Le président de la commission d'enquête sur la souveraineté énergétique dénonce "un manque de conscience du caractère stratégique de l'énergie" en France
Raphaël Schellenberger, député Les Républicains, président de la commission d’enquête sur la souveraineté énergétique en France a pointé vendredi 7 avril sur franceinfo "un manque de conscience du caractère stratégique de l'énergie" ces dernières années . Après plus de six mois de travail, la commission a rendu jeudi un rapport très critique sur la politique énergétique de la France dénonçant une perte de souveraineté. "La question de l'énergie est devenue un sujet politicien, réduit à la question de savoir si on est pour ou contre le nucléaire", a-t-il critiqué.
Raphaël Schellenberger assume la vision pronucléaire du rapport : "Il l'est. Je ne considère pas que ce soit un défaut. Au contraire ! Le nucléaire est une filière que la France maîtrise de bout en bout", a-t-il mis en avant. Le rapport pointe du doigt les mauvais choix réalisés lors du quinquennat de François Hollande et formule 30 propositions adoptées par les membres de la commission la semaine dernière.
franceinfo : Quelles ont été les principales erreurs commises pour nous amener au pied de ce mur énergétique ?
Raphaël Schellenberger : C'est essentiellement un manque de conscience du caractère stratégique de l'énergie qui a conduit à ce qu'on préfère faire de la politique politicienne et peut être même parfois de simples accords électoralistes, plutôt que de traiter ce sujet comme un enjeu stratégique pour la compétitivité et la souveraineté de notre nation. Ça commence avant François Hollande. On l'a vu dès la fin des années 90, quand le Parti socialiste a conclu un accord avec les Verts qui conduit à l'abandon d'un certain nombre de projets de construction de nouvelles centrales nucléaires et qui conduit à la fermeture du projet Superphénix, qui était pourtant un projet qui aurait projeté la France dans une innovation et dans un temps d'avance sur le monde entier. Un projet qui fonctionnait. C'est à partir de là, finalement, que la question de l'énergie est devenue un sujet politicien, réduit à la question de savoir si on est pour ou contre le nucléaire.
Pourquoi pointez-vous le rôle néfaste de la Commission européenne avec la libéralisation du marché de l'énergie ?
Il y a des éléments qui sont liés à la libéralisation du marché de l'électricité, qui n'est pas un marché de biens et de services comme les autres. On ne peut pas considérer que l'électricité est un bien aussi simple qu'un bien de consommation courant. C'est un bien qui doit être produit instantanément à sa consommation. C'est quelque chose d'extrêmement complexe. La difficulté européenne vient peut-être davantage encore de ce qui n'est pas une vision idéologique, mais l'institutionnalisation d'un certain nombre de compétitions entre les États. La France ne s'est peut-être pas assez défendue dans la défense de ses filières industrielles. Ce qui fait la souveraineté d'un pays en matière énergétique, ce n'est pas seulement le choix de l'une ou l'autre énergie, c'est la maîtrise complète du processus de cette énergie. C'est ce qui était la grandeur de la France à partir des années 70-80, c'est de disposer de filières industrielles complètes pour l'énergie nucléaire et avant cela, pour l'énergie hydroélectrique. Malheureusement, sous le couvert d'une compétition européenne dans laquelle nous sommes mal battus, ces deux filières se sont trouvées très largement fragilisées.
Vous expliquez dans votre rapport que nous nous sommes éloignés à la fois de la transition énergétique et de la souveraineté énergétique. Comment redresser la barre ?
D'abord avec une prise de conscience. Nos travaux qui ont été très suivis par tout le milieu industriel de l'énergie, qui ont été très suivis par l'ensemble des Français, qui se demandaient pourquoi on leur demandait de mettre des cols roulés et de baisser la température de chauffage, ont permis cette prise de conscience. Maintenant, nous avons, avec le rapporteur, avec les membres de la commission d'enquête, la responsabilité de faire vivre ce dossier, de continuer à pointer la nécessité de s'en occuper, de mettre en place une pression politique pour que nous prenions les décisions que nous préconisons, nous les avons formulées. Charge à nous maintenant de réussir à convaincre le gouvernement, le président de la République, non pas seulement de faire des discours, mais de les mettre en œuvre. C'est bien une de mes inquiétudes. Nous avons auditionné la Première ministre, Elisabeth Borne qui, avant d'être Première ministre, a été la ministre de la transition écologique, qui a fait voter en 2019 une programmation pluriannuelle de l'énergie qui prévoyait la fermeture de quatorze réacteurs nucléaires supplémentaires. Avant cela, elle avait été la directrice de cabinet de Ségolène Royal, qui avait fait voter la loi qui a notamment prévu la fermeture de Fessenheim. J'ai bien le sentiment qu'au plus haut niveau de l'État, tout le monde n’est pas encore raccord sur la nécessité de considérer ce sujet comme absolument stratégique.
Vous ne citez même pas l'association négaWatt qui pourtant a été à bien été auditionnée ?
Je n'ai pas été très convaincue par les arguments techniques de l'association négaWatt. C'est peut-être bien une des difficultés de notre débat ces dernières années, c'est que nous avons parfois des pseudoexperts qui viennent présenter des analyses tronquées, qui ne sont pas des visions d'ensemble. Notre rapport peut être considéré pronucléaire. Il l'est. Je ne considère pas que ce soit un défaut. Au contraire ! Le nucléaire est une filière que la France maîtrise de bout en bout. Nous sommes un des rares pays au monde à maîtriser la question nucléaire, depuis l'extraction de l'uranium jusqu'à la recherche de pointe la plus poussée. Je crois que ça contribue de la souveraineté française que d'être fier d'avoir une telle filière industrielle sur son territoire.
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