La hausse du prix du gaz pourrait "durer encore quelques mois, voire quelques trimestres", prévient un expert
C'est la réponse à l'envoyeur, selon Thierry Bros, professeur à Sciences Po et spécialiste de la géopolitique de l'énergie. Les Européens répètent qu'il ne faut "plus investir dans le pétrole et le gaz". Du coup, les fournisseurs resserrent les vannes et font grimper les prix.
Le 1er octobre, les tarifs réglementés du gaz appliqués par Engie vont connaître une nouvelle hausse, de 12,6 % le 1er octobre. Et ces annonces de "hausse pourrait durer encore quelques mois, voire quelques trimestres", a estimé mardi 28 septembre sur franceinfo Thierry Bros, professeur à Sciences Po et spécialiste de la géopolitique de l'énergie. Pour cet expert des énergies, "il faut du temps" car "les investissements dans l'énergie se font en années, voire en décennies".
franceinfo : Pourquoi le prix du gaz augmente-t-il ?
Thierry Bros : L'économie se rouvre. Nous avons appris à vivre avec le Covid, donc nous consommons beaucoup plus de gaz qu'en 2020 et à peu près le même niveau qu'en 2019, 2018 et 2017. L'offre est aussi contrainte : pendant le Covid, on a fait peu de maintenance sur les installations de production dans les pays producteurs parce que c'était compliqué d'avoir des équipes sur place. Il faut aussi savoir que dans le pétrole et dans le gaz, quand les investissements diminuent, il y a souvent un déclin naturel des champs. On peut donc estimer qu'il y a eu là un déclin naturel sur la période Covid de 2020, avec une demande qui augmente et une offre qui se contraint. Aujourd'hui les stocks européens sont donc à un niveau très bas et les traders font pousser les prix vers le haut. Ils le font parce qu'ils estiment qu'on a un risque d'avoir des problèmes d'approvisionnement cet hiver.
Qui sont les pays fournisseurs de gaz de la planète et notamment de l'Europe ?
Les grands producteurs de gaz sont les États-Unis, la Russie, le Qatar et l'Australie. La Russie représente 40 % de parts de marché européen et nous fournit le gaz directement par pipe. Le Qatar et les États-Unis nous fournissent sous forme de gaz liquéfié dans des bateaux. Gazprom, la société d'État russe, à 50 % est la seule qui détienne de la capacité résiduelle inemployée. C'est la seule société vers laquelle on peut se tourner pour avoir des volumes supplémentaires, encore faut-il qu'elle le veule. Un fournisseur peut ou pas vous fournir des volumes additionnels et aujourd'hui la Russie n'a pas l'air de vouloir nous fournir de volumes additionnels, peut-être pour montrer son mécontentement vis-à-vis de l'Union européenne et de cette transition énergétique verte qui devrait pousser le gaz vers la sortie.
"L'approche dogmatique européenne quant au Green Deal ne résiste pas aux faits : on a besoin de plus de gaz et on en a besoin pour raisons climatiques."
Thierry Bros, spécialiste de la géopolitique de l'énergieà franceinfo
Si on a des prix du gaz trop élevés, on va être obligé de brûler du charbon ou du fuel pour de la production électrique. Cela causera des émissions de CO2 en hausse.
Est-ce que cela signifie selon vous que les Européens sont les premiers responsables de l'augmentation du prix du gaz ?
Oui. L'Agence internationale de l'énergie (AIE) nous parlait il y a quelques mois d'un scénario net zéro en nous disant qu'il ne fallait plus investir dans le pétrole et le gaz. Quand vous envoyez ce genre de message, vous contraignez l'offre et la demande doit s'adapter. À ce moment-là, la demande ne peut que s'adapter par les prix. Et c'est ce que l'on voit aujourd'hui. La hausse pourrait durer encore quelques mois, voire quelques trimestres. Il faut du temps, les investissements dans l'énergie se font en années voire en décennies. Il va falloir rattraper ce retard et revenir sur une approche plus pragmatique. Il va falloir comprendre que les sociétés pétrolières et gazières doivent continuer à investir dans des projets pour fournir la demande qui continue à être en hausse. Et cela va prendre quelques trimestres au moins.
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