L'Etat peut-il empêcher le patron du CIF de partir avec une cagnotte ?
Parachutes dorés, retraites-chapeaux... Les déclarations politiques contre les rémunérations abusives se succèdent, mais les pouvoirs publics manquent de leviers d'action.
POLITIQUE - Diriger une banque qui va droit dans le mur et partir avec 1,5 million d'euros d'indemnités. Voilà le traitement de faveur qui aurait été réservé, selon La Tribune.fr, à Claude Sadoun, évincé de la tête du Crédit immobilier de France (CIF). La banque, au bord de la faillite, a dû faire appel à la garantie financière de l'Etat. Le nouveau PDG du CIF, Bernard Sevez, aurait signé le chèque d'indemnité, croit savoir le site d'actualité économique. Une information toutefois démentie par le CIF.
"Il faut que ce dirigeant s'en aille sans indemnité de récompense ou retraite chapeau. Ça, ce serait profondément scandaleux!", a prévenu Jean-Marc Ayrault dimanche soir. Pour autant, l'Etat peut-il réellement s'opposer à ce genre de cadeaux ?
Dans les entreprises publiques, le gouvernement Ayrault a déjà commencé à mettre le holà sur les rémunérations excessives. Mais le CIF étant une banque privée, l'Etat ne dispose d'aucun levier direct pour peser sur les décisions prises en interne, qu'il s'agisse de rémunérations, de parachutes dorés, de stock-options ou de retraites-chapeaux. Des négociations sont en cours avec le patronat pour moraliser davantage la gouvernance des entreprises.
Dans le public, les rémunérations des patrons plafonnées
A son arrivée aux affaires, Jean-Marc Ayrault a signé un décret plafonnant à 450 000 euros brut par an la rémunération des dirigeants des entreprises publiques. Un texte qui concerne environ 50 entreprises détenues directement ou indirectement par l'Etat, et qui doit être étendu par arrêté aux dix principales filiales de ces sociétés.
Le président d'EDF, par exemple, verra son salaire de 1,6 million d'euros annuel divisé par quatre. Mais la mesure était surtout symbolique. Parmi les dirigeants des 50 entreprises concernées, certains, comme Guillaume Pepy (PDG de la SNCF), avaient déjà un salaire inférieur au plafond. Surtout, le champ d'application de ce texte est très limité, puisqu'il ne concerne pas les entreprises privées.
Dans le privé, une lente moralisation des pratiques
Le constat d'impuissance à encadrer des rémunérations considérées comme excessives par les pouvoirs publics ne date pas d'aujourd'hui. Lors de la campagne présidentielle de 2007, puis pendant son mandat, Nicolas Sarkozy avait promis à plusieurs reprises l'interdiction des parachutes dorés. Une promesse jamais appliquée, ce qui n'avait pas empêché l'ancien chef de l'Etat de la réitérer durant la campagne de 2012, en réaction à plusieurs scandales.
En avril 2009, les retraites-chapeaux ont été interdites provisoirement pour les dirigeants d'entreprises ayant reçu des aides de l'Etat en raison de la crise. Elles sont redevenues légales le 1er janvier 2011. Les retraites-chapeaux ont en revanche vu leur taxation s'alourdir sensiblement au fil du temps, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, puis lors du budget rectificatif 2012 par la majorité de gauche. A cette occasion, les parlementaires ont également décidé d'assujettir les parachutes dorés de plus de 360 000 euros à la Contribution sociale généralisée (CSG), à la Contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS) et aux cotisations sociales. Jusqu'alors, les parachutes inférieurs à 1 million d'euros en étaient exonérés.
Dans la foulée de l'adoption du décret sur les rémunérations de dirigeants d'entreprises publiques, le gouvernement Ayrault a par ailleurs engagé une concertation qui devrait déboucher, à l'automne, sur un projet de loi. Selon le gouvernement, ce texte permettra "d'interdire ou d'encadrer certaines pratiques et de rénover la gouvernance des entreprises privées afin de renforcer le contrôle exercé sur les rémunérations", sans davantage de précisions.
En attendant, il faut s'en remettre à des codes de déontologie, que les entreprises s'engagent à appliquer, mais sans aucun aspect contraignant. Voici par exemple ce que le code de déontologie réalisé conjointement par le Medef et l'Afep indique à propos des parachutes dorés (ou indemnités de départ) : "Il n'est pas acceptable que des dirigeants dont l'entreprise est en situation d'échec ou qui sont eux-mêmes en situation d'échec la quittent avec des indemnités." En tout état de cause, ce texte conseille de proscrire toute indemnité de départ supérieure à deux années de rémunération. De bonnes résolutions qui, dans les faits, sont plus ou moins bien appliquées.
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