: Vidéo Travail de nuit sans majoration de salaire : "Complément d'enquête" dans l'arrière-cuisine de Ladurée
Ladurée, c'est le symbole de l'excellence à la française... Pour garantir la fraîcheur de ses pâtisseries haut de gamme vendues dans les boutiques de la capitale, elles sont fabriquées au milieu de la nuit dans un "laboratoire de production". Selon deux anciens pâtissiers rencontrés par les équipes de "Complément d'enquête", le géant du macaron aurait trouvé la recette pour faire des économies sur la feuille de paie de ses salariés.
Ils vendent du rêve, du luxe, de la tradition. Ladurée a réalisé 110 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2019, grâce à un petit macaron qui représente 70% de ses ventes, et aussi grâce à des pâtisseries haut de gamme. Mais dans l'arrière-boutique où celles-ci sont fabriquées, les méthodes de la famille qui détient l'entreprise ont de quoi surprendre. Le patriarche, Francis Holder, le descendant d'une lignée de boulangers qui a fait fortune, a transmis ses préceptes à ses enfants : rigueur, excellence… et économies sur les salaires, selon d'anciens employés que "Complément d'enquête" a rencontrés.
Ces préceptes, David Holder, fils aîné et PDG de Ladurée, les applique à la lettre. Pour fabriquer les pâtisseries de la marque, une quinzaine de salariés s’affairent dans un "laboratoire de production" situé en région parisienne. Leur rythme de travail : 39 heures par semaine, de 23 heures à 7 heures du matin. En contrepartie de ce travail de nuit, on pourrait imaginer que ces salariés gagnent davantage.
"Là, sur la fiche de paie, le salaire est à 1 380 euros net. Pour ce qu'on fait, le salaire ne suit pas, pas du tout. Ça ne correspond pas à ce qu'on fait nous, à ce qu'on vit."
Eric, 28 ans, ancien pâtissier chez Laduréeà "Complément d'enquête"
Mais deux anciens pâtissiers de Ladurée, qui témoignent à visage caché dans cet extrait de "Complément d'enquête", décrivent un rythme de travail épuisant et un manque de sommeil qui s'accumule. Sommeil perturbé, prise de somnifères, fatigue extrême… tout cela pour un salaire à peine supérieur au Smic.
Pourquoi le travail de nuit n'apparaît-il pas sur les fiches de paie ?
Et surtout, leurs bulletins de salaire ne font aucune mention de ces heures de nuit. Quand ils travaillaient pour Ladurée, ils ne percevaient ni prime, ni bonus. C'est en examinant ces fiches de paie que les journalistes ont découvert l'astuce. Les employés ne sont pas rattachés à la convention collective des pâtissiers, mais à celle des hôtels, cafés, restaurants.
"C'est dégueulasse. Nous, on est sous-payés ; lui, c'est une des fortunes françaises…"
Antoine, 31 ans, ancien pâtissier chez Laduréeà "Complément d'enquête"
Ce choix présente un énorme avantage pour l'employeur : aucune majoration n'est due pour les heures de nuit. La convention collective de la pâtisserie, elle, en prévoit une de 50% pour les heures effectuées entre minuit et 4 heures du matin. Les pâtisseries Ladurée sont vendues dans des salons de thé, ce qui permettrait à l'entreprise d'appliquer en toute légalité la convention des cafés et restaurants… Selon une entreprise d'expertise comptable contactée par les journalistes, le manque à gagner pour les pâtissiers serait de 550 euros net par mois… soit un tiers de salaire en plus.
Extrait de "Paul et Ladurée : l'histoire secrète des boulangers milliardaires", un document à voir dans "Complément d'enquête" le 28 octobre 2021.
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