: Reportage Cigarettes de contrebande : "C'est un phénomène en pleine explosion", selon les douanes de Marseille
Au cœur du quartier de Noailles, à deux pas du vieux port de Marseille, il y a un dédale d'étroites ruelles très animées, avec le marché, des salons de thé et des échoppes en tout genre. Des policiers et douaniers s'apprêtent à contrôler une dizaine d'établissements suspectés de vendre des cigarettes de contrebande dans ce quartier historique et populaire de la ville. "La discrétion, c'est la difficulté, donc il faut essayer de "taper" rapidement. Des fois, ça marche et des fois, ça ne marche pas", reconnaît le chef de brigade, Jean-Daniel Zanetti.
Le trafic de cigarettes de contrebande est en pleine expansion. Plusieurs opérations coups de poing ont été menées ces derniers jours par les services des douanes. Pour les forces de l'ordre sur le terrain, cette lutte contre les réseaux est difficile. À Marseille, le chef de brigade des douanes contrôle par exemple une boucherie où deux kilos de tabac à chiquer sont découverts. Ensuite, dans un café, quelques cartouches de cigarettes vendues à l'unité sont retrouvées dans un placard. Le bilan est maigre, mais les saisies sont désormais quotidiennes.
En 2022, 800 tonnes de tabac saisies
"Ce sont des petits commerces qui s'éparpillent, tous les uns à côté des autres donc s'il y a de la complicité, ce sont des petites quantités de cigarettes, et on touche le bout de la chaîne du réseau", précise Jean-Daniel Zanetti.
Le réseau est de mieux en mieux organisé, c'est un trafic en forte augmentation qui rapporte très gros. D'après le ministère de Comptes publics, en 2020, les services douaniers ont saisi 284 tonnes de tabac, 402 tonnes en 2021 et près de 800 tonnes en 2022. Cette tendance à la hausse est la même dans les Bouches-du-Rhône. "C'est un phénomène en pleine explosion. Au niveau de Marseille, c'est plus de 24 tonnes qui ont été saisies", soit une augmentation de 120 % sur les deux dernières années, selon Jérôme Salès, chef divisionnaire des douanes pour la ville et l'aéroport de Marseille. Il précise que plus d'une tonne et demie a été saisie dans des commerces.
"Concernant la provenance de ces cigarettes, il y a une spécificité marseillaise, explique Jérôme Salès. C'est une ville en connexion avec la mer, mais aussi avec les airs et la route. On a tous les vecteurs d'acheminement de stupéfiants et de tabac, c'est-à-dire les ferries, les conteneurs, les avions et la route. Cela va arriver de partout. Le tabac narguilé est de provenance turque, moyen-orientale, voire espagnole puisque les fraudeurs vont acheminer la marchandise en cassant le transport, cela veut dire qu'au lieu d'arriver directement du lieu de production, ils vont la faire passer par d'autres pays de l'Union européenne".
"La cigarette peut venir des pays du Maghreb, d'Espagne, d'Italie ou du nord de l'Europe puisqu'il y a des usines clandestines de fabrication de cigarettes sur le territoire européen"
Jérôme Salès, chef divisionnaire des douanes de Marseilleà franceinfo
Comme les quantités saisies sont souvent faibles, cela empêche la justice de prononcer des condamnations et des peines lourdes. Face à cela, le gouvernement a lancé un plan de lutte qui doit s'étaler sur deux ans. Parmi les mesures phares du plan, il y a des investissements importants pour améliorer la détection de tabac frauduleux. 45 millions d'euros seront par exemple débloqués pour équiper les ports, aéroports et les centres de tri postaux en scanners de contrôle de marchandises. Les effectifs de chiens de détection vont être augmentés de 20 %. Les capacités d’investigation seront aussi renforcées, à l'image de ce qui existe déjà à Marseille.
"On espère que ce travail va porter ses fruits"
Un groupe judiciaire est chargé depuis quelques mois d'enquêter exclusivement sur le trafic de cigarettes. "Jusqu'à présent, les revendeurs de cigarettes, c'était traité par les effectifs de voie publique, donc qui ramenaient des revendeurs, mais avec des quantités pas assez importantes pour qu'après judiciairement, ce soit intéressant. Là, l'objectif, c'est d'essayer de travailler sur la structuration du réseau avec un vrai travail de fond, sur le ravitaillement, la provenance, les différentes têtes aussi du réseau pour pouvoir trouver plus gros et avoir de meilleures condamnations", souligne Bertille Gallet, commissaire de police de la division centre de la sûreté de Marseille.
C'est un travail qui prend du temps, des mois, voire des années, selon elle. "Là, le groupe vient d'être créé. Au fur et à mesure, il commence à avoir des sources, à comprendre un peu mieux les différents acteurs du trafic. On espère que ce travail va porter ses fruits". L'objectif affiché du gouvernement est de parvenir à démanteler dix réseaux chaque année.
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