A quoi ressemble la vie d'un travailleur du dimanche ?
Alors que la loi Macron est présentée en Conseil des ministres, francetv info a interrogé des salariés confrontés à cette organisation du travail particulière.
Faire la grasse matinée ou se lever pour travailler ? Le dimanche,consacré par le Code du travail comme "jour de repos hebdomadaire", pourrait l'être de moins en moins. La loi Macron, présentée mercredi 10 décembre en Conseil des ministres, propose en effet d'assouplir les règles sur le travail dominical. Un tiers des Français travaillent déjà, de façon occasionnelle ou régulière, le dimanche, relevait une étude du ministère du Travail (PDF) en 2012. Francetv info a recueilli plusieurs témoignages de salariés qui nous expliquent les avantages et inconvénients de cette situation.
De l'avantage de vivre en décalé
Pour la plupart de ceux que nous avons interviewés, le choix était délibéré. En passant en libéral en 2013, Sophie, une infirmière de 28 ans, savait qu'elle enterrait ses week-ends.
"Avant, j'étais en clinique privée, en bloc opératoire. Je travaillais du lundi au vendredi. Mais je ne m'épanouissais pas du tout", raconte cette soignante de l'agglomération de Clermont. Sophie a donc fait le choix de "donner un coup d'accélérateur" à sa carrière, malgré les contraintes sociales qu'il implique. Désormais, elle travaille un week-end complet sur deux, de 6 heures à 21 heures. De toute façon, son métier le nécessite : "Certains soins ont besoin d'être prodigués tous les jours."
Régis aussi assume d'être debout le dimanche à l'aube. Il y a dix ans, le quinquagénaire a décidé de devenir surveillant dans un foyer pour déficients mentaux près de Lyon. Depuis, il travaille un dimanche sur deux, pendant la nuit, afin d'assurer une permanence. Et il ne lâcherait sa situation pour rien au monde. "Le gros avantage, c'est d'avoir du temps libre la semaine, souligne ce sapeur-pompier volontaire. Cela m'a permis de faire de la formation et de profiter de mes enfants lorsqu'ils étaient en bas âge. Vous avez le temps de prendre des rendez-vous et cela évite de recourir à des nounous."
Sophie ajoute l'argument financier. Le dimanche, "les revenus sont majorés. Pour chaque passage à domicile ce jour-là, j'ai une prime. Ça fait un peu plus de pouvoir d'achat." L'ambiance de travail est aussi plus chaleureuse : les patients, surpris de ses horaires, lui proposent volontiers café et gâteaux.
"Depuis que je suis en libéral, je revis complètement", insiste Sophie, qui se dit capable de tenir ce rythme encore longtemps. "Après, je n'ai pas d'enfants. Et puis, ça dépend de votre compagnon, de la tolérance de l'entourage", admet-elle. Récemment, elle s'est séparée de son copain qui avait du mal à accepter cette vie en décalé.
"Toutes les réunions de famille ont lieu le dimanche"
De la bouche de tous les témoins interrogés par francetv info, voilà le réel inconvénient du travail dominical : les effets sur la vie sociale et familiale. Même s'il ne regrette pas son choix et qu'il apprécie son temps libre, Régis songe à passer à 80% afin de profiter davantage de ses week-ends avec son épouse, bientôt à la retraite. "Je plains ceux qui vont devoir travailler le dimanche dans le commerce car j'en connais la pénibilité et l'impact sur la vie de famille", déclare ce père de grands enfants.
Dans les commentaires de notre live, une internaute, employée dans l'hôtellerie-restauration, semble usée. "Je n'ai pas de vie familiale ! Toutes les réunions de famille se font les jours fériés ou les dimanches, donc je suis en dehors du circuit du commun des mortels", écrit @mamie chateau.
Cela peut d'ailleurs en rebuter certains. C'est ce qu'a remarqué Jean-Luc, éducateur sportif à Carcans (Gironde) et responsable d'une base nautique. "Personnellement, ce n'est pas une contrainte qui m'a dérangé. Ce n'est pas désagréable de vivre à l'envers de tout le monde. Mais travailler le dimanche est un frein dans notre secteur, notamment chez les plus jeunes", précise ce "dinosaure" de 56 ans. "Lorsqu'ils arrivent à 30 ans, ils veulent se poser et c'est difficile chez nous. Beaucoup bifurquent et évoquent les dimanches travaillés ou les vacances scolaires où l'on est obligé d'être présent. Je suis une exception." Voilà trente ans qu'il fait ce métier. Mais Jean-Luc n'a pas d'enfants.
"On peut vivre un jour sans consommation"
Ces contraintes, David n'en veut pas. Le vendeur de 37 ans travaille déjà cinq dimanches par an aux Galeries Lafayette du boulevard Haussmann, à Paris. Il s'oppose à tout week-end supplémentaire. "On a une vie et on est déjà bloqué le samedi. Le dimanche, c'est le seul jour où on peut retrouver notre famille et avoir un jour en commun avec le reste de la population. Cinq dimanches travaillés, ça suffit", s'agace-t-il.
Ici, l'argument financier ne fait pas mouche. Certes, les vendeurs, qui gagnent le smic, sont payés double, soit 160 euros brut au lieu de 80. Mais "on n'est pas vraiment gagnant", estime David, compte tenu de l'impact sur leur vie personnelle et de l'organisation que cela suppose. "Il y a beaucoup de femmes divorcées qui ont la garde de leurs enfants. Elles ne voient pas l'intérêt de travailler le dimanche puisqu'elles vont devoir prendre une nourrice", renchérit David.
Le vendeur invite donc les clients à venir les autres jours de la semaine : "Je pense qu'on peut vivre un jour sans consommation, surtout pour des vêtements, un parfum ou des collants. Ce n'est pas d'une grande utilité."
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