énonce très tranquillement Pacôme Rupin, directeur de campagne de Benjamin Griveaux. C'est un point fort de pouvoir dire qu'on continue à mener des réformes importantes." 

Ce n'est pas en étant élu à Trifouillis-les-Trois-Canards que les élus de LFI pourront agir sur la réforme des retraites.

Marie Guévenoux, députée LREM

à franceinfo

"Je ne pense pas que ce soit une stratégie gagnante pour LFI, ils ne gagneront pas en faisant ce genre de coups et en étant malhonnête", contre-attaque Marie Guévenoux. 

"Postures" et agressions verbales

Cela n'empêche pas le parti de Jean-Luc Mélenchon de s'engager sur la question. Au Pré-Saint-Gervais (Seine-Saint-Denis), LFI n'a pas encore désigné son candidat, mais déjà, "on colle des affiches et les jours de manif, on descend avec notre banderole discuter avec les gens", explique la cheffe de file Delphine Debord. "Le mouvement social est quelque chose d'important, on montre qu'on soutient les grévistes".

Alexandre Saada, candidat de LREM dans cette commune de 17 000 habitants, dénonce justement ces "concurrents de gauche qui se concentrent essentiellement sur la politique nationale". "J'ai eu [la polémique sur la privatisation] Aéroport de Paris et maintenant j'ai les retraites. On a des opposants très énervés, avec des agressions verbales sur les marchés, raconte celui qui est aussi l'attaché parlementaire de la députée Valérie Petit. Pour eux, je suis le candidat du fonds d'investissement BlackRock".

Il assure que depuis le début du mouvement social, des étiquettes LFI, CGT et Solidaires ont été collées cinq fois sur son local de campagne. "Pour nos vœux, le 15 janvier, nous allons prendre un agent de sécurité." Delphine Debord ne reconnaît aucune dégradation du local de son adversaire.

Ceux qui disent que le local et le national, c'est n'est pas pareil, c'est faux, on ne peut le déconnecter.

Delphine Debord, cheffe de file de LFI au Pré-Saint-Gervais

à franceinfo

C'est pourtant bien ce à quoi s'échinent les candidats de la majorité, qui voudraient faire une campagne de terrain. S'ils affirment que les citoyens ne font pas de la réforme des retraites un enjeu de campagne, tous reconnaissent, comme au Pré-Saint-Gervais, que leurs opposants en font un axe stratégique de leur projet. "C'est très facile pour les opposants de créer un lien entre les candidats soutenus par LREM et de dire que l'on casse le modèle social. C'est grotesque", assure Jimmy Vivante, candidat soutenu par LREM aux Lilas (Seine-Saint-Denis). "Si Macron a une mauvaise phrase, c'est nous qui l'avons prononcée, c'est insensé." Le candidat assure même avoir porté plainte contre un ex-conseiller municipal qui, sur un marché, aurait frappé l'un de ses plus proches soutiens. "Il criait : 'vous êtes des voyous, vous assassinez le modèle social français'." 

"Cette campagne des municipales risque d'être pourrie par les grèves et par les postures d'opposants, qui ne rentrent pas dans le débat local", soupire encore Jonathan Denis, militant associatif et candidat soutenu par LREM à Pantin (Seine-Saint-Denis). 

Sur un marché, des militants de la CGT nous ont insultés, entourés pour nous empêcher de parler avec les gens. Ils criaient que j'avais du sang sur les mains.

Jonathan Denis, candidat LREM à Pantin

à franceinfo

"Il n'y a pas de débat de fond sur les municipales aujourd'hui, c'est le gros problème", conclut ce directeur d'une agence bancaire, dépité.

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