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SwissLeaks, LuxLeaks... "Dans trois ans, le problème de l'évasion fiscale aura disparu"

Pour Daniel Lebègue, président de Transparency International France, les lanceurs d'alerte sont devenus un véritable maillon de la lutte contre la fraude fiscale. Et leurs actions pour lutter contre ce délit s'avèrent décisives.

Article rédigé par Camille Caldini - Propos recueillis par
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4 min
Une banque HSBC, à Genève (Suisse), le 9 décembre 2009. (FABRICE COFFRINI / AFP)

Les dessous d'un système de fraude fiscale internationale ont été révélés, dimanche 8 février, par plusieurs médias internationaux, dans l'opération SwissLeaks. Quelque 180,6 milliards d'euros auraient transité sur des comptes hebergés par la banque HSBC, en Suisse, avant d'être cachés derrière des structures offshore dans des paradis fiscaux. En décembre déjà, une autre fuite de documents, rendus publics grâce à un lanceur d'alerte, révélait le scandale LuxLeaks, détaillant les stratégies d'optimisation fiscale de dizaines de sociétés multinationales.

Au-delà de l'effet médiatique, quel rôle et quels effets ont ces "leaks" ? Pour répondre à ces questions, francetv info a interrogé Daniel Lebègue, président de Transparency International France.

Francetv info : Quel est le poids des opérations de fuite massive de documents confidentiels, dans la lutte contre la fraude fiscale ?

Daniel Lebègue : Dans tous les pays du monde, la fraude fiscale est un délit. Les lanceurs d'alerte sont devenus de vrais acteurs de la lutte contre cette fraude. Leur action, qui consiste à remettre à l'administration fiscale des données bancaires, des listes de clients, ou à les rendre publiques en les confiant à des journalistes d'investigation, confirment que les règles du jeu ont changé. Le secret bancaire n'existe plus. On ne peut plus ouvrir des comptes cachés à l'étranger sans courir le risque d'être attrapé, par l'administration ou la justice. Ceux qui passeraient au travers de ces deux premiers filets risquent, à tout moment, de voir des informations exposées sur la place publique, via les lanceurs d'alerte.

Mais la lutte contre la fraude fiscale avait commencé bien avant ces "leaks"…

Oui, le secret bancaire est en voie de disparition depuis la crise financière de 2008. La plupart des pays ont mis en place un système d'échange automatique d'informations entre administrations fiscales. Les banques ont été mises en demeure de fournir des données sur les comptes et les avoirs étrangers qu'elles détiennent. Les banques suisses ont longtemps fait de la résistance, jusqu'au moment où les sanctions et menaces ont commencé à tomber. La justice américaine leur a dit : "Si vous refusez de nous transmettre les informations, on retire votre licence bancaire ou on vous interdit de travailler en dollars." De quoi leur faire mettre la clé sous la porte. Le mouvement a été spectaculaire en 2014. Les banques suisses ont écrit à des centaines de milliers de clients étrangers pour réclamer des certificats de conformité fiscale, afin d'être sûres qu'ils étaient en règle dans leur pays.

La fin du secret bancaire signifie-t-elle la fin de la fraude ?

Tous les épargnants et entreprises n'ont pas encore régularisé leur situation, mais le rythme s'accélère. Quelque 35 000 Français qui avaient des comptes à l'étranger, surtout en Suisse, ont rapatrié leur argent. C'est la même chose en Allemagne, en Italie, aux Etats-Unis. Evidemment, on n'est pas encore au bout du processus, qui va demander un peu de temps. Il y a encore un pays qui refuse de coopérer : Panama. Mais c'est un micro-Etat qui vit sous assistance permanente des Etats-Unis, dont les moyens de pression sont considérables. Je crois, mais peut-être suis-je trop optimiste, que dans trois ans, le problème de l'évasion fiscale sera derrière nous. On ne peut pas dire que la fraude fiscale, elle, aura totalement disparu ; on fraude le fisc depuis qu'il existe. Mais les paradis fiscaux sont en voie de disparition de manière irréversible. Le risque est devenu trop grand, pour les banques et pour les clients. Avec les systèmes américains et européens, en cas de fraude, ils s'exposent à perdre la moitié de leur capital. 

Croyez-vous au pouvoir médiatique de ces "leaks" ?

C'est un pouvoir énorme. Ces derniers jours, la couverture mondiale des SwissLeaks, et donc la résonance dans l'opinion publique, c'est peut-être 10 ou 20 fois la couverture médiatique de la situation en Ukraine. L'impact est énorme. Apprendre que la banque HSBC accueillait les comptes de "parrains" d'Al-Qaïda, c'est un tremblement de terre. Il s'agit tout de même de la deuxième plus grande banque du monde. Il y a un effet de sidération devant ces révélations. Ce sont des affaires qui ont un impact très fort sur l'opinion publique. Et je crois beaucoup à la courbe d'apprentissage : quand une banque est prise dans une nasse comme celle-là une fois, elle n'a pas envie de se faire reprendre.

Certains noms de personnalités, comme l'humoriste Gad Elmaleh, ont souvent été cités. A tel point que le mot "délation" a été prononcé. Y a-t-il une limite aux révélations ?

La publication des noms de personnalités n'est peut-être pas ce qu'il y a de plus positif dans cette affaire. Mais, dès lors que les lanceurs d'alerte agissent de bonne foi et qu'ils signalent des manquements à la loi ou à l'éthique, ils font leur devoir de citoyen. Il faut plutôt les remercier. Evidemment, il faut éviter tout ce qui serait de l'ordre du règlement de comptes. Mais ce sont des délits qui sont signalés. C'est la même chose quand le docteur Irène Frachon dénonce les dangers du Mediator.

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