Fiscalité : le carton jaune des patrons au gouvernement
Malgré des concessions, la politique fiscale du gouvernement reste floue pour les chefs d'entreprise, qui ne décolèrent pas.
“Nous avons une pression fiscale qui dure depuis des années et qui n'a pas arrêté de s'aggraver depuis trente ans." Le président du Medef, Pierre Gattaz, qui s'exprimait sur i-Télé, mercredi 9 octobre, en a assez. Et il n'est pas le seul. La veille, il a réuni, avec son homologue de la CGPME, Jean-François Roubaud, 2 000 chefs d'entreprise à Lyon, où tous ont pu s'épancher sur leur ras-le-bol fiscal et adresser un "carton jaune" à l'exécutif. Gérard Collomb, le maire PS de la ville, était présent à la tribune des patrons, espérant "être le trait d'union entre les chefs d'entreprise et les politiques".
"Nous sommes asphyxiés, ligotés"
Ce jour-là, l'ambiance est électrique. "Nos gouvernants nous considèrent comme des vaches à lait", s’emporte François Turcas, le président de la CGPME Rhône, qui lance, sous les applaudissements : "Nous nous battrons dans la rue s'il le faut pour défendre notre liberté d'entreprendre." "Tout ce qu'on nous donne d'une main, on nous le reprend de l'autre", renchérit le patron d'une entreprise de transport, cité par Le Monde. "Si rien n'est fait rapidement, nous sortirons le carton rouge", menace le président du Medef.
Pierre Gattaz et Jean-François Roubaud précisent que ce n'est "pas une rébellion, pas une révolution, mais une mobilisation de chefs d'entreprise qui sont en souffrance" et qu'il faut "entendre leur cri d'alarme". Dans leur viseur, la faiblesse des taux de rentabilité des entreprises françaises qui leur interdit, selon eux, d'investir et de créer des emplois, la lourdeur des cotisations sociales et des réglementations. "Trois épouvantails qui font que nous sommes asphyxiés, ligotés", estime Pierre Gattaz. “Aujourd'hui, même l'entreprise qui marche bien n'ose pas investir, car elle ne sait pas ce qu'il adviendra demain", ajoute Jean-François Roubaud. Sa proposition : un "bouclier emploi" afin de plafonner les cotisations patronales.
Une politique fiscale qui manque de lisibilité
Pourquoi cette mobilisation ? En septembre 2012, François Hollande a promis un retour à la stabilité fiscale pour les PME. Un an plus tard, la politique fiscale menée par le gouvernement semble toujours manquer de lisibilité. D'un côté, le président de la République a multiplié les projets de taxes : hausse du forfait social, contribution des entreprises à la réforme des retraites, écotaxe poids lourds, etc. De l'autre, il a pu parfois donner le sentiment de se laisser convaincre par les arguments des patrons, allant jusqu'à s'autoproclamer, le 15 septembre, "président des entreprises" : création du crédit d'impôt compétitivité et emploi (Cice), TVA sociale, baisse des cotisations familiales pour les entreprises, etc. En 2012, cédant face au mouvement des Pigeons, le projet de taxation des plus-values pour les entrepreneurs avait été abandonné.
Symbole de ce flou, le récent revirement du gouvernement concernant le projet de taxation de l’excédent brut d’exploitation des entreprises. Pour compenser la perte de recettes fiscales tout en évitant la confrontation frontale avec le patronat, le gouvernement a annoncé une surtaxe temporaire à 11% de l’impôt sur les sociétés de plus de 250 millions d’euros de chiffre d’affaires. Mardi, les deux dirigeants patronaux se sont félicités de cette décision. "Il faut gérer le pays comme une entreprise", a préconisé Pierre Gattaz.
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