Retraites chapeaux : avant Montebourg, d'autres ont tenté d'y mettre bon ordre
Après le scandale provoqué par la retraite chapeau du patron de PSA, le ministre du Redressement productif n'exclut pas de légiférer. Il n'est pas le premier à penser à cette solution.
Le scandale provoqué par les 21 millions d'euros provisionnés par PSA pour la retraite chapeau de son patron, Philippe Varin, va-t-il déboucher sur une loi ? Alors que le président du directoire de PSA a préféré renoncer aux dispositions actuelles de sa retraite, mercredi 27 novembre, Arnaud Montebourg envisage, de son côté, de légiférer pour limiter les indemnités de départ versées aux patrons.
Interrogé dans Le Parisien, jeudi 28 novembre, le ministre du Redressement productif estime qu'"il est fâcheux qu'on soit obligé de passer par un scandale public pour obliger une entreprise et son premier dirigeant à revenir à des niveaux de rémunération ou de retraite décents".
Pourtant, ces dernières années, les indemnités de départ et les retraites des dirigeants de grands groupes ont soulevé de nombreux scandales, avec leur cohorte de tentations, voire de tentatives d'encadrer ou de légiférer. Francetv info remonte dans le temps.
2005-2007 : Nicolas Sarkozy critique les abus
Le scandale : les indemnités de départ record de l’ancien patron de Carrefour, Daniel Bernard, révélées en 2005. "[Il] bénéficie d’une 'retraite-chapeau' de 29 millions d’euros (...) en échange d’une clause de non-concurrence de quatre ans", notait RFI.
La réponse : En campagne pour la présidence, en 2007, le candidat Sarkozy promet d'intervenir fermement pour limiter les excès, qui composent la norme lorsqu'il s'agit des indemnités de départ des très grands patrons. S'il s'engage à "faire voter dès l'été 2007 une loi qui interdira la pratique détestable des golden parachutes [parachutes dorés]", il n'envisage pas la suppression des retraites chapeaux. Il en critique régulièrement les abus, mais le procédé n'est nullement évoqué par la loi Tepa sur le travail, votée en août 2007. Quant à la loi promise sur les parachutes dorés, elle ne voit jamais le jour.
L'autodiscipline est donc de mise lorsqu'il s'agit de rémunérations et de retraites pour le haut patronat. Depuis 2005, "les dispositifs de retraites chapeau doivent figurer dans le rapport annuel de la société [et] être soumises à la délibération du conseil d'administration avec interdiction pour le dirigeant bénéficiaire de participer au vote," rappelle Le Figaro.
2008 : les organisations patronales rédigent un "code"
Le scandale : Trois ans après les révélations sur Daniel Bernard, le scandale revient sur le devant de scène. Mais pour connaître son épilogue, cette fois. La cour d’appel de Paris rend en effet un arrêt qui annule sa retraite chapeau de 29 millions d'euros, annonce le Nouvel Observateur. On est alors en pleine tempête financière.
La réponse : "Prévenir des abus", voilà l'ambition annoncée par les deux organisations patronales en 2008, l'Association française des entreprises privées (Afep) et le Mouvement des entreprises de France (Medef). Lorsqu'elles présentent leur "code de gouvernance", au mois d'octobre, la crise financière vient d'éclater et le document a valeur de "code de bonne conduite". Le gouvernement souhaite voir toutes les entreprises y adhérer.
Dans sa présentation, Jean-Martin Folz, alors président de l'Afep et par ailleurs ancien patron de PSA, comme Philippe Varin, annonce qu'"il s’agit de renforcer l’encadrement des régimes de retraite supplémentaires [soit, les retraites chapeaux]". Mais les recommandations restent vagues.
2009 : un décret d'interdiction sous conditions et provisoire
Le scandale : Il touche Daniel Bouton, alors président du conseil d’administration et ex-PDG de la Société générale. La banque a provisionné près de 33 millions d’euros en 2008 pour les retraites de ses dirigeants, révèle L'Express.fr. La même année, chez Valeo, Thierry Morin renonce à sa rente de 3,2 millions d'euros.
La réponse : En avril 2009, le gouvernement de François Fillon se saisit du dossier. Il publie un décret interdisant les retraites chapeaux pour les dirigeants d'entreprises aidées par l'Etat en raison de la crise. Cette interdiction aurait-elle dû s'appliquer au cas de Philippe Varin, dont le groupe a été aidé ces dernières années ? Non. Cette mesure n'était que temporaire : elle a pris fin le 31 décembre 2010.
"En octobre 2009, les députés adoptent en commission une réforme du dispositif encadrant les retraites chapeaux... mais renoncent à la demande du gouvernement, se souvient L'Expansion. Eric Woerth, alors ministre du budget, justifie sa position par le fait que ce système touche plusieurs milliers de cadres et pas seulement les grands dirigeants."
2010-2011 : un "plafond", et une fiscalité alourdie
Le scandale : Henri Proglio quitte Véolia avec une retraite chapeau de 742 000 euros annuels. Soutenu par Eric Woerth, qui dénonce un "acharnement", il cède cependant, et reverse cette somme à l'œuvre caritative Fondation de France. Chez France Télécom, c'est Didier Lombard qui bénéficie d'une retraite chapeau évaluée à 325 000 euros, rappellent Les Echos.fr.
La réponse : En octobre 2010, les parlementaires adoptent une loi limitant ces retraites à 30% de la rémunération de la dernière année d'exercice. Ils agissent via un amendement au projet de budget pour 2011, auquel est opposé le ministre de l'Economie d'alors, François Baroin.
Les parlementaires obtiennent également que la fiscalité soit plus contraignante, et instaurent trois tranches progressives (7%, 14% et 21%) pour taxer les retraites supplémentaires, contre deux auparavant (6% ou 12%).
2012 : de nouvelles promesses de campagne
Le scandale : Faute de résultat, le PDG de Carrefour, Lars Olofsson est débarqué. Il décroche une rente entre 300 000 et 500 000 euros.
La réponse : Pas de lois, mais des promesses de campagne, année de présidentielle oblige. "Il faut interdire les retraites chapeaux", dit NicolasSarkozy. Par la loi ? "C'est le seul moyen de les interdire."
2013 : Retour (raté ?) à l'autodiscipline
Le scandale : C'est l'affaire Philippe Varin.
La réponse : En juin 2013, le code de gouvernance signé par l'Afep et le Medef est revu, apportant plus de précisions. "Le pourcentage maximum auquel donne droit le régime de retraite supplémentaire ne saurait être supérieur à 45 % du revenu de référence (fixe et variable)", indique le texte, cité par Les Echos.
Quant à la fiscalité, elle est légèrement allégée par le Conseil constitutionnel, qui supprime la tranche à 21%.
Mais cette énième polémique va-t-elle déboucher sur un texte de loi ? "Puisqu'il faut la régulation par le scandale pour que les choses évoluent", souffle Arnaud Montebourg au Parisien. Surtout que "l'autodiscipline" invoquée par le Medef "reste à démontrer", sermonne le ministre.
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