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Crise aux urgences : "Nous ne sommes pas de la chair à canon pour que l'hôpital puisse fonctionner", témoigne une infirmière gréviste

Le plan de "refondation" des urgences annoncé par la ministre de la Santé n'a pas convaincu Nancy Tardres, infirmière à Bordeaux, de quitter le mouvement de grève. Elle raconte à franceinfo ces mois de mobilisation. 

Article rédigé par Margaux Duguet - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 4min
Un membre du personnel hospitalier de "Lyon en grève", le 9 septembre 2019. (MAXPPP)

Ils n'ont pas du tout été convaincus. La ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a beau avoir promis d'ici 2022 "plus de 750 millions d'euros" puisés dans des crédits existants, le compte n'y est pas pour le collectif Inter-urgences, à l'origine d'une grève inédite par sa durée (bientôt six mois) et son ampleur (250 services d'urgences touchés à ce jour). Résultat : le collectif a voté la poursuite de la grève et la CGT-Santé organise une mobilisation à Paris, mercredi 11 septembre.

Nancy Tardres, infirmière aux urgences de l'hôpital Saint-André et représentante d'Inter-urgences pour la région Aquitaine, n'a elle non plus pas l'intention de quitter ses camarades grévistes. Elle raconte à franceinfo son combat pour améliorer les conditions de travail des urgentistes.

Franceinfo : Lundi, la ministre de la Santé a dévoilé ses douze mesures pour répondre à la crise. Elles seront financées à hauteur de 754 millions d'euros sur trois ans. Etes-vous satisfaite de ce plan ? 

Nancy Tardres : C'est à côté de la plaque, voilà quelle a été ma première réaction. C'est complètement déconnecté de ce que l'on vit quotidiennement. Ces douze mesures ne répondent en rien à l'urgence de la crise, elles ne seront pas effectives avant deux ou trois ans. Et en attendant qu'elles le soient, il faudrait que la ministre nous mette du personnel pour que l'on puisse fonctionner. Je ne sais pas ce qu'il faudrait pour qu'Agnès Buzyn ait un électrochoc.

Les collègues dans les étages sont eux aussi en déficit de personnel. Peut-être que si tout l'hôpital se mettait en grève, cela transformerait le mouvement. L'AG a en tout cas voté hier [mardi] la poursuite du mouvement. Vous savez, la prise de conscience, une fois que vous l'avez, c'est compliqué de rétropédaler.

Depuis quand êtes-vous gréviste et pour quelles raisons ?

Nous sommes en grève depuis le 13 mai à Saint-André. Nous avions déjà fait grève en janvier-février 2018 pour des problèmes d'alternance de jour et de nuit et de personnels. Nous avions eu quelques petites avancées puis, quand la grève a démarré à Paris, on s'est inscrits dedans. Nos problèmes ne se sont pas résolus depuis notre dernière grève, ils se sont même aggravés. Un exemple : dès que l'on a du personnel absent parmi des infirmiers et des aides-soignants, cela désorganise complètement le planning.

Nous avons aussi un couloir à Saint-André où sont placés des patients qui attendent des examens et il n'y a personne pour s'en occuper. On demande du personnel dédié à ce couloir. Enfin, on a aussi les mêmes revendications que celles du national, c'est-à-dire une revalorisation salariale et l'arrêt des fermetures de lit. 

Le fait de faire grève pèse-t-il sur votre conscience professionnelle ? 

Vous voulez dire : est-ce que cela me pose un problème moral ? Je n'ai aucun cas de conscience à être gréviste, il faut sortir de cet affect-là. Cela fait vingt ans que je suis infirmière et on demande de meilleures conditions de travail pour mieux s'occuper des patients. 

On a laissé faire, on avait cette conscience de bonne sœur historique mais c'est aussi un travail salarié, on n'est pas des esclaves !

Nancy Tardres, infirmière en grève

à franceinfo

Collectivement, le corps médical a accepté le système mais la particularité de cette grève, c'est que les gens commencent à dire : "Stop !" On doit, en tant que soignant, adapter nos vies personnelles à l'organisation du travail mais ça ne peut pas fonctionner comme ça ad vitam aeternam. Nous ne sommes pas de la chair à canon pour que l'hôpital puisse fonctionner. Aujourd'hui, on dit : "Nous, on ne veut plus".

Quel impact financier cette grève a-t-elle eu pour vous ?

J'ai dû perdre entre 150 et 200 euros par mois sur une paye de 1 800 euros. Mais, pour pouvoir être libre de faire grève, nous avons constitué une caisse de grève que l'on alimente en allant voir les gens et lors des piquets de grève du mardi. On attend la fin de la grève pour se rembourser.

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