Faux communiqué de Vinci : une arnaque liée à des marchés "tendus, à la recherche de la moindre information"
Après la diffusion d'un faux communiqué de presse mardi 22 novembre, Vinci a vu son action chuter. Pour l'économiste Marc Touati, cette arnaque s'exlique par des "marchés tendus, à la recherche de la moindre information.
Le groupe de BTP Vinci a vu son action chuter fortement, mardi 22 novembre, après diffusion d'un faux communiqué de presse annonçant la révision de ses comptes 2015 et le renvoi de son directeur financier. L'information a notamment été relayée par l'agence de presse Bloomberg, spécialisée dans la finance. L'économiste Marc Touati, président du cabinet de conseil ACDEFI (Aux Commandes De l’Économie et de la Finance), explique mercredi 23 novembre sur franceinfo qu'il s'agit d'une arnaque globalement rare, mais qui a fonctionné dans un marché "tendu".
franceinfo : Comment un communiqué de presse peut-il à ce point effrayer les marchés financiers ?
Marc Touati : Ce type d'événement est globalement rare pour de grandes entreprises, mais il est vrai qu'il y a de plus en plus de fraudes, de cybercriminalité. Comme les marchés sont extrêmement tendus, à la recherche de la moindre information, du moindre scoop, l'arnaque peut très vite passer. On peut quand même en vouloir un peu à Bloomberg, qui a disséminé l'information sans vraiment la vérifier. Ensuite, tous ces automates sur les marchés financiers intègrent l'information, et c'est le cercle pernicieux : une fois que le cours baisse de 3%, 4%, des ordres de ventes se déclenchent, et c'est la que la fraude est arrivée, s'il y a fraude. Ceux qui ont lancé cette fausse information ont certainement acheté ce que l'on appelle des "put", des options de vente. Une fois que le cours a perdu 18%, ils ont vendu 18% plus haut, et, avec la différence de coût, ont pu faire une très belle plus-value.
Donc ces pirates se sont fait beaucoup d'argent ?
Il faut voir si ce sont des pirates. Avec l'autorité des marchés financiers (AMF), normalement, tous les mouvements financiers sont contrôlés, mais ce mouvement vient peut-être d'un paradis fiscal, nous aurons donc peut-être du mal à trouver l'origine exacte de ce mouvement spéculatif. En juin 2014, Vinci avait fait l'objet de la même attaque, et, finalement, l'entreprise avait réussi à déjouer l'attaque et prévenir les investisseurs. Là, ça n'a pas été le cas. Ils se sont mieux protégés depuis, je pense, mais, cette fois-ci le communiqué a été envoyé aux journalistes, aux agence de presse, et donc, le travail de vérification n'a pas forcément été bien fait. Généralement, un groupe comme Vinci prévient un peu les marchés, les journalistes, les investisseurs, là ça n'a pas du tout été le cas. Le cours a remonté, néanmoins, le mal est fait, on n'a pas retrouvé le niveau d'avant le communiqué.
Arrive-t-on à identifier les auteurs de ce type d'attaque ?
Ça arrive : en 2015, aux Etats-Unis, on avait eu une rumeur spéculative sur un groupe cosmétique, également via des communiqués de presse. On avait réussi à identifier que c'était des investisseurs qui voulaient faire croire à une OPA et qui avaient acheté. En 2013 en Australie, sur un groupe de charbon, c'était des activistes anti-charbon qui avaient lancé des mouvements spéculatifs. Le problème c'est que, aujourd'hui, les principaux centres de cybercriminalité ne sont pas en France, même pas en Europe. On pourra peut-être retrouver les auteurs, mais pas les arrêter.
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